2. Apport de la micro-finance dans la lutte contre la
pauvreté en Côte d'Ivoire
La pauvreté est un concept multidimensionnel et
complexe, généralement représenté sous trois
dimensions : la dimension monétaire, le manque ou la non satisfaction
des besoins vitaux, et la dimension sociologique et psychologique. Elle est
vécue aussi bien au plan individuel que collectif.
Gestion des impayés à la COOPEC de
Yamoussoukro : états des lieux et perspectives
d'amélioration.
La mesure de la pauvreté en Côte d'Ivoire est
bâtie autour de la dimension monétaire. Cette mesure s'appuie sur
deux éléments : un indicateur de bien-être et un seuil de
pauvreté. L'indicateur de bien-être retenu est la dépense
de consommation des ménages, utilisée principalement en raison
des difficultés de collecte d'informations fiables sur les revenus de
ceux-ci.
L'expérience nous a montré que la micro-finance
aide la population la plus défavorisée à :
- augmenter son revenu
- créer des entreprises viables - sortir ainsi de la
pauvreté.
Elle peut également constituer un puissant instrument
d'émancipation, en permettant aux pauvres et, en particulier aux femmes,
de devenir des agents économiques du changement. En effet, en donnant
accès à des services financiers, la micro-finance joue un
rôle important dans la lutte contre les nombreuses dimensions de la
pauvreté.
Par exemple, les revenus générés par une
activité permettent non seulement à cette activité de se
développer, mais ils contribuent également au revenu du
ménage, à la sécurité alimentaire, à
l'éducation des enfants, etc.
3. Les causes de la longévité des COOPEC en
Côte d'Ivoire
Les plus anciennes caisses des six Réseaux ont
maintenant plus de trente-cinq ans d'existence. Ce critère
d'ancienneté n'est pas le seul indicateur de réussite, mais il
oblige à s'interroger sur les causes de cette longévité.
Les premières raisons tiennent aux deux (2) caractéristiques
essentielles du modèle lui-même : Commencer par l'épargne
par « l'argent chaud », comme on le disait dans les années
quatre-vingt, celui accumulé patiemment par les membres et non «
l'argent froid », venu de l'extérieur, crée à la fois
un sentiment d'appartenance à sa caisse et une certaine discipline de
crédit. « C'est notre argent qui est prêté, c'est lui
qui disparaît en cas d'impayés » et
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Gestion des impayés à la COOPEC de
Yamoussoukro : états des lieux et perspectives
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non l'argent de l'État ou des bailleurs de fonds, dont
certains pensent qu'il est normal voire légitime de ne pas le
rembourser.
Cette épargne crée de plus une réelle
autonomie. Les financements extérieurs sont les bienvenus pour certaines
opérations spécifiques comme la formation, l'informatisation,
l'expérimentation, le financement du moyen terme ou quelques
infrastructures, mais le coeur des opérations, le crédit à
partir de l'épargne, provient des ressources propres de l'institution,
ce qui le met à l'abri, pour l'essentiel, des effets de mode et des
changements d'orientation des bailleurs de fonds. Outre la
sécurité personnelle des membres vis-à-vis des
aléas économiques et sociaux de leur famille, l'épargne
constitue également une garantie réelle pour une partie du
prêt, qu'il est possible de retirer à tout moment.
La deuxième caractéristique,
énoncée dans le nom même de la COOPEC, est l'aspect
coopératif ou mutualiste. Certes la vie coopérative est loin
d'être parfaite, et le slogan « le pouvoir dans la
coopérative est aux coopérateurs » peut entraîner des
dérives dangereuses lorsque des élus plus ou moins inamovibles,
font fonctionner leurs caisses dans leurs propres intérêts, avec
la complicité de certains agents.
Mais, même si le pouvoir des cadres et techniciens
l'emporte de fait, avec la professionnalisation croissante des
opérations financières, sur celui des élus, la
référence coopérative comporte plusieurs vertus. D'abord
de favoriser un processus d'accumulation interne, car il n'existe pas
d'obligation de verser des dividendes à des actionnaires
extérieurs. Les bénéfices, ou les ristournes ou
trop-perçus dans le langage coopératif, sont pour l'essentiel
réinvestis dans l'extension des activités de la caisse ou du
réseau, ou gardés en provisions pour faire face aux risques.
Seule une partie relativement faible est utilisée dans des
investissements sociaux, qui favorisent l'intégration de la caisse dans
son milieu ou renforcent le sentiment d'appartenance des membres à un
mouvement. La nécessité de tenir chaque année des
Assemblées Générales devant un public très
diversifié, oblige à des efforts de pédagogie et de
transparence en général très supérieurs à
ceux rencontrés dans les assemblées
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d'actionnaires des sociétés ordinaires. Elle
permet aussi d'écouter les nombreuses critiques et suggestions des
membres ordinaires. Enfin, la tension nécessaire entre les élus
et les cadres, obligent ceux-ci à tenir compte des avis et opinions des
élus sur les produits financiers, le rythme d'extension, les formes
d'organisation, et à renoncer à des passages en force
technocratiques.
Ceci peut ralentir les processus de décisions et de
réformes, mais facilite aussi l'adaptation des Réseaux aux
évolutions des activités économiques et aux nouvelles
attentes des membres, comme l'assurance ou les transferts monétaires.
Cette proximité avec les sociétaires et les élus peut
être dans une certaine mesure aussi efficace que certaines études
de marchés ou consultations d'audit externes, ou tout au moins
complémentaire de celles-ci.
Car, au-delà du modèle initial, c'est la
capacité d'adaptation des Réseaux aux évolutions du
contexte économique, de la concurrence, de la législation ou des
politiques étatiques, qui est une des clefs de leur réussite ou
de leur survie. À partir de petites caisses rurales, où tout le
monde se connaissait, où les besoins de crédit étaient
limités, et où un gérant de faible niveau scolaire pouvait
tenir à la main la comptabilité, il a fallu maîtriser une
croissance très forte, élargir la clientèle et la gamme de
produits, se développer en milieu urbain, s'informatiser, élever
le niveau des cadres et des élus, réorganiser les échelles
d'intervention entre les caisses de base et leurs points de service, supprimer
dans certains cas les unions régionales pour les remplacer par des
services spécialisés, réorganiser les
faîtières.
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