CHAPITRE 2 : LA TRANSPOSITION DES REGLES DE
RESPONSABILITE DES DIRIGEANTS DE LA SA A LA SAS
Par définition, la responsabilité suppose le
fait d'être responsable, d'assumer les conséquences fastes ou
néfastes, bonnes ou mauvaises des actes qu'on pose en toute connaissance
de cause. La crise couplée86 à la judiciarisation du
monde des affaires pousse de rechercher de plus en plus la
responsabilité des dirigeants. Car pendant longtemps ils agissaient dans
l'impunité totale et l'idéec'étaitqu'il ne fallait pas
inquiéter les hommes d'affaires. Mais avec l'avènement du droit
pénal des affairesles dirigeants répondent dorénavant des
actes et manquements observés lors de l'exercice de leur mandat.
246. Selon Mireille Delmas Marty : 87 « certes il ne
s'agit pas en désignant l'homme d'affaires comme l'un des
critères de la criminalité d'affaires, de le designer comme
déjà « precoupable » longtemps favorisé par la
tolérance des lois elles-mêmes ou de ceux charger de l'appliquer,
le délinquant d'affaires ne doit pas devenir, par une sorte de mouvement
de pendule, le nouveau bouc émissaire d'aujourd'hui et de demain
»Par conséquent, beaucoup de dirigeants se rendent coupable des
fautes commises lors de l'exercice de leur fonction indépendamment de la
forme sociale88. Les dirigeants89 de
société doivent donc prendre leur rôle très aux
sérieux.
247. Quel que soit la forme sociale, la gestion de la
société incombe normalement au dirigeant de droit.90
Cependant, il peut arriver que des personnes n'ayant pas cette qualité
s'immiscent ou interfèrent dans la gestion soit comme dirigeant de fait
soit comme dirigeants apparents ou occultes.91
86 Le monde a connu des crises économiques
successives. Celle la plus en vue et plus récente est celle de 2008 ou
la mauvaise gestion des dirigeants en était l'une des causes non
négligeables.
87 Delmas Marty(M),Droit pénal des
affaires, PUF, Paris 1981, p 33.
88 Quel que soit la forme sociale, le dirigeant peut engager
sa responsabilité s'il est établit qu'il a commis une faute lors
de l'exercice de ses fonctions. Mais les conditions de cette
responsabilité peuvent varier d'une forme sociale à l'autre.
C'est ainsi que dans les sociétés de personnes l'infraction
d'abus de bien sociaux n'est pas souvent retenue. Or dans les
sociétés de capitaux, elle constitue la véritable cause
d'inculpation des dirigeants.
89 Il existe les dirigeants de droit et de fait. Le dirigeant
de fait est une personne physique dépourvu de tout mandat social mais
qui s'immisce dans l'administration ou la direction d'une société
donc, de ce fait, exerce en toute indépendance une activité
positive de gestion ou de direction de la société. Les dirigeants
de droit sont les membres d'organes de gestion administration, de direction
ainsi que de représentation
90 Le dirigeant de droit est celui qui a reçu une
habilitation juridique particulière soit de la loi soit des statuts. On
qualité de dirigeant de droit, les gérants de la
société de personnes, et dans la société a
responsabilité limitée, le président du conseil
d'administration, le président directeur général, le
directeur général dans la société a conseil
d'administration, l'administrateur général de la
société anonyme sans conseil d'administration. Le
présidente directeur général, délègue de la
société par actions simplifiée.
91 Par dirigeant de fait, on entend des personnes sans avoir
été nommé a cette fin, se comporte comme de
véritable dirigeants en s'immisçant dans la gestion de la
société. En d'autres termes, le dirigeant de fait, est celui
81
La gestion de la société par actions
simplifiée en droit OHADA
248. De tous ces dirigeants, seuls les dirigeants de droit
sont concernés, car ils sont les représentants légaux de
la société. Agissant es qualité au nom et pour le compte
de la société, ils exercent normalement le pouvoir de gestion
interne et externe qui leur sont reconnus par la loi ou par les statuts.
249. Dans l'exercice de ces fonctions donc, ils doivent agir
dans le strict respect des dispositions législatives et
réglementaires applicables ainsi que celles de ses dispositions
statutaires. En outre, ils doivent faire preuve bien évidemment de
compétence, de diligence et de loyauté pour assurer la bonne
marche des affaires sociales et préserver le nécessaire
intérêt qui s'entrechoquent au sein et au tour de la
société.
250. La compétence exige que le dirigeant mettent en
oeuvre ses connaissances et techniques, son expérience dans la direction
ou l'administration de la société.
