Titre préliminaire : Introduction
L'absence de définition juridique consensuelle de
l'environnement
Où trouver une définition juridique de
l'environnement? L'article 38 du statut de la Cour International de Justice
(CIJ), considéré comme reflétant la coutume
internationale, énumère les différentes sources du droit
international. Parmi ces dernières se trouvent les sources primaires
d'une part, à savoir les conventions internationales, la coutume
internationale et les principes généraux du droit, et les sources
secondaires d'autre part, c'est-à-dire les décisions judiciaires
et la doctrine. Nous étudierons donc chacune de ces sources, dans
l'ordre énoncé précédemment, afin de définir
juridiquement l'environnement de la manière la plus complète
possible.
Dans les conventions internationales
Si le recours à la notion d'environnement a
été de plus en plus fréquent dans les conventions
internationales environnementales générales sectorielles à
partir de la Convention sur la Diversité Biologique
(CDB) de 1992, force est de constater que sa définition ne
figure dans aucun texte international contraignant.
En effet, la Convention de Ramsar,
adoptée en 1971, reconnaît dans son préambule
l'interdépendance de l'homme et de son environnement, sans toutefois
définir la notion d'environnement. La Convention de l'UNESCO de 1972 ne
mentionne même pas l'environnement.
La CITES de 1973, comme la Convention de
Ramsar, cite l'environnement sans définir cette notion. En effet, elle
fait référence au transport, dans un Etat, de spécimens
d'espèces qui ont été pris dans l'environnement marin
n'étant pas sous la juridiction d'un Etat, pour définir
l'introduction d'espèces dans un Etat en provenance de la
mer1. La Convention de Bonn de 1979, comme la Convention de
l'UNESCO, ne fait pas référence à l'environnement.
La Convention de Montego Bay de 1982
prévoit que l'Etat côtier peut adopter des lois et
règlements relatifs au passage inoffensif des navires d'autres Etats
dans sa mer territoriale, qui peuvent porter sur la préservation de son
environnement2. Toutefois, la Convention ne définit pas la
notion d'environnement, qui n'est que très peu utilisée. Dans le
texte français, la notion de `milieu' ou le terme `écologique'
est en effet préféré au terme «
environment» utilisé dans le texte anglais.
Le préambule de la Convention sur la
diversité biologique de 1992 affirme la valeur
intrinsèque de la diversité biologique et la valeur de la
diversité et de ses éléments constitutifs sur le plan
environnemental. Il reconnaît les nombreux avantages sur le plan
environnemental des investissements importants nécessaires pour assurer
la conservation de la diversité biologique.
1 Convention sur le commerce international des
espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction,
Article I.
5
2 Convention des Nations Unies sur le droit de la mer,
Article 21.
Le bien-fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
La CDB a recours à la notion
d'environnement non vivant pour définir un écosystème. En
outre, la Convention définit un écosystème comme un
complexe dynamique formé de communautés de plantes, d'animaux et
de micro-organismes et de leur environnement non vivant qui par leur
interaction, forment une unité fonctionnelle3. Par ailleurs,
elle consacre plusieurs obligations des Etats en utilisant la notion
d'environnement.
Ainsi, bien qu'on puisse noter une utilisation importante du
terme « environnement» dans la CDB, la
Convention ne définit pas cette notion. L'UNFCCC de
1992 fait aussi de nombreuses fois référence à
l'environnement.
En particulier, son préambule souligne le fait que les
mesures permettant de comprendre les changements climatiques et d'y faire face
auront une efficacité pour l'environnement maximale si elles se fondent
sur les considérations scientifiques, techniques et économiques
appropriées et si elles sont constamment réévaluées
à la lumière des nouveaux progrès réalisés
dans ce domaine. Enfin, il note que diverses mesures prises pour faire face aux
changements climatiques peuvent contribuer à résoudre d'autres
problèmes d'environnement.
De plus, la Convention définit les effets
néfastes des changements climatiques comme les modifications de
l'environnement physique ou des biotes dues à des changements
climatiques et qui exercent des effets nocifs significatifs sur la composition,
la résistance ou la productivité des écosystèmes
naturels et aménagés, sur le fonctionnement des systèmes
socio-économiques ou sur la santé et le bien-être de
l'homme4.
Comme pour la CDB, l'UNFCCC
a de nombreuses fois recours à la notion d'environnement, dans
son préambule ou dans sa convention, pour définir d'autres
notions ou pour consacrer les obligations des Etats, sans toutefois
définir l'environnement. Il faut par conséquent chercher une
définition de l'environnement dans d'autres sources du droit
international.
Dans la coutume internationale
La coutume internationale est, selon l'article 38 de la CIJ,
« une pratique générale acceptée comme
étant le droit ». Existe-t-il une définition
coutumière de l'environnement? Plusieurs instruments de soft law font
référence à l'environnement.
En particulier, le préambule de la
Déclaration de Stockholm de 1972 note la
nécessité d'adopter une conception commune et des principes
communs qui inspireront et guideront les efforts des peuples du monde en vue de
préserver et d'améliorer l'environnement. Elle proclame que
« l'Homme est à la fois créature et créateur de
son environnement, qui assure la subsistance physique de l'Homme et lui offre
la possibilité d'un développement intellectuel, moral, social et
spirituel ». Selon la Déclaration, il existe deux
éléments de l'environnement de l'Homme, à savoir
l'élément naturel et celui que l'Homme a lui-même
créé. Les deux sont indispensables au bien-être humain et
à la pleine jouissance de ses droits fondamentaux, y compris le droit
à la vie même.
