Chapitre II: L'absence de pouvoir de sanction propre de
l'ORD
La réciprocité des règles du droit
international économique avec les règles du droit international
de l'environnement n'est d'ailleurs pas nécessairement souhaitable, dans
la mesure où l'ORD ne dispose pas actuellement des pouvoirs
nécessaires de sanction des Etats détournant les règles
à leur profit.
Les pouvoirs de l'ORD sont définis dans l'annexe 2 de
l'Accord instituant l'OMC
que constitue le Mémorandum d'accord sur les
règles et procédures régissant le règlement des
différends86.
Le Mémorandum d'accord établit un système
intégré permettant aux Membres de l'OMC de fonder leurs
revendications sur n'importe lequel des accords commerciaux
multilatéraux inclus dans les annexes de l'Accord instituant
l'OMC87. Le GATT de 1994 constitue l'annexe 1 de l'Accord instituant
l'OMC88. Il comprend, entre autres, le GATT de 1947 tel qu'il a
été rectifié, amendé ou modifié par les
dispositions des instruments juridiques qui sont entrés en vigueur avant
la date d'entrée en vigueur de l'Accord sur l'OMC89. Un
Organe de Règlement des Différends (ORD) est créé
par le Mémorandum d'accord sur les règles et procédures
régissant le règlement des différends90.
Ainsi, l'article XX du GATT de 1947 peut être
invoqué par les Etats devant l'ORD. Le Mémorandum d'accord
consacre des principes de règlement des différends existants sous
l'ancien système, avant la création de l'OMC en 1994, tout en
juridicisant le processus de règlement des différends.
Le règlement des différends dans le cadre de
l'OMC repose d'abord sur la consultation, à savoir des
négociations bilatérales. En outre, les Membres de l'OMC
affirment leur résolution de renforcer et d'améliorer
l'efficacité des procédures de consultation91.
Cependant, les Etats peuvent aussi recourir à des procédures
impliquant des tiers, tels que les bons offices, la conciliation et la
médiation92.
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93 Mémorandum d'accord sur les règles
et procédures régissant le règlement des
différends, Article 6.
94 Mémorandum d'accord sur les règles
et procédures régissant le règlement des
différends, Article 7.
95 Mémorandum d'accord sur les règles
et procédures régissant le règlement des
différends, Article 8.
96 Mémorandum d'accord sur les règles
et procédures régissant le règlement des
différends, Article 16, paragraphe 4.
97 Site internet de l'OMC, Présentation
technique du Mémorandum d'accord relatif aux règles et
procédures régissant le règlement des différends,
paragraphe 6.
98 Mémorandum d'accord sur les règles
et procédures régissant le règlement des
différends, Article 17.
99 Mémorandum d'accord sur les règles
et procédures régissant le règlement des
différends, Article 21.
100 Mémorandum d'accord sur les règles et
procédures régissant le règlement des différends,
Article 23.
101 Mémorandum d'accord sur les règles et
procédures régissant le règlement des différends,
Article 24.
Le bien-fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
Lorsqu'un différend n'est pas réglé par
voie de consultations, le Mémorandum d'accord prévoit
l'établissement d'un groupe spécial, si la partie plaignante le
demande93. Ce groupe spécial a pour mandat d'examiner la
question portée devant l'ORD par une partie au différend, et de
faire des constatations propres à aider l'ORD à formuler des
recommandations ou à statuer sur la question94. Il est
composé de trois personnes ayant des compétences et une
expérience appropriées et venant de pays dont le gouvernement
n'est pas partie au différend95. Les rapports des groupes
spéciaux sont adoptés par l'ORD, sauf si une partie décide
de faire appel ou si l'ORD décide par consensus de ne pas
l'adopter96.
Le concept d'examen en appel est un élément
nouveau important du Mémorandum d'accord97.
Un Organe d'appel, composé de sept membres, dont trois
siégeant pour une affaire donnée, est institué par la
Mémorandum98. L'appel est limité aux questions de
droit couvertes par le rapport du groupe spécial et aux
interprétations de droit données par celui-ci. Les rapports de
l'organe d'appel sont quant à eux adoptés par l'ORD, sauf si
l'ORD décide par consensus de ne pas l'adopter. Le fait qu'un consensus
soit nécessaire rend l'adoption des rapports quasi automatiques.
