PARAGRAPHE 2 : la convention arbitrale : la clause
compromissoire
La convention d'arbitrage permet aux parties de surmonter la
compétence de la juridiction nationale en portant leur différend
à la connaissance de l'arbitre, soit, le plus fréquent, avant que
ledit différend ne naisse (par une clause compromissoire), soit
après sa naissance (par un compromis).
En matière d'arbitrage interne, le compromis et la
clause compromissoire se distinguent, à bien des égards, par leur
régime juridique. Mais dans le cadre de l'arbitrage international cette
distinction est peu importante, sinon inexistante.194 Et, le constat
indique qu'en matière de commerce international c'est la clause
compromissoire qui est utilisée le plus. A ce propos,
M. de Boisséson confie que « Lorsqu'on veut
atteindre l'arbitrage, c'est à la clause (compromissoire) que l'on
s'attaque et non au compromis ; lorsqu'on entend favoriser le
développement de l'arbitrage, c'est la clause que l'on valide et dont on
s'efforce d'assurer l'efficacité. »195 C'est
pourquoi, l'attention sera portée sur elle dans cette étude.
La clause compromissoire est définie comme «
la convention par laquelle les parties à un contrat s'engagent
à soumettre à l'arbitrage les litiges qui pourraient naître
relativement à ce contrat. »196 Elle doit se
présenter sous forme écrite197si elle est
consignée dans un document signé par les parties ou dans tout
autre moyen de communication qui en atteste l'existence. Il faut toutefois
retenir que la clause compromissoire peut être insérée,
soit dans un document unique, soit dans document connexe198 (la
clause compromissoire par référence).199 En
fin,
193Cf. J.M.JACQUET et Ph. DELEBECQUE, op.cit.
p 319
194 Cf. H. KENFACK, op.cit. p 45
195 Cf. Mathieu. de BOISSESON, Le droit français de
l'arbitrage interne et international, G.L.N. Joly, 1990. p 19
196 L'article 1442 du Nouveau code de procédure civile
français(NCPC)
197 Voir, l'article 7.2 de la Loi-type de la CNUDCI,
article 2 de la Loi ivoirienne n° 93-671 du 9 août 1993 sur
l'arbitrage. La forme écrite de la clause compromissoire permet de
mieux clarifier la dynamique d'arbitrage, ce qui, à coup sûr, rend
le système plus perfectible. Le professeur F. EISEMANN retient : «
Tout comme le système d'éclairage le plus perfectionné
s'avère inutile en cas de défaillance de l'interrupteur qui le
commande, le système juridique le plus favorable à l'arbitrage ne
pourra porter ses fruits à défaut de clause d'arbitrage
correctement rédigée », voir, F. EISEMANN, « La
clause d'arbitrage pathologique », Mélange Minoli, p
129
198 Voir, article 3 de l'Acte uniforme de l'OHADA
199 Cette dernière a pendant très longtemps
fait, en France, l'objet de contraste jurisprudentielle jusqu'à ce que
la Cour de cassation en donne une position claire. Ainsi, dans l'affaire
Bomar Oil II, le juge affirme qu' « en
elle doit désigner le ou les arbitres et
éventuellement prévoir les modalités de leur
désignation.200
Parallèlement, on a constaté que son
autonomie(A) et sa validité(B) ont souvent soulevé des
difficultés d'approches auxquelles il fallait apporter quelques
éclaircissements.