3 Convention sur la diversité biologique,
Article 2.
6
4 Convention Cadre des Nations Unies sur les
Changements Climatiques, Article premier.
Le bien--fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
Ainsi, la Déclaration de Stockholm de
1972 adopte une vision très anthropocentrée de l'environnement.
Elle semble indiquer qu'il existe `d'autres' environnements, qui s'ajoutent
à l'environnement de l'être humain.
L'UNFCCC fait référence à la
Résolution 44/228 de l'Assemblée
Générale des Nations Unies de 1989. Par cette résolution,
l'Assemblée Générale des Nations Unies décide de
convoquer la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le
développement qui durera deux semaines5 et se tiendra au
Brésil.
Elle détermine les objectifs de la Conférence de
Rio, notamment celui de promouvoir le développement du droit
international de l'environnement, compte tenu de la Déclaration de
Stockholm, ainsi que des besoins et préoccupations des pays en
développement, et examiner dans ce contexte la possibilité et
l'opportunité de définir les droits et devoirs
généraux des Etats dans le domaine de l'environnement, compte
tenu des instruments de droit international qui existent déjà en
la matière6. Un autre objectif de la Conférence de Rio
est d'évaluer les moyens dont dispose le système des Nations
Unies pour aider à prévenir et à résoudre les
différends dans le domaine de l'environnement et recommander des mesures
à cet égard, tout en respectant les accords bilatéraux et
internationaux existants qui prévoient le règlement de
différends de cette nature7.
La Résolution 44/228 de
l'Assemblée Générale des Nations Unies de 1989, bien que
prévoyant l'organisation d'une conférence internationale portant
sur l'environnement, ne définit pas cette notion.
La Déclaration de Rio de 1992 oeuvre
en vue d'accords internationaux qui respectent les intérêts de
tous et protègent l'intégrité du système mondial de
l'environnement et du développement. Elle établit 27
principes.
Elle énonce en particulier le principe selon lequel le
droit au développement doit être réalisé de
façon à satisfaire équitablement les besoins relatifs au
développement et à l'environnement des générations
présentes et futures8.
La Déclaration de Rio utilise la
notion d'environnement pour définir le développement durable,
sans toutefois définir cette notion, tout comme la
Résolution 44/228 de l'AG.
5 Résolution 44/228 de l'Assemblée
générale des Nations Unies, 22 décembre 1989, relative
à la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le
développement, partie I, paragraphe 1.
6 Résolution 44/228 de l'Assemblée
générale des Nations Unies, 22 décembre 1989, relative
à la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le
développement, partie I, paragraphe 15 (d).
7 Résolution 44/228 de l'Assemblée
générale des Nations Unies, 22 décembre 1989, relative
à la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le
développement, partie I, paragraphe 15 (w).
7
8 Déclaration de Rio sur l'environnement et le
développement, Principe 3.
Le bien-fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
Les juridictions internationales ont pu admettre la valeur
coutumière de certaines dispositions issues de la soft law, en
particulier des Déclarations de Stockholm et de Rio, telles que le
principe de non dommage au territoire d'autres Etats ou à des
territoires régis par le droit international, le principe de
prévention et plus récemment le principe de précaution
(voir plus loin, La nécessité de protéger
l'environnement en droit dans la jurisprudence internationale).
La définition de l'environnement posée par la
Déclaration de Stockholm de 1972 fait partie du
préambule de la Déclaration et non des principes qu'elle
énonce. Sa force juridique est donc moindre que les dispositions du
corps de la Déclaration.
De nombreux textes postérieurs à la
Déclaration de Stockholm font référence à cette
dernière. Ainsi, la Résolution 44/228 de
l'Assemblée Générale des Nations Unies de 1989 rappelle la
Déclaration de Stockholm. De plus, la Déclaration de Rio
de 1992 réaffirme la Déclaration de Stockholm, et
cherche à en assurer le prolongement. Enfin, le préambule de
l'UNFCCC de 1992 rappelle à la fois les dispositions
pertinentes de la Déclaration de Stockholm et de la Résolution
44/228 de l'AG.
Cependant, la définition de l'environnement de la
Déclaration de Stockholm n'est reprise expressément ni par la
Résolution 44/228 de l'AG, ni par la Déclaration de Rio, ni par
l'UNFCCC. Ainsi, il semble difficile d'affirmer qu'il existe une pratique
générale consistant à définir l'environnement,
acceptée comme étant le droit. Il ne semble donc pas exister de
définition coutumière de l'environnement.
Dans les principes généraux du droit
international
Les Constitutions allemande, américaine,
australienne, canadienne et néo-- zélandaise ne font pas
de référence expresse à l'environnement. Les
Constitutions de la Chine9, de
l'Espagne10, du Kenya11, du Maroc12, de la
Suisse13 et du Vietnam14 font
référence à l'environnement, sans toutefois définir
cette notion.
La Constitution indienne de 1950 fait
référence aux forêts, rivières et animaux sauvages
comme composantes de l'environnement naturel, sans toutefois définir
cette notion15. La Constitution de la Bolivie de
2009 fait référence à des actes qui portent atteinte
à la faune, la flore, l'eau et l'environnement, ce qui suggère
que ces trois éléments sont distincts de la notion
d'environnement16.
9 Constitution de la République populaire de
Chine, Article 26.
10 Constitution de l'Espagne, Articles 45, 148 et
149.
11 Constitution du Kenya, Article 42 et Articles 69
à 72.
12 Constitution du Maroc, Articles 31 et 71.
13 Constitution fédérale de la
Confédération suisse, Sections 65, 73-80, 86, 104, 120, 197.