Les Etats doivent en principe donner suite dans les moindres
délais aux recommandations ou décisions de l'ORD99.
L'une des dispositions essentielles du Mémorandum
d'accord est que les Membres de l'OMC ne doivent pas eux-mêmes
déterminer qu'il y a eu violation, ni suspendre des concessions, mais
doivent appliquer les règles et procédures de règlement
des différends du Mémorandum d'accord100. De plus, le
Mémorandum d'accord contient un certain nombre de dispositions qui
tiennent compte des intérêts spécifiques des pays en
développement et des pays les moins avancés101.
Le bien-fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
Cependant, ces dispositions ne font pas de l'ORD une
juridiction internationale, dans la mesure où il ne peut pas sanctionner
directement les Etats en cas de non-respect de ses rapports. L'ORD ne peut
qu'autoriser une partie à un différend à prendre des
mesures de sanction.
Dans le cas où les recommandations adoptées par
l'ORD ne sont pas mises en oeuvre par le Membre de l'OMC dans un délai
raisonnable, les parties peuvent recourir, de façon temporaire, à
la compensation et la suspension de concessions ou d'autres
obligations102.
Ce n'est que dans le cas où les négociations en
vue de se mettre d'accord sur une compensation mutuellement acceptable ont
échoué qu'une partie au différend pourra demander à
l'ORD l'autorisation de suspendre l'application de concessions ou d'autres
obligations à l'égard de l'autre partie
concernée103.
En principe, les concessions devraient être suspendues
dans le même secteur que celui qui est en cause dans l'affaire
examinée par le groupe spécial. Si cela n'est pas
matériellement possible ou efficace, la suspension pourra intervenir
dans un secteur différent au titre du même accord. Si, là
encore, cela n'est pas matériellement possible ou efficace et si les
circonstances sont suffisamment graves, la suspension de concessions pourra
intervenir au titre d'un autre accord104.
L'ORD accorde, sur demande, l'autorisation de suspendre des
concessions ou d'autres obligations à moins qu'il ne décide par
consensus de rejeter la demande. Si le Membre concerné conteste le
niveau de la suspension proposée, ou affirme que les principes et
procédures énoncés précédemment n'ont pas
été suivis, la question est soumise à
arbitrage105.
Ainsi, un Etat économiquement fort peut se permettre de
ne pas abroger une législation contraire aux règles de la
concurrence qu'il justifie faussement par la protection de l'environnement. A
l'inverse un Etat économiquement fort peut imposer des sanctions
économiques sans obtenir l'accord de l'ORD. Ce fut notamment le cas des
Etats-Unis dans l'affaire du boeuf aux hormones, Etats-Unis
etc./ Communautés européennes, de l'Organe d'appel de l'ORD de
1998106.
Cela pose en outre un problème d'égalité
puisque les Etats puissants économiquement pourraient faire pression sur
les petits Etats pour qu'ils respectent leurs obligations environnementales,
sans que l'inverse soit avéré, alors même que les Etats
développés peuvent être très pollueurs.
102 Mémorandum d'accord sur les règles et
procédures régissant le règlement des différends,
Article 22, paragraphe 1.
103 Mémorandum d'accord sur les règles et
procédures régissant le règlement des différends,
Article 22, paragraphe 2.
104 Mémorandum d'accord sur les règles et
procédures régissant le règlement des différends,
Article 22, paragraphe 3.
105 Mémorandum d'accord sur les règles et
procédures régissant le règlement des différends,
Article 22, paragraphe 6.
30
106 Raphaël Romi, Droit international et européen de
l'environnement, p 292.
Le bien-fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
Ainsi, la réciprocité des règles du droit
de l'environnement avec celles du droit économique n'est pas souhaitable
du point de vue d'un objectif de protection de l'environnement en raison de
l'insuffisance des pouvoirs de sanction de l'ORD.
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