Titre III : Le Tribunal international du droit de la
mer
Une troisième possibilité est d'étendre
la compétence du Tribunal international du droit de la mer pour en faire
une juridiction spécialisée en droit de l'environnement et pas
qu'en droit de la mer.
Le Tribunal international du droit de la mer est un organe
judiciaire indépendant créé par l'article 287 de la
Convention de Montego Bay, pour connaître des
différends auxquels pourraient donner lieu l'interprétation et
l'application de la Convention166. Son statut est constitué
par l'annexe VI à la Convention de Montego Bay. La
soumission d'un différend au Tribunal est régie par les parties
XI et XV de la Convention de Montego Bay167, à savoir les
parties sur la Zone et le règlement des différends.
165 Rapport de UNEP et Interpol, The environmental crime crisis,
2014, p 10.
166 Site internet du Tribunal international du droit de la mer,
le Tribunal.
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167 Statut du Tribunal international du droit de la mer, Article
premier.
Le bien-fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement Chapitre Ier : La
compétence actuelle du Tribunal
Le Tribunal international du droit de la mer est
compétent pour tous les différends et toutes les demandes qui lui
sont soumis conformément à la Convention de Montego Bay et toutes
les fois que cela est expressément prévu dans tout autre
traité international conférant compétence au
Tribunal168. Les parties XI et XV de la Convention de Montego Bay
confèrent deux types de compétence au Tribunal.
D'une part, au sein du Tribunal international du droit de la
mer est créée une Chambre pour le règlement des
différends relatifs aux fonds marins169. Cette chambre est
compétente pour connaître des différends portant sur des
activités menées dans la Zone170, à savoir les
fonds marins et leur sous-sol au-delà des limites de la juridiction
nationale. Elle est compétente pour connaître des litiges entre
des Etats, l'Autorité internationale des fonds marins
(l'Autorité), l'Entreprise, des entreprises d'Etats, et des personnes
physiques ou morales possédant la nationalité d'Etats Parties ou
effectivement contrôlées par eux ou leurs ressortissants,
lorsqu'elles sont patronnées par ces Etats ou par tout groupe des
catégories précitées conformément aux
procédures et critères de qualification énoncés
dans les règles, règlements et procédures de
l'Autorité171.
L'Autorité est l'organisation par
l'intermédiaire de laquelle les Etats parties à la Convention de
Montego Bay organisent et contrôlent les activités menées
dans la Zone, notamment aux fins de l'administration des ressources de
celle-ci172. L'Entreprise est l'organe de l'Autorité qui
mène des activités dans la Zone, telles que l'exploration et
l'exploitation de la Zone, ainsi que le transport, le traitement, et la
commercialisation de minéraux173.
Les différends entre Etats relatifs à
l'interprétation de la partie de la Convention de Montego Bay portant
sur des activités menées dans la Zone peuvent être soumis
à une chambre spéciale du Tribunal international du droit de la
mer ou encore à une chambre ad hoc de la Chambre pour le
règlement des différends relatifs aux fonds marins174.
Les différends entre parties à un contrat relatif à des
activités menées dans la Zone peuvent être soumis à
un arbitrage commercial obligatoire.
Ainsi, contrairement à la CIJ, le Tribunal
international du droit de la mer n'est pas compétent pour juger des
Etats uniquement en ce qui concerne les activités menées dans la
Zone.
D'autre part, le Tribunal international du droit de la mer
peut être compétent pour le règlement des autres
différends relatifs à l'interprétation ou à
l'application de la Convention de Montego Bay, lorsque les deux Etats parties
au conflit ont accepté par voie de déclaration écrite la
compétence du Tribunal175.
168 Statut du Tribunal international du droit de la mer, Article
21.
169 Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, Article
186.
170 Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, Article
187.
171 Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, Article
153, paragraphe 2 lettre b).
172 Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, Article
157.
173 Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, Article
170.
174 Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, Article
188.
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175 Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, Article
287.
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Le bien-fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement Chapitre II:
L'extension possible de la compétence du Tribunal
Il est possible de conclure une nouvelle convention
internationale générale qui donne compétence au Tribunal
international du droit de la mer pour tout différend lié à
l'application de la convention. Cependant, la juridiction étendue du
Tribunal ne concerne que les activités menées dans les grands
fonds marins. Il en résulte que dans les autres domaines, et donc en
droit international environnemental général, le Tribunal dispose
de la même compétence ratione personae que la CIJ. Dans
la mesure où le Tribunal est moins reconnu que la CIJ, l'extension de la
compétence du Tribunal semble moins pertinente que celle de la CIJ.
Il résulte de tout ce qu'il précède que
si l'extension de la compétence de juridictions existantes est choisie,
celle-ci devra concerner à la fois la CIJ et la CPI, dans la mesure
où les deux juridictions ont une compétence ratione personae
complémentaire. En revanche, l'extension de la compétence de
ces deux juridictions est problématique dans la mesure où elle ne
permet pas la répression des atteintes à l'environnement commises
par des personnes morales de droit privé. Par ailleurs, elle ne permet
pas l'engagement de la responsabilité civile de personnes privées
(physiques ou morales), dans le cas où l'Etat compétent fait
défaut. Dans cette optique, la création d'une nouvelle
juridiction internationale spécialisée en droit de
l'environnement peut être intéressante.
Le bien-fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
Partie III : Le bien--fondé de la création d'une
nouvelle juridiction internationale spécialisée en droit de
l'environnement
Plusieurs initiatives et propositions politiques ou
doctrinales de juridictions internationales spécialisées en droit
de l'environnement ont été faites. Celles-ci, tout comme les
juridictions nationales spécialisées en droit de l'environnement,
peuvent servir d'inspiration à ce à quoi ressemblerait une
nouvelle juridiction internationale spécialisée en droit de
l'environnement.
La création d'une nouvelle juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement a pour principal avantage
de permettre à un groupe d'experts en droit international de
l'environnement de juger des personnes ayant commis des dommages à
l'environnement. Cependant, elle risque de poser un problème de
délimitation de compétence par rapport aux juridictions
internationales existantes, et donc de créer un conflit de
juridictions.
La création d'une nouvelle juridiction internationale
implique en principe la rédaction d'un nouveau statut, qui devra
définir l'organisation, la compétence et les règles de
procédures de cette juridiction. Ce statut peut, entre autres,
s'inspirer du statut de tribunaux moraux internationaux
spécialisés en environnement ou encore de juridictions nationales
spécialisées en droit de l'environnement, et plus
généralement des statuts de juridictions internationales
existantes.
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