14 Constitution de la République socialiste du
Vietnam, Articles 29 et 112.
15 Constitution de l'Inde, partie IV A, Article 51 A
(g).
8
16 Constitution de la République de Bolivie,
Article 189.
Le bien-fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
En ce qui concerne la France, la Charte de
l'environnement de 2004 définit l'environnement dans son
préambule comme « le patrimoine commun des êtres humains
», tandis que la Constitution du Brésil de
1988 définit l'environnement comme un « bien à l'usage
commun du peuple et essentiel à une saine qualité de vie
»17.
Il en résulte que les rares Constitutions nationales
qui définissent l'environnement paraissent le définir comme un
bien commun. Cependant, ces définitions ne semblent pas assez
fréquentes pour que le juge puisse en tirer un principe
général du droit.
Dans la jurisprudence internationale
Les affaires de la fonderie de Trail
(Tribunal arbitral), du détroit de Corfou (CIJ), et du
lac Lanoux (Tribunal arbitral) ne font pas directement
référence à la notion d'environnement.
Il faut attendre l'avis de la CIJ sur la
licéité de la menace et de l'emploi des armes
nucléaires de 1996, pour que la CIJ utilise la
notion d'environnement. Dans cet avis, la CIJ a défini l'environnement
comme n'étant « pas une abstraction, mais bien l'espace
où vivent les êtres humains et dont dépendent la
qualité de leur vie et leur santé, y compris pour les
générations à venir »18. Cette
définition de l'environnement est, tout comme celle de la
Déclaration de Stockholm, anthropocentrée. Dans les deux
définitions de l'avis de la CIJ et de la Déclaration de Stockholm
se retrouve la dépendance de l'Homme pour sa survie vis-à-vis de
son environnement.
Il est intéressant de souligner que l'apparition du
terme 'environnement' dans le vocabulaire utilisé par la CIJ (1996)
coïncide avec l'apparition du terme dans la Convention sur la
Diversité Biologique de 1992. Il semble que le juge international ait
tenté de pallier l'absence de définition prévue par le
droit primaire.
Dans l'affaire relative au projet
Gabèikovo--Nagymaros19, la CIJ
réaffirme sa définition de l'environnement, telle que
formulée dans son avis sur la licéité de la menace et de
l'emploi des armes nucléaires.
Dans l'affaire relative la ligne ferroviaire du Rhin
de fer, le Tribunal arbitral note que dans le domaine du droit
international de l'environnement, les règles et principes, la soft law
et le droit coutumier font tous référence à
l'environnement de façon générale comme incluant l'air,
l'eau, les sols, la faune et la flore, les écosystèmes et sites
naturels, la santé et sécurité humaine et le
climat20.
17 Constitution de la République
fédérative du Brésil, Article 225.
18 CIJ, Licéité de la menace et de
l'emploi d'armes nucléaires, avis consultatif du 8 juillet 1996, p 19 et
20, paragraphe 29.
19 CIJ, Affaire relative au projet
Gabèikovo-Nagymaros, arrêt du 25 septembre 1997,
Slovaquie/Hongrie, p 38, paragraphe 53.
9
20 Tribunal arbitral, Affaire relative la ligne
ferroviaire du Rhin de fer, sentence du 24 mai 2005, Belgique/Pays-Bas, p 28,
paragraphe 58.
Le bien--fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
L'avis consultatif de la chambre pour le règlement des
différends relatifs aux fonds marins du Tribunal international du droit
de la mer sur les responsabilités et obligations des Etats qui
patronnent des personnes et des entités dans le cadre
d'activités menées dans la Zone fait de
nombreuses fois référence à la notion d'environnement,
sans la définir. L'affaire de la CIJ de la chasse à la
baleine dans l'Antarctique ne définit pas non plus cette
notion, bien qu'elle y fasse bien moins référence.
Par conséquent, la définition de l'environnement
varie selon les juridictions internationales (CIJ ou Tribunal arbitral).
Dans la doctrine internationale
Le Conseil de l'Europe, dans son Manuel sur
les droits de l'Homme et l'environnement de 2012, note qu'il n'existe pas
à ce jour de définition juridique de l'environnement
acceptée par tous21.
Ainsi, il semble qu'il n'existe pas de définition
juridique consensuelle de l'environnement, que cela soit dans les sources
primaires ou secondaires du droit international. Pour autant, cela
n'empêche pas les sources du droit international de consacrer
l'obligation des Etats de protéger l'environnement.
L'obligation juridique des Etats de protéger
l'environnement
Parce que l'environnement ne connaît pas de
frontière, il existe de nombreux exemples historiques et récents
d'atteintes à l'environnement à l'échelle internationale,
ce qui a amené le droit international à évoluer dans ce
domaine. Différentes sources du droit international, à valeur
plus ou moins contraignante, consacrent l'obligation juridique des Etats de
protéger l'environnement.
Dans les conventions internationales
En particulier, des conventions internationales
environnementales générales sectorielles font apparaitre que la
nécessité de protéger l'environnement en droit
international est une contrepartie de la souveraineté des Etats sur
leurs ressources.
En premier lieu, la Convention de Montego Bay
de 1982 affirme le droit souverain des Etats d'exploiter leurs
ressources naturelles selon leur politique en matière
d'environnement22. Cependant, elle dispose aussi que les Etats
prennent toutes les mesures nécessaires pour que les activités
relevant de leur juridiction ou de leur contrôle le soient de
manière à ne pas causer de préjudice par pollution
à leur environnement23.