A) L'autonomie de la clause compromissoire
La question du principe de l'autonomie de la clause
compromissoire n'a pas manqué de soulever une opposition non moins
sévère dans la doctrine française relativement au terme
« autonomie ».201 Quoiqu'il en soit, l'autonomie de la
clause compromissoire tend à assurer une indépendance
fonctionnelle à la clause d'arbitrage pour que son efficacité ne
soit pas altérée par les vicissitudes du contrat principal. La
question était de savoir si la nullité du contrat principal
entrainait celle de la clause d'arbitrage incluse dans ce contrat. La
jurisprudence française répondait négativement puisqu'elle
avait considéré, à travers la célèbre
affaire Gosset rendue par la Cour de cassation relativement à
une demande d'annulation d'une sentence arbitrale formulée sur la base
d'une clause compromissoire concernant un contrat entaché de
nullité en raison de sa contrariété à une
interdiction d'importation, qu'en matière d'arbitrage international,
« l'accord compromissoire, qu'il soit conclu séparément
ou inclus dans l'acte juridique auquel il a trait, présente toujours,
sauf circonstance exceptionnelle qui ne sont pas alléguées en la
cause, une complète autonomie juridique, excluant qu'il puisse
être affecté par une éventuelle invalidité de cet
acte. »202 Cette position a été confirmée par la
Chambre de Commerce Internationale(CCI) dans sa sentence de 1968. Elle
précisait que « c'est aussi une règle maintenant admise
en matière d'arbitrage international, ou en voie de l'être
généralement », que selon la formule
de la Cour de cassation française, l'accord compromissoire
bénéfice une autonomie juridique par rapport au contrat dans
lequel il est inséré.203 Toujours dans le courant
jurisprudentiel français, l'autonomie de la clause compromissoire a
été poussée à son extrême entendement,
c'est-à-dire à son indépendance, non pas par rapport au
contrat principal mais par rapport à une loi étatique. En effet,
cette conception est détectable lorsque nous lisons l'arrêt
Dalico où la Cour de cassation considère qu' «
en vertu d'une règle matérielle du droit international
de
matière d'arbitrage international, la clause
compromissoire par réfernce écrite à un document qui la
contient, par exemple des conditions générales ou un
contrat-type, est valable, à défaut de mention dans la convention
principale, lorsque la partie à qui la clause est opposée, a eu
connaissance de la teneur de ce document au moment de la conclusion du contrat,
et qu'elle a, fut-ce par son silence, accepté l'incorporation du
document au contrat. » Cass. 1ère civ, 9 nov
1993, JDI 1994, note E. LOQUIN, Rev. Arb. 1990.555 et s. Voir
également, Civ. 1ère 3 juin 1997, Prodexport, R.C.D.I.P
1999, note P. MEYER. Pour une étude approfondie de la
question, consulter, BOUCOBZA, « La clause d'arbitrage par
référence en matière d'arbitrage international »,
Rev.arb.1998.495
200 Article 2 alinéa 2 de La loi ivoirienne sur
l'arbitrage, supra
201 Voir, Fatou. CAMARA, L'autonomie de la clause
compromissoire en matière d'arbitrage international, thèse
de doctorat d'Etat en Droit, 28 février 1998, Faculté des
Sciences Juridiques et Politiques, Université Cheikh Anta Diop de Dakar,
p 8. Elle fait en effet remarquer que certains auteurs estiment qu'il faut
plutôt parler d'indépendance et non d'autonomie puisqu'il s'agit
d'indépendance ou de séparabilité de la clause
compromissoire avec le contrat principal. Voir P. MEYER, « L'autonomie de
l'arbitre international dans l'appréciation de sa propre
compétence », R.C.A.D.I 1989 p 430, J. P. ANCEL, «
L'actualité de l'autonomie de la clause compromissoire »,
Travaux du comité français de Droit international
privé, Pédone, 1990, p 75
202 Cass. 1ère civ, 7 mai 1963, Rev. Crit.
DIP 1963.615, note H. MOTULSKY
203 Voir, la sentence de la C.C.I 1526/1968 J.D.I, 1974
obs. Y.DERAINS
l'arbitrage, la clause compromissoire est
indépendante juridiquement du contrat qui la contient directement ou par
référence et son existence et son efficacité
s'apprécient, sous réserve des règles impératives
du droit français et de l'ordre public international, d'après la
commune volonté des parties sans qu'il soit nécessaire de se
référer à une loi étatique. »204 Cette
solution manifeste un refus de fragiliser les clauses compromissoires dans les
cas où elles sont particulièrement utiles et le souci de ne pas
en faire un instrument d'encouragement des manoeuvres dilatoires entre les
mains d'une partie désireuse de ralentir le processus
arbitrale.205 Bons nombres de législations nationales
relatives à l'arbitrage consacrent le principe d'autonomie de la clause
compromissoire. IL en est ainsi, par exemple, de la loi égyptienne de
l'arbitrage qui dispose dans son article 23 que : « la nullité
du contrat principal, sa résiliation ou son extinction sont sans effet
sur la clause d'arbitrage contenue dans le contrat lorsque celle-ci est en
elle-même valide. »206 C'est également le cas
de la loi guinéenne sur l'arbitrage qui prévoit en son article
1123 que la nullité de la convention n'a aucun effet sur la clause
compromissoire.207
La portée de l'autonomie de la clause compromissoire
est essentiellement de faire échapper la convention arbitrale aux
manquements pouvant affecter le contrat qui la contient. Par extension, nous
pourrions imaginer, sur la base de ce principe d'autonomie de la convention
arbitrale, que l'invalidité du contrat principal n'influence en rien sur
la compétence de l'arbitre. Ainsi, l'arbitre dispose une
compétence de sa compétence, connue sous la terminologie de
compétence-compétence ou kompetenz-kompetenz.
Celle-ci permet de protéger l'autonomie de la clause contre les
tentatives de déclinatoire de l'arbitre qu'abusent fréquemment
les parties.208
Après avoir apporté quelques précisions
sur l'autonomie de la clause compromissoire, il s'agira de voir sa
validité.
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