251. La diligence dans la gestion de la société
suppose la direction et l'administration en « bon père de
famille » et d'apporterà la gestion des affaires sociales
toute l'attention et l'activité qu'on est en droit d'attendre d'un homme
avisé.
252. Le devoir de loyauté consiste pour les dirigeants
de s'abstenir de tout comportement susceptible de porter atteinte aux
associés ou à la l'intérêt social. LeNabasque
traduit clairement cette pensée lorsqu'il affirme que « les
dirigeants ont bien l'obligation de ne pas tromper les associés(...) de
ne pas user les biens ou crédit de la société
contrairement à l'intérêt de cette dernière, dans
leur intérêt personnel »
253. Comme dans les autres formes sociales, le comportement des
dirigeants de la SAS peut impacter le cour normal de la société
et dans certains cas, occasionner la disparition de la
société.92 Dans ce cas, la question de leur
responsabilité se pose. Elle est l'une des conséquences logique
de la gestion d'une société. Cette responsabilité est mise
en oeuvre lorsque les dirigeants ont commis une faute de
gestion93dans l'exercice de leur fonction et que
qui sans aucun titre accompli les actes de gestion en lieu et
place des dirigeants de droit. La personne qualifiée comme tel doit
accomplir en toute indépendance et souveraineté une
activité positive de gestion et de direction et avoir le pouvoir
d'engager la société par ses actes. Par conséquent, une
simple abstention ne saurait constituer une direction de fait.
Le dirigeant apparent suppose l'existence d'un mandat
apparent. En effet, la société peut être engagée par
toutes personnes des lors que les tiers ayant légitimement
traités avec lui on crut qu'elle disposait des pouvoirs
nécessaires
Les dirigeants occultes sont les personnes qui assurent la
direction réelle de la société derrière le cran
formé par les dirigeants de droit. Il s'agit des personnes qui dirigent
la société par personne interposée. Sans que leur
identité soit connu ou rendu publique la cour d'appel de rennes a
très justement rappelle que les dirigeant occultes sont ceux qui
tiennent les dirigeants de droit sous leur dépendance et leur
subordination. Comme le fait remarquer le professeur Sawadogo,il sont dans
l'ombre et tire les ficelles
92 Nous pensons à l'hypothèse où la
société fait l'objet d'une procédure collective.
93
82
La gestion de la société par actions
simplifiée en droit OHADA
celle-ci a eu des conséquences dommageables pour la
société, les associés ou les tiers.Cette
responsabilité se situe à tous les stades de la vie
sociale.94
254. S'agissant des dirigeants de la société
par actions simplifiée, le législateur OHADA opère une
véritable transposition du régime de responsabilité des
dirigeants de la société anonyme. En effet, l'article 853/9
dispose que « les règles fixant la responsabilité des
membres du conseil d'administration des sociétés anonymes sont
applicables aux dirigeants et au président de la société
par actions simplifiée » les dirigeants de la SAS sont donc
responsables aux mêmes titre que les membres du conseil d'administration
de la SA peu importe que ces dirigeants soit personne physique ou personne
morale.
255. En effet, aux termes de l article853/9 de l'AUSC :
« lorsque personne morale est nommée président ou
directeur general d'une société par actions simplifiée,
les dirigeants sociaux de la personne morale sont soumis aux mêmes
conditions et obligations et encourent les mêmes responsabilités
civile et pénale que sils étaient président ou dirigeant
social en leur propre nom, sans préjudice de la responsabilité
solidaire de la personne morale qu'ils dirigent ».
256. Les dirigeants des deux sociétés peuvent
exercer les fonctions distinctes mais leur responsabilité a un
même fondement ; la faute de gestion. Celle-ci peut consister dans le
non-respect des dispositions légales ou statutaires lors des prises de
décisions, l'utilisation abusive du patrimoine social le plus souvent
à des fins personnelles.95C'est aussi en cas de
répartition de dividendes fictifs, de publication de bilan inexact, ou
de violation des règles sur l'établissement et le mode de
présentation des comptes sociaux.
257. Les administrateurs sont également civilement
responsables des dommages causés par leurs fautes prouvées en cas
de violation d'une disposition légale ou règlementaire. Il ya
aussi le fait pour les dirigeants de ne pas faire figurer sur les actes et les
documents de la société et destinés aux tiers dans ce cas,
ils doivent répondre des actes mêmes non intentionnelles. Ainsi
ont été retenu à la charge des administrateurs des actes
de gestion imprudents, de négligence ou encore de défaut de
surveillance des organes de direction. Cette responsabilité peut
être
94 C'est à dire que le société soit in bonis
ou en difficulté dans ce dernier cas, elle fait l'objet de
procédure collective. La responsabilité des dirigeants
étant organisée par l'acte uniforme sur les procédures
collectives d'apurement du passif.