21 Conseil de l'Europe, Manuel sur les droits de
l'Homme et l'environnement, 2012, p 15.
22 Convention des Nations Unies sur le droit de la
mer, Article 193.
10
23 Convention des Nations Unies sur le droit de la
mer, Article 194.
11
24 Convention sur la diversité biologique,
Article 3.
25 Déclaration de Stockholm, Principe 21.
26 Résolution 44/228 de l'Assemblée
générale des Nations Unies, 22 décembre 1989, relative
à la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le
développement, partie I, paragraphe 7.
27 Résolution 44/228 de l'Assemblée
générale des Nations Unies, 22 décembre 1989, relative
à la Conférence des Nations Unies sur l'environnement et le
développement, partie I, paragraphe 8.
Le bien-fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
De plus, la Convention sur la diversité
biologique de 1992 rappelle le droit souverain de chaque Etat
d'exploiter ses propres ressources selon sa politique d'environnement, mais
aussi son devoir de faire en sorte que les activités exercées
dans les limites de sa juridiction ou sous son contrôle ne causent pas de
dommage à l'environnement dans d'autres Etats24.
Enfin, le préambule de l'UNFCCC de
1992 rappelle le droit souverain des Etats d'exploiter leurs propres ressources
selon leur propre politique d'environnement et de développement et le
devoir des Etats de faire en sorte que les activités exercées
dans les limites de leur juridiction ou sous leur contrôle ne causent pas
de dommage à l'environnement dans d'autres Etats ou dans des
régions ne relevant d'aucune juridiction nationale.
Dans la coutume internationale
En plus des conventions internationales citées
précédemment, plusieurs instruments de soft law font
référence au droit souverain des Etats d'exploiter leurs
ressources, tout en rappelant leur l'obligation de s'assurer que les
activités exercées dans les limites de leur juridiction ou sous
leur contrôle ne causent pas de dommage au territoire d'autres Etats ou
à des territoires régis par le droit international.
Tout d'abord, selon la Déclaration de Stockholm
de 1972, conformément à la Charte des Nations Unies et
aux principes du droit international, les Etats ont le droit souverain
d'exploiter leurs propres ressources selon leur politique d'environnement et
ils ont le devoir de faire en sorte que les activités exercées
dans les limites de leur juridiction ou sous leur contrôle ne causent pas
de dommage à l'environnement dans d'autres Etats ou dans des
régions ne relevant d'aucune juridiction nationale25.
Par ailleurs, dans sa Résolution 44/228
de 1989, l'AG réaffirme, en vertu de la Charte des Nations
Unies et des principes applicables en droit international, le droit souverain
des Etats d'exploiter leurs propres ressources conformément à
leur politique écologique. Elle réaffirme également qu'il
incombe aux Etats de veiller à ce que les activités relevant de
leur juridiction ou de leur contrôle ne causent pas de dommages à
l'environnement d'autres Etats ou de zones situées au-delà des
limites de leur propre juridiction nationale et qu'ils doivent jouer le
rôle qui leur revient en préservant et protégeant
l'environnement mondial et régional dans la mesure de leurs moyens et de
leurs responsabilités propres26. Elle affirme aussi la
responsabilité des Etats, touchant les dommages causés à
l'environnement et aux ressources naturelles par des activités relevant
de leur juridiction ou de leur contrôle, du fait d'interférences
transfrontières27.
Le bien-fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
Enfin, la Déclaration de Rio de 1992
rappelle, conformément à la Charte des Nations Unies et aux
principes du droit international, le droit souverain des Etats d'exploiter
leurs propres ressources selon leur politique d'environnement et de
développement, et le devoir des Etats de faire en sorte que les
activités exercées dans les limites de leur juridiction ou sous
leur contrôle ne causent pas de dommages à l'environnement dans
d'autres Etats ou dans des zones ne relevant d'aucune juridiction
nationale28.
De ce fait, il est possible de conclure que le principe de non
dommage au territoire d'autres Etats ou à des territoires régis
par le droit international est un principe à valeur coutumière.
C'est d'ailleurs l'interprétation qu'en fait la jurisprudence.
Dans les principes généraux du droit
international
Pour des raisons pratiques et de place, nous ne pouvons
étudier les systèmes juridiques de tous les Etats, même si,
à première vue, il semble possible d'affirmer que la plupart des
systèmes juridiques des Etats consacrent l'obligation des personnes
physiques ou morales exerçant des activités dans les limites de
leur juridiction ou sous leur contrôle de ne pas causer de dommage
à l'environnement.
C'est ainsi que le Code pénal de la
Fédération de Russie punit expressément d'une peine de
réclusion criminelle de 12 à 20 ans l'écocide, qu'il
définit comme la destruction massive de la faune ou de la flore, la
contamination de l'atmosphère ou des ressources en eau, ou la commission
d'autres actes capables de causer une catastrophe
écologique29.
Dans la jurisprudence internationale
La jurisprudence a tout d'abord consacré l'obligation
des Etats de s'assurer que les activités exercées dans les
limites de leur juridiction ou sous leur contrôle ne causent pas de
dommage au territoire d'autres Etats ou à des territoires régis
par le droit international, avant de préciser le fondement de cette
obligation et ses conséquences pratiques.
Dans l'affaire de la fonderie de Trail de
1941, le Tribunal arbitral a jugé qu'en vertu des
principes du droit international, aucun Etat n'a le droit, d'utiliser ou de
permettre l'utilisation de son territoire, de manière à causer
des dommages dus à des fumées dans ou au territoire d'un autre
Etat ou aux propriétés ou personnes dans ce dernier, lorsque les
conséquences sont sérieuses et que le dommage est établi
par des preuves claires et convaincantes.
