Chapitre Ier : La compétence actuelle de la
CIJ
En vertu du statut de la CIJ, seuls les Etats ont qualité
pour se présenter devant la Cour121.
Cela signifie qu'en principe les personnes privées,
telles que les personnes physiques (les individus) ou les personnes morales de
droit privé (entreprises, ONG), ne sont pas justiciables devant la Cour.
Mais cela signifie également que les autres personnes morales de droit
public (organisation internationale, collectivités territoriales), en
principe, ne relèvent pas non plus de la compétence de la
Cour.
Pourtant, la Cour peut demander aux organisations
internationales publiques des renseignements relatifs aux affaires
portées devant elle, et recevra également lesdits renseignements
qui lui seraient présentés par ces organisations de leur propre
initiative122. Par ailleurs, l'interprétation de l'acte
constitutif d'une organisation internationale publique ou celle d'une
convention internationale adoptée en vertu de cet acte peut être
mise en question dans une affaire soumise à la Cour123.
En vertu du statut de la CIJ, la Cour est ouverte aux Etats
parties au statut de la CIJ124.
La compétence de la Cour s'étend à toutes
les affaires que les parties lui soumettent, ainsi qu'à tous les cas
spécialement prévus dans la Charte des Nations Unies ou dans les
traités et conventions en vigueur125. Les Etats parties au
statut peuvent, même après la naissance d'un litige,
déclarer reconnaître comme obligatoire de plein droit et sans
convention spéciale, à l'égard de tout autre Etat
acceptant la même obligation, la juridiction de la Cour sur tous les
différends d'ordre juridique ayant pour objet:
a. l'interprétation d'un traité;
b. tout point de droit international;
c. la réalité de tout fait qui, s'il était
établi, constituerait la violation d'un engagement international;
d. la nature ou l'étendue de la réparation due
pour la rupture d'un engagement international.
En cas de contestation sur le point de savoir si la Cour est
compétente, la Cour décide.
121 Statut de la Cour Internationale de Justice, Article 34
paragraphe 1.
122 Statut de la Cour Internationale de Justice, Article 34
paragraphe 2.
123 Statut de la Cour Internationale de Justice, Article 34
paragraphe 3.
124 Statut de la Cour Internationale de Justice, Article 35.
36
125 Statut de la Cour Internationale de Justice, Article 36.
Le bien--fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
Dans sa jurisprudence, la Cour a reconnu que sa
compétence en matière contentieuse se fonde sur le consentement
des Etats auxquels elle est ouverte126. Ce consentement peut prendre
différentes formes.
Premièrement, il peut prendre la forme d'un compromis,
en vertu duquel les deux parties au litige reconnaissent la compétence
de la Cour pour l'affaire en question. Deuxièmement, il peut prendre la
forme des cas prévus dans les traités et conventions.
Troisièmement, il peut prendre la forme d'une Déclaration
d'acceptation de la juridiction obligatoire de la Cour. Quatrièmement,
il peut prendre la forme d'une acceptation tacite de la compétence de la
Cour (forum prorogatum), en cas d'absence d'objection de l'Etat
défendeur de la saisie de la Cour par l'Etat demandeur. Enfin, la Cour
peut se prononcer sur sa propre compétence.
Les cas dans lesquels la Cour peut décider de sa
compétence sont limités dans des conditions définies par
le règlement qui prévoit les attributions et la procédure
de la CIJ, mentionné à l'article 30 du statut de la
CIJ127.
Ainsi, sauf à ce que les Etats aient ratifié une
convention internationale qui prévoit spécialement la
compétence de la Cour ou fassent une déclaration d'acceptation de
la juridiction obligatoire de la Cour, la CIJ n'est en principe
compétente qu'avec l'accord des deux parties au litige.
Parmi les conventions internationales environnementales
générales sectorielles, seules
l'UNFCCC128 et la
CDB129 toutes deux de 1992, prévoient
exclusivement la soumission d'un différend à la
CIJ.
En outre, les Conventions de Ramsar et de l'UNESCO ne
prévoient aucune disposition relative aux différends
internationaux. La CITES et la Convention de Bonn font quant à elles
référence à la Cour Permanente d'Arbitrage130.
Enfin, la Convention de Montego Bay prévoit qu'un Etat est libre de
choisir pour le règlement des différends relatifs à
l'interprétation ou à l'application de la Convention, le Tribunal
international du droit de la mer, la Cour internationale de Justice, ou un
tribunal arbitral131.
En revanche, de nombreuses conventions internationales
environnementales spécifiques prévoient la compétence de
la CIJ.
126 Site internet de la CIJ, Fondements de la compétence
de la Cour.
127 Site internet de la CIJ, Fondements de la Compétence
de la Cour.
128 Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements
Climatiques, Article 14.
129 Convention sur la diversité biologique, Article 27.
130 Convention sur le commerce international des
espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction,
Article XIII.
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131 Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, Article
287.