95C'est l'infraction d'abus de bien et de
crédit de la société l'article 891 dispose que «
encourent une sanction pénale, le gérant de la
société à responsabilité limitée, les
administrateurs, le président directeur général, le
directeur General, le directeur général adjoint, le
président de la société par actions simplifiée,
l'administrateur général ou l'administrateur
général adjoint, qui, de mauvaise foi font des biens ou
crédit de la société un usage qu'ils savent contraire
à l'intérêt de celle-ci, a des fins personnelles
matérielles ou morales ou pour favoriser une autre
sociétédans laquelle ils sont intéressés
directement ou indirectement. »
83
La gestion de la société par actions
simplifiée en droit OHADA
collective en cas de faute commune. Elle peut aussi être
individuelle c'est dans l'hypothèse où la faute est
rattachée à un dirigeant et n'est nullement le fait du groupe.
258. Au regard de ces considérations et par soucis de
systématisation on constate que les dirigeants de la SAS seront
responsables conformément au droit commun que ce soit vis-à-vis
de la société elle-même (section1) que à
l'égard des tiers (section2).
SECTION1 : LANATURE IMPERATIVE DES REGLES
DERESPONSABILITE DES DIRIGEANTS DE LA SAS A LA L'EGARD DES ASSOCIES
259. Les dirigeants dans leur agissement ou alors dans
l'exercice de leur fonction peuvent commettre sciemment ou même par
négligence du tort à la société et par ricochet les
associés. De plus les associés peuvent se rendre compte de la
gestion calamiteuse des dirigeants. Et dans ces cas décider de mettre en
oeuvre la responsabilité du ou des dirigeants fautifs. Dans la SAS le
seul dirigeant sur qui pèse cette lourde charge est bien
évidemment le président qui est la figure essentielle de la
direction sociale. La situation des autres dirigeants reste perplexe si tant
est que leur sort dépend des statuts. Cette mise en oeuvre de la
responsabilité des dirigeants par les associés se fait au moyen
de deux actions distinctes. Avant d'aborder les deux types d'actions dont lune
s'ouvre à la collectivité et l'autre à l'associé
(paragraphe2) il faut au préalable soulever les conditions de la
responsabilité (paragraphe1).
PARAGRAPHE1 : Les conditions de la responsabilité
des dirigeants
260. Cette responsabilité obéit au droit commun
de la responsabilité civile qui trouve son fondement dans le code civil.
En effet aux termes de l'article 1382 CC « tout fait quelconque de l'homme
qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est
arrivé a le réparer » la responsabilité du dirigeant
ne peut être établi que si le demandeur apporte la preuve de
l'existence d'une faute(A) qui a entrainé un dommage (B) et bien
évidemment le lien de causalité entre le faute et le
dommage(C).
84
La gestion de la société par actions
simplifiée en droit OHADA
A - L'exigence de la faute du dirigeant
261. Cette exigence s'applique à toutes les formes
sociales.96 Le dirigeant doit nécessairement commettre une
faute. Plusieurs situations peuvent justifier sa culpabilité. Il s'agit
notamment la violation des lois et règlement applicables à la
société.tel que les règles relatives à son
fonctionnement. Dans la SA, le fait pour le dirigeant de convoquer
l'assemblée 97 des associésà l'information des
associés ou à la tenue des comptes sociaux. Ou alors qui conclut
les conventions sans autorisation préalable de l'autorité
compétente.
262. La faute du dirigeant peut aussi résulter de la
violence des statuts. Dans cette hypothèse,il refuse de se conformer aux
dispositions statutaires régissant la société. Tel est le
cas d'un dirigeant qui enfreint une disposition statutaire l'obligeant de
consulter les associés.
A noter que faute des dirigeants de la SAS sera le plus
souvent fondé sur cet aspect, eu égard au rôle donné
aux statuts dans la définition des droit et obligations des
dirigeants.
263. Mais le plus souvent, il s'agira d'une faute de gestion
celle-ci suppose un manquement commis dans l'exécution du mandat social
et qui porte atteinte aux intérêts des associés et de la
société.98 La faute de gestion couvre un
éventail d'actions et d'omissions. Le dirigeant supposé fautif ne
peut s'exonérer de la responsabilité qui pèse sur lui
qu'en prouvant qu'il n'a commis aucune faute. Cependant elle ne peut fonder
seule la responsabilité du dirigeant il faut aussi nécessairement
un dommage.
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