Dans l'affaire du détroit de Corfou,
la CIJ a jugé que l'obligation, pour tout Etat, de ne pas laisser
utiliser son territoire aux fins d'actes contraires aux droits d'autres Etats,
fait partie des principes généraux et bien
reconnus30.
28 Déclaration de Rio sur l'environnement et le
développement, Principe 2.
29 Code pénal de la Fédération de
Russie, Article 358.
12
30 CIJ, Affaire du détroit de Corfou,
arrêt du 9 avril 1949, Grande-Bretagne/Albanie, p 22.
13
31 CIJ, Licéité de la menace et de
l'emploi d'armes nucléaires, avis consultatif du 8 juillet 1996, p 19 et
20, paragraphe 29.
32 CIJ, Affaire relative au projet
Gabèikovo-Nagymaros, arrêt du 25 septembre 1997,
Slovaquie/Hongrie, p 38, paragraphe 53.
33 Tribunal arbitral, Affaire relative la ligne
ferroviaire du Rhin de fer, sentence du 24 mai 2005, Belgique/Pays-Bas, p 29,
paragraphe 59.
34 Tribunal arbitral, Affaire relative la ligne
ferroviaire du Rhin de fer, sentence du 24 mai 2005, Belgique/Pays-Bas, p 90,
paragraphe 222.
Le bien-fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
Dans l'affaire du détroit de Corfou,
la CIJ consacre la valeur coutumière du principe de non-dommage au
territoire d'un autre Etat.
D'après l'avis de la CIJ sur la
licéité de la menace et de l'emploi d'armes
nucléaires, l'obligation générale qu'ont les
Etats de veiller à ce que les activités exercées dans les
limites de leur juridiction ou sous leur contrôle respectent
l'environnement dans d'autres Etats ou dans des zones ne relevant d'aucune
juridiction nationale fait maintenant partie du corps de règles du droit
international de l'environnement31.
Dans son l'avis sur la licéité de la
menace et de l'emploi d'armes nucléaires, la CIJ consacre la
valeur coutumière du principe de non dommage au territoire d'autres
Etats ou à des territoires régis par le droit international,
à savoir l'obligation générale qu'ont les Etats de veiller
à ce que les activités exercées dans les limites de leur
juridiction ou sous leur contrôle respectent l'environnement dans
d'autres Etats ou dans des zones ne relevant d'aucune juridiction nationale.
Dans l'affaire relative au projet
Gabèikovo--Nagymaros, la CIJ rappelle toute
l'importance que le respect de l'environnement revêt, non seulement pour
les Etats mais aussi pour l'ensemble du genre humain, en réaffirmant la
valeur coutumière du principe de non dommage au territoire d'autres
Etats ou à des territoires régis par le droit international, tel
que formulé dans son avis sur la licéité de la menace et
de l'emploi d'armes nucléaires32.
Dans l'affaire relative la ligne ferroviaire du Rhin
de fer, le Tribunal arbitral estime que lorsque le
développement est susceptible de causer un dommage à
l'environnement, il y a une obligation de prévenir ou du moins
atténuer un tel dommage. Cette obligation est devenue un principe du
droit international général selon le Tribunal
arbitral33.
Le Tribunal arbitral consacre dans l'affaire relative la ligne
ferroviaire du Rhin de fer la valeur coutumière du
principe de prévention.
Le Tribunal arbitral note qu'en 2005, en droit international
de l'environnement, une accentuation grandissante est mise sur l'obligation de
prévention34. Une grande part du droit international de
l'environnement a été formulée par référence
à l'impact que des activités dans un territoire peuvent avoir sur
un autre territoire. Le Tribunal arbitral fait alors référence au
paragraphe 29 de l'avis de la CIJ sur la licéité de l'emploi ou
de la menace des armes nucléaires, en vertu duquel le principe de non
dommage au territoire d'autres Etats ou à des territoires régis
par le droit international fait maintenant partie du corps de règles du
droit international de l'environnement.
14
35 CIJ, Affaire relative à des usines de
pâte à papier sur le fleuve Uruguay, arrêt du 20 avril 2010,
Argentine/Uruguay, p 45, paragraphe 101.
36 Ibid. et CIJ, Affaire relative à des
usines de pâte à papier sur le fleuve Uruguay, arrêt du 20
avril 2010, Argentine/Uruguay, p 68, paragraphe 193.
37 CIJ, Affaire relative à des usines de
pâte à papier sur le fleuve Uruguay, arrêt du 20 avril 2010,
Argentine/Uruguay, p 73, paragraphe 204.
Le bien-fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
Dans l'affaire relative à des usines de
pâte à papier sur le fleuve Uruguay35, la CIJ
observe que le principe de prévention, en tant que règle
coutumière, trouve son origine dans la diligence requise (« due
diligence ») de l'Etat sur son territoire. Selon la Cour, il s'agit
de « l'obligation, pour tout Etat, de ne pas laisser utiliser son
territoire aux fins d'actes contraires aux droits d'autres Etats ».
La Cour fait ici référence à la définition qu'elle
avait posée dans l'affaire du détroit de Corfou. Elle estime que
l'Etat est tenu de mettre en oeuvre tous les moyens à sa disposition
pour éviter que les activités qui se déroulent sur son
territoire, ou sur tout espace relevant de sa juridiction, ne causent un
préjudice sensible à l'environnement d'un autre Etat. Par deux
fois, elle cite son avis sur la licéité de la menace et de
l'emploi d'armes nucléaires et réaffirme que cette obligation
fait maintenant partie du corps de règles du droit international de
l'environnement36.
