Chapitre II: L'extension possible de la
compétence de la CPI
L'extension de la juridiction de la CPI serait
justifiée par l'augmentation des crimes environnementaux160.
Le crime environnemental, encore appelé écocide, deviendrait un
crime international. Cela permettrait de juger des personnes physiques,
contrairement à l'extension de la compétence de la CIJ. De plus,
cette extension de compétence aurait pour avantage, comme l'extension de
la compétence de la CIJ la simplicité, puisqu'elle permettrait
d'utiliser les structures de la CPI.
Polly Higgins, l'avocate britannique, propose de créer
un cinquième crime international au sein de l'article 5 du statut de la
CPI. Cette approche impliquerait la difficile définition du crime
d'écocide. Polly Higgins propose comme définition : « La
destruction, la détérioration ou la perte substantielle d'un ou
plusieurs écosystèmes d'un territoire donné, que la cause
en soit humaine ou autre, d'une telle ampleur que la jouissance paisible des
habitants dudit territoire en est sévèrement diminuée
»161. Dans cette définition, le critère
déterminant du crime n'est pas tant dans l'intention de son auteur que
la gravité des conséquences de l'acte pour l'environnement et
l'être humain.
Le PNUE et Interpol sont clairement en faveur d'une telle
extension de la compétence de la CPI.
Le bien-fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
En effet, selon ces deux Organisations Internationales, pour
inverser la courbe des crimes environnementaux, les réponses doivent
inclure une série de mesures légales, telles que
l'exécution, la législation, la réglementation, et la
gestion de l'environnement162. Le PNUE et Interpol recommandent de
soutenir internationalement la chaine entière d'exécution, ce qui
inclut le pouvoir judiciaire, en particulier la référence au
crime environnemental163. D'après eux, il est
nécessaire de définir urgemment et définitivement le crime
environnemental pour assurer une compréhension commune de la
terminologie164.
Cette approche nécessiterait la constitution d'une
commission formée d'experts qui étudierait comment passer
à cette réforme. Cette commission mettrait en place la
documentation nécessaire et pourrait définir la nouvelle
compétence de la CPI.
Les conditions et modalités d'adoption d'un amendement
au statut de la CPI dépendent des dispositions que l'amendement a pour
but de modifier. En outre, des règles différentes s'appliquent
amendement aux articles 5, 6, 7 et 8 du statut, aux amendements aux
dispositions du statut de caractère exclusivement institutionnel ou aux
amendements aux autres dispositions du statut.
En ce qui concerne les amendements à l'article 5 du
statut, les règles sont posées par l'article 121 du statut de la
CPI :
- Tout Etat Partie au statut peut proposer cet amendement.
- Le texte de la proposition d'amendement devra être
soumis au Secrétaire général de l'Organisation des Nations
Unies, qui le communiquera sans retard à tous les Etats Parties.
- Trois mois au plus tôt après la date de cette
communication, l'Assemblée des Etats Parties, à la réunion
suivante, décide, à la majorité de ses membres
présents et votants, de se saisir ou non de la proposition.
L'Assemblée peut traiter cette proposition elle-même ou convoquer
une conférence de révision si la question soulevée le
justifie.
- L'adoption de l'amendement lors d'une réunion de
l'Assemblée des Etats Parties ou d'une conférence de
révision requerra, s'il n'est pas possible de parvenir à un
consensus, la majorité des deux tiers des Etats Parties.
- L'amendement entrera en vigueur à l'égard des
Etats Parties qui l'ont accepté un an après le dépôt
de leurs instruments de ratification ou d'acceptation.
- La CPI n'exercera pas sa compétence à
l'égard d'un crime faisant l'objet de cet amendement lorsque ce crime a
été commis par un ressortissant d'un Etat Partie qui n'a pas
accepté l'amendement ou sur le territoire de cet Etat.
- Le Secrétaire général de l'ONU
communiquera à tous les Etats Parties l'amendement adopté lors
d'une réunion de l'Assemblée des Etats Parties ou d'une
conférence de révision.
Il résulte de ces dispositions que le concours d'un
seul Etat est nécessaire pour proposer l'amendement, mais qu'en
revanche, 83 des 124 parties au statut de la CPI devront voter en faveur de
l'adoption de l'amendement.
162 Rapport de UNEP et Interpol, The environmental crime crisis,
2014, p 14.
163 Rapport de UNEP et Interpol, The environmental crime crisis,
2014, p 11.
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164 Rapport de UNEP et Interpol, The environmental crime crisis,
2014, p 17.
Le bien--fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
L'extension de la compétence de la CPI comporte bien
moins d'inconvénients que l'extension de la compétence de la CIJ,
dans la mesure où cette extension serait plus efficace du point de vue
de la protection de l'environnement. En outre, elle permettrait de
remédier au fait que certains Etats n'exercent pas leur
compétence pénale à l'égard des activités
relevant de leur juridiction ou de leur contrôle. Dans la mesure
où certains Etats n'exercent pas leur compétence sur les
personnes privées (physiques ou morales) relevant de leur juridiction ou
contrôle et causant des dommages à l'environnement, et que les
autres Etats engagent rarement la responsabilité de l'Etat qui n'a pas
exercé sa compétence, il paraît en effet efficace d'engager
directement la responsabilité de ces personnes privées, d'un
point de vue de protection environnementale.
Le défaut des Etats d'exercice de leur
compétence pénale à l'égard des activités
relevant de leur juridiction ou de leur contrôle n'est pas
nécessairement uniquement volontaire. Selon le PNUE et Interpol,
beaucoup d'Etats et organisations ne sont pas dans la capacité de
combattre seuls les crimes environnementaux. Cela est dû à
l'augmentation fulgurante, au degré de sophistication et au
caractère global des atteintes à
l'environnement165.
Cependant, la création du crime d'écocide ne
permettrait pas pour autant à la CPI de juger des personnes morales,
même de droit privé, en cas de commission d'un crime international
environnemental. En outre, comme vu précédemment, les personnes
morales ne sont pour le moment pas susceptibles de faire l'objet d'une
condamnation pénale en vertu du droit international pénal.
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