Le bien-fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
Ces conventions sont par exemple la Convention internationale
pour la prévention de la pollution des eaux de la mer par les
hydrocarbures, le Traité sur l'Antarctique, la Convention
révisée de 1868 pour la navigation du Rhin, la Convention de
Vienne pour la protection de la couche d'ozone, la Convention sur
l'évaluation de l'impact sur l'environnement dans un contexte
trans-frontière, la Convention sur la protection et l'utilisation des
cours d'eau transfrontières et des lacs internationaux et la Convention
sur l'accès à l'information, la participation du public au
processus décisionnel et l'accès à la justice en
matière d'environnement132.
A noter que le règlement d'un différend
concernant l'interprétation ou l'application du statut de la Cour
Pénale Internationale peut être renvoyé à la
CIJ133.
L'agenda 21 énonce que les Etats
doivent soumettre leurs différends relatifs au développement
durable à la CIJ. Cependant, ce plan d'action est
considéré comme du droit mou, de sorte qu'il n'a pas de force
contraignante, sauf à faire partie de la coutume internationale.
L'agenda 21134 adopté lors
de la Conférence des Nations unies sur l'environnement et le
développement de Rio de 1992 prévoit en effet que les Etats
devraient étudier et examiner plus avant des méthodes permettant
d'élargir l'éventail des mécanismes de prévention
et de règlement des différends actuellement disponibles et
d'accroître leur efficacité. Ce peut être des moyens
pacifiques efficaces de règlement des différends
conformément à la Charte des Nations Unies, y compris le cas
échéant le recours à la Cour internationale de Justice et
leur inclusion dans les traités ayant trait au développement
durable.
Par ailleurs, moins de la moitié des Etats membres des
Nations Unies (72/193)135 ont fait une déclaration
d'acceptation de la juridiction obligatoire de la CIJ136. La France
n'en fait pas partie.
Il en résulte qu'il n'y a que peu d'affaires de la Cour
Internationale de Justice (CIJ) qui traitent du droit international de
l'environnement. Les principales affaires de la CIJ en matière
environnementale sont:
1) C.I.J, Affaire du détroit de Corfou,
arrêt du 9 avril 1949, Grande-Bretagne/Albanie
2) C.I.J., Licéité de la menace et de
l'emploi d'armes nucléaires, avis consultatif du 8 juillet
1996
3) C.I.J., Affaire relative au projet
Gabèikovo--Nagymaros, arrêt du 25 septembre 1997,
Slovaquie/Hongrie
4) C.I.J., Affaire relative à des usines de
pâte à papier sur le fleuve Uruguay, arrêt du 20
avril 2010, Argentine/Uruguay
5) C.I.J., Affaire de la chasse à la baleine
dans l'Antarctique, arrêt du 31 mars 2014, Australie/Japon
132 Site internet de la CIJ, Traités.
133 Statut de la Cour Pénale Internationale, Article 119
paragraphe 2.
134 Agenda 21, Chapitre 39, Instruments et mécanismes
juridiques internationaux, paragraphe 10.
135 Site internet des NU, Progression du nombre des Etats membres
de 1945 à nos jours.
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136 Site internet de la CIJ, Déclarations d'acceptation de
la juridiction obligatoire.
Le bien--fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
En outre, la CIJ a tenté d'instaurer une chambre
spécialisée en droit de l'environnement, mais cette tentative
s'est soldée par un échec.
En principe, la Cour exerce ses attributions en séance
plénière137. Par exception, elle peut exercer ses
attributions en chambre restreinte, permanente ou temporaire. Il existe trois
types de chambres à la Cour. La Cour peut tout d'abord constituer une ou
plusieurs chambres, composées de trois juges au moins, pour
connaître de catégories déterminées
d'affaires138. Ensuite, elle peut constituer une chambre, dont le
nombre de juges est fixé par la Cour avec l'assentiment des parties,
pour connaître d'une affaire déterminée139.
Enfin, la Cour compose annuellement une chambre de cinq juges, appelés
à statuer en procédure sommaire lorsque les parties le demandent
en vue de la prompte expédition des affaires140. Tout
arrêt rendu par l'une de ces chambres est considéré comme
rendu par la Cour141. De plus, ces chambres peuvent, avec le
consentement des parties, siéger et exercer leurs fonctions ailleurs
qu'à La Haye142.
La CIJ a ainsi institué en 1993 une chambre pour
connaître des affaires environnementales, en vertu de l'article 26 §
1 de son statut143. Cette chambre était composée de
sept juges144. Elle a été régulièrement
reconstituée jusqu'en 2006. Au cours de ses treize années
d'existence, aucun Etat n'a toutefois demandé à ce qu'une affaire
soit portée devant cette chambre. La Cour a en conséquence
décidé en 2006 de ne pas tenir d'élections pour renouveler
la composition de ladite chambre. Des affaires n'ont à ce jour
été portées que devant des chambres constituées en
vertu de l'article 26 § 2 du statut de la CIJ.
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