La CIJ, dans l'affaire relative à des usines de
pâte à papier sur le fleuve Uruguay rappelle la valeur
coutumière du principe de prévention, affirmée
précédemment dans l'affaire relative la ligne ferroviaire du Rhin
de fer.
Selon la Cour, l'obligation de protéger et de
préserver l'environnement doit être interprétée
conformément à une pratique acceptée si largement par les
Etats ces dernières années que l'on peut désormais
considérer qu'il existe, en droit international général,
une obligation de procéder à une évaluation de l'impact
sur l'environnement lorsque l'activité industrielle projetée
risque d'avoir un impact préjudiciable important dans un cadre
transfrontière, et en particulier sur une ressource partagée. De
plus, on ne pourrait considérer qu'une partie s'est acquittée de
son obligation de diligence, et du devoir de vigilance et de prévention
que cette obligation implique, dès lors que, prévoyant de
réaliser un ouvrage suffisamment important pour affecter le
régime du fleuve ou la qualité de ses eaux, elle n'aurait pas
procédé à une évaluation de l'impact sur
l'environnement permettant d'apprécier les effets éventuels de
son projet37.
Dans l'affaire relative à des usines de
pâte à papier sur le fleuve Uruguay, la CIJ
définit également la valeur coutumière de l'obligation de
procéder à une évaluation environnementale des projets
susceptibles d'avoir un impact préjudiciable transfrontalier important
sur l'environnement.
Par une lecture combinée de toutes ces jurisprudences,
il semble que, selon le juge international, l'obligation de réaliser une
étude environnementale découle en droit international de
l'obligation de ne pas causer de dommage au territoire d'autres Etats ou
à des territoires régis par le droit international, qui elle
découle du principe de prévention, lui-même issu de
l'obligation de diligence des Etats.
Le bien--fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
Le Tribunal cite l'article 194 de la Convention de Montego Bay
(cité plus haut), en vertu duquel les Etats ont l'obligation de prendre
toutes les mesures nécessaires pour que les activités relevant de
leur juridiction ou de leur contrôle soient menées de
manière à ne pas causer de préjudice par pollution
à d'autres Etats et à leur environnement. D'après le
Tribunal, l'obligation de « veiller à » en faisant
preuve de la « diligence requise » impose à l'Etat
qui patronne de prendre des mesures au sein de son ordre juridique et que ces
mesures doivent être « raisonnablement appropriées
»38.
D'après l'avis consultatif du Tribunal international du
droit de la mer sur les responsabilités et obligations des Etats qui
patronnent des personnes et des entités dans le cadre
d'activités menées dans la Zone, l'obligation
juridique des Etats de protéger l'environnement consiste en une
obligation positive de « veiller à », de «
faire en sorte », à savoir de prendre les mesures
nécessaires et appropriées pour s'assurer que les
activités relevant de leur juridiction ou de leur contrôle ne
causent pas un dommage au territoire d'un autre Etat.
La Chambre note que l'approche de précaution a
été incorporée dans un nombre croissant de traités
et autres instruments internationaux, dont beaucoup reflètent la
formulation du Principe 15 de la Déclaration de Rio. De l'avis de la
Chambre, ceci a créé un mouvement qui tend à incorporer
cette approche dans le droit international coutumier39.
Ainsi, selon l'avis consultatif du Tribunal international du
droit de la mer sur les responsabilités et obligations des Etats qui
patronnent des personnes et des entités dans le cadre
d'activités menées dans la Zone, le principe de
précaution fait partie de la coutume internationale.
D'après le Tribunal international du droit de la mer,
l'obligation de procéder à une évaluation de l'impact
potentiel sur l'environnement constitue une obligation directe en vertu de la
Convention de Montego Bay et une obligation générale en vertu du
droit international coutumier40. Le Tribunal cite à ce titre
le paragraphe 204 de l'affaire relative à des usines de pâte
à papier sur le fleuve Uruguay de la CIJ (cité plus haut).
38 Chambre pour le règlement des
différends relatifs aux fonds marins, Tribunal international du droit de
la mer, avis consultatif du 1er févr. 2011 sur les
responsabilités et obligations des Etats qui patronnent des personnes et
des entités dans le cadre d'activités menées dans la Zone,
p 41, paragraphe 120.
39 Chambre pour le règlement des
différends relatifs aux fonds marins, Tribunal international du droit de
la mer, avis consultatif du 1er févr. 2011 sur les
responsabilités et obligations des Etats qui patronnent des personnes et
des entités dans le cadre d'activités menées dans la Zone,
p 45, paragraphe 135.
40 Chambre pour le règlement des
différends relatifs aux fonds marins, Tribunal international du droit de
la mer, avis consultatif du 1er févr. 2011 sur les
responsabilités et obligations des Etats qui patronnent des personnes et
des entités dans le cadre d'activités menées dans la Zone,
p 49, paragraphe 145.
1
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Le bien-fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
Par conséquent, le Tribunal international du droit de
la mer, dans son avis consultatif sur les responsabilités et obligations
des Etats qui patronnent des personnes et des entités dans le cadre
d'activités menées dans la Zone, confirme la
jurisprudence de la CIJ dans l'affaire relative à des usines de
pâte à papier sur le fleuve Uruguay, en vertu de laquelle
l'obligation de procéder à une évaluation environnementale
fait partie de la coutume internationale.
Dans la doctrine internationale
Selon la doctrine, il existe une réelle volonté
des Etats, en apparence, de protéger l'environnement, dans la mesure
où cinq cents traités multilatéraux, pour l'essentiel
régionaux, ont été adoptés dans le domaine de
l'environnement, dont plus de trois cents ont été
négociés après 197241.
Problématique et annonce de plan
Il résulte des développements qui
précèdent qu'il existe une obligation juridique, qui pèse
sur les Etats, de protéger l'environnement à l'échelle
internationale. Pourtant, le nombre d'atteintes à l'environnement
à l'échelle internationale est en hausse. En outre, le crime
environnemental est devenu la quatrième source de revenus du crime
organisé, derrière la drogue, le trafic d'êtres humains et
d'armes42. En particulier le crime international environnemental
organisé, à savoir l'exploitation illégale du bois; le
braconnage et le commerce illégal d'espèces animales ou
végétales; la pêche illégale ; l'activité
minière illégale ; et le déversement illégal de
déchets toxiques, rapporterait entre 70 et 123 milliards de dollars
annuels43.
Les revenus issus de ces crimes peuvent ensuite servir
à financer des milices et des groupes terroristes, comme c'est le cas en
République Démocratique du Congo et en Somalie44. Des
séparatistes locaux bangladais et d'autres milices indiennes
affiliées à Al Qaeda ont été impliqués dans
le commerce illégal d'ivoire, de peaux de tigre et de cornes de
rhinocéros en Asie du sud-est45. Le commerce de charbon de
bois pourrait aussi être une source possible de revenus pour Boko Haram,
même si cela reste incertain pour le moment46.
41 Raphaël Romi, Droit international et
européen de l'environnement, p 12.
42 Valéry Laramée de Tannenberg,
Peut--on réprimer le crime environnemental?, Journal de
l'environnement, 16 mars 2016.
43 Rapport de UNEP et Interpol, The environmental
crime crisis, 2014, p 7.
44 Rapport de UNEP et Interpol, The environmental
crime crisis, 2014, p 4 et 8.
45 Rapport de UNEP et Interpol, The environmental
crime crisis, 2014, p 48.
16
46 Rapport de UNEP et Interpol, The environmental
crime crisis, 2014, p 81.
Le bien-fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
Se pose alors la question de savoir comment mieux s'assurer de
l'exécution par les Etats de leur obligation juridique de
protéger l'environnement à l'échelle internationale,
à savoir comment permettre une meilleure protection de l'environnement
par le biais du droit international. En particulier, quels sont les moyens
existants de protection de l'environnement en droit international ? Sont-ils
suffisants ? Comment les améliorer?
Le droit international est le droit qui s'applique entre des
sujets de droit international. Ces sujets du droit international sont en
premier lieu les Etats. Il en existe 194, dont 50 en Europe, 47 au Conseil de
l'Europe et 28 dans l'UE. Les sujets du droit international sont en second lieu
les Organisations Internationales (OI) : ce sont des associations, groupements
d'Etats qui peuvent être générales ou
spécialisées (lorsque leur action se limite à un domaine),
à compétence internationale ou régionale (lorsque leur
action se limite à une région).
Les Etats sont des sujets de droit international souverains et
égaux. Par conséquent, il n'existe pas, en principe,
d'entité supérieure à l'Etat dans l'ordre juridique
international chargée de créer le droit, de l'exécuter, ni
de contrôler sa bonne application.
La création du droit international repose sur le
principe du consensualisme, en vertu duquel il n'existe pas de droit en dehors
de la volonté des Etats. La validité des normes internationales
n'a d'autre fondement ultime que la volonté ou l'acceptation des Etats
pour qui elles font droit47. Ainsi, la principale source du droit
international est les traités internationaux48. Dans l'ordre
juridique international, le droit synallagmatique, à savoir le mode
conventionnel de production des normes, prime.
L'exécution de leurs obligations par les Etats repose
sur le principe de réciprocité, selon lequel l'obligation de
chaque Etat trouve sa cause juridique dans les obligations des autres
Etats49.
Concernant le contrôle de l'application du droit, il
existe des mécanismes juridictionnels en droit international, mais
l'aptitude légale des juridictions internationales à
connaître d'une affaire contentieuse dépend du consentement des
deux parties (à l'avance ou non)50. Les juridictions
internationales ayant un caractère facultatif, les Etats ont, sous
certaines conditions, le droit de se faire justice eux-mêmes. En
particulier, ils peuvent faire usage du mécanisme de contre-mesures pour
s'assurer du respect du droit international. D'après ce
mécanisme, un Etat estimant ses droits atteints par le comportement
illicite d'un autre, a le droit de rétorquer par un comportement
lui-même intrinsèquement illicite, mais que sa qualité de
réplique légitime au regard du droit
international51.
47 Jean Combacau et Serge Sur, Droit international
public, p 25.
48 Statut de la Cour Internationale de Justice,
Article 38.
49 Jean Combacau et Serge Sur, Droit international
public, p 28.
50 Jean Combacau et Serge Sur, Droit international
public, p 27.
17
51 Jean Combacau et Serge Sur, Droit international
public, p 28.
Le bien-fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
Cependant, les contre-mesures ne sont admises en droit
international que dans la mesure où le retour à la
légalité ne peut être obtenu par les procédures de
règlement pacifique des différends52. En outre, en
vertu du droit international, les Etats doivent respecter le principe de
règlement pacifique des différends. Ils ont cependant le choix
des moyens de règlement de leurs différends. Ces divers modes de
règlements comprennent des moyens de règlement diplomatiques
d'une part, tels que les négociations, la médiation, et la
conciliation; et des moyens de règlement juridictionnels d'autre part,
tels que l'arbitrage ou la soumission du différend à une
juridiction internationale.
Le droit international de l'environnement n'échappe pas
à la faiblesse structurelle du droit international relative au
caractère consensuel du droit international53. Or, il existe
un problème d'absence de réciprocité en droit
international de l'environnement : l'exécution des obligations
environnementale de chaque Etat ne trouve pas sa cause juridique dans les
obligations des autres Etats. Ainsi, le mécanisme de contre-mesures ne
peut être utilisé en matière de droit de l'environnement,
ce qui le rend faible. La doctrine parle souvent de droit `mou'.
Dans la mesure où les contre-mesures sont inutilisables
en droit de l'environnement, le respect du droit dans ce domaine repose
principalement sur les procédures de règlement pacifique des
différends, et donc sur les mécanismes juridictionnels.
Une juridiction est un organe doté du pouvoir de dire
le droit. Ses décisions sont revêtues de l'autorité de la
chose jugée. Elle se distingue d'un tribunal arbitral, dans la mesure
où l'institution, la composition et le mode de fonctionnement d'une
juridiction échappent à la maitrise des parties54.
Une juridiction internationale est une juridiction ayant
compétence sur au moins deux Etats. Parmi les juridictions
internationales se distinguent les juridictions internationales permanentes des
juridictions ad hoc. Les secondes sont apparues à la suite d'un conflit
spécifique et n'ont vocation à juger, pendant une période
déterminée, que des faits qui y sont liés55.
C'est le cas par exemple des tribunaux pénaux internationaux pour
l'ex-Yougoslavie et le Rwanda. Dans le cas présent, nous ne nous
intéresserons pas aux juridictions ad hoc, dans la mesure où
celles-ci ne permettent pas une protection optimale de l'environnement
puisqu'elles ne sont pas permanentes.
52 Pierre-Marie Dupuy et Yann Kerbrat, Droit
international public, p 567.
53 Raphaël Romi, Droit international et
européen de l'environnement, p 12.
54 Jean Combacau et Serge Sur, Droit international
public, p 575.
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55 Site internet du Ministère de la Justice
français, Les juridictions internationales.
Le bien--fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
Parmi les juridictions permanentes, plusieurs distinctions
peuvent être opérées, notamment entre celles qui traitent
du contentieux interétatique et celles qui traitent du contentieux
transétatique, opposant un Etat à une autre partie non
étatique (OI ou sujet de droit national). Une distinction peut
également être faite entre les juridictions traitant d'un
contentieux spécialisé ou général. Enfin, une
distinction peut être opérée entre les juridictions
traitant d'un contentieux régional ou universel. Là encore, nous
ne nous intéresserons pas aux juridictions traitant d'un contentieux
régional, dans la mesure où elles ne permettent pas une
protection optimale de l'environnement à l'échelle mondiale.
Il n'existe que trois juridictions internationales universelles
permanentes56.
La première est la Cour Internationale de Justice
(CIJ), compétente en droit international. La seconde est la Cour
Pénale Internationale (CPI), compétente en droit international
pénal. En outre, elle est compétente en matière de quatre
crimes internationaux. Enfin, la troisième est le Tribunal international
du droit de la mer, compétent en droit maritime.
Il en résulte qu'il n'existe pas de juridiction
internationale permanente et universelle compétente uniquement en droit
de l'environnement, à savoir de juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement.
Or, contrairement à la matière des droits
humains, pour laquelle ont été créées des cours
spécialisées qui peuvent condamner unilatéralement l'Etat
qui viole les droits humains, il n'existe pas non plus de juridiction
internationale traitant d'un contentieux régional de l'environnement. La
protection de l'environnement, pour beaucoup, ne semble pas avoir la même
importance que la protection des droits humains. De plus, il se trouve que ces
trois juridictions internationales se prononcent rarement en matière
d'environnement, en dehors des cas précités. En effet, il n'y a
que vingt affaires de la CIJ qui traitent du droit international de
l'environnement.
En d'autres termes, il n'existe aucune organisation
spécifique qui garantit l'effectivité du droit international de
l'environnement57. Il en résulte que l'absence de
réciprocité en ce qui concerne la branche particulière du
droit international de l'environnement n'est pas compensée par
l'existence d'institutions susceptibles d'infléchir la volonté
des Etats58.
Dès lors, il est possible de se demander si la
création d'une juridiction internationale nouvelle
spécialisée en droit de l'environnement serait nécessaire
afin de mieux protéger l'environnement. Ce n'est qu'au regard de cet
objectif de protection et d'assurer l'effectivité de l'obligation des
Etats de protéger l'environnement, que la création de cette
juridiction serait bien fondée.
56 Site internet de Légifrance, Juridictions
internationales.
57 Raphaël Romi, Droit international et
européen de l'environnement, p 13.
19
58 Raphaël Romi, Droit international et
européen de l'environnement, p 12.
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Le bien-fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
Au regard de cet objectif se pose la question du
bien-fondé de l'existence d'une juridiction internationale
compétente en droit de l'environnement (Partie I). Si cette existence
est bien fondée, se pose alors la question de la forme que doit prendre
cette juridiction. En particulier, l'extension de la compétence de
juridictions existantes serait-elle efficace au regard de cet objectif de
protection (Partie II) ? Ou bien la création d'une nouvelle juridiction
serait-elle à favoriser (Partie III) ?
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Le bien-fondé d'une juridiction internationale
spécialisée en droit de l'environnement
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