SECTION 2 : LA PREUVE, LA SIGNATURE ET L'ARCHIVAGE
ELECTRONIQUE
Après la description générale de la
notion d'administration de la preuve électronique et d'archivage
électronique (§1), nous analyserons la signature
électronique (§2).
§1. ADMINISTRATION DE LA PREUVE ELECTRONIQUE ET
ARCHIVAGE ELECTRONIQUE
A. l'Administration de la Preuve Electronique
Les contrats à distance sont généralement
des contrats consensuels qui se forment par le simple échange des
consentements des parties. En revanche, pour les contrats solennels, la loi
impose à titre exceptionnel la rédaction d'un acte authentique ou
sous seing privé pour leur validité (actes dits instrumentaires)
et ce afin d'attirer l'attention sur l'importance de l'engagement de la partie
réputée faible par rapport à son cocontractant (par ex. le
consommateur). Le non respect de cette formalité est sanctionné
par la nullité du contrat. Dans les deux cas, la preuve n'intervient pas
dans le processus contractuel et demeure étrangère à
celui-ci. Cependant, elle représente un élément essentiel
dans le rapport contractuel puisqu'elle permet ultérieurement de
reproduire l'accord des volontés des parties et détermine, par
conséquent, les droits et obligations de ces dernières dans la
limite auxquelles celles-ci ont consenti. Parmi les différents moyens de
preuve admis légalement, seule la preuve écrite permet de
reproduire de manière complète et certaine la
réalité de
156 P. Voirin Gilles Goubeaux, Droit civil Tome 1
introduction au droit des personnes-Famille, personnes
protégées-biens-obligations sûretés,
34ème éditions L'extenso LGDJ, 2013, p. 517.
[75]
l'engagement selon les termes consentis à
l'époque de sa formation. C'est de là que vient
l'intérêt de la preuve préconstituée par
écrit157.
Le caractère immatériel d'Internet oblige
à élargir le concept traditionnel de l'écrit et de la
signature aux écrits immatériels de sorte à ce que ces
derniers soient reconnus en justice en tant que preuves
parfaites158. La valeur probatoire de l'écrit
électronique découle directement de son assimilation à
celui sur support papier. Cette assimilation n'est qu'un principe qui permet de
traiter l'écrit électronique de manière identique trait
par trait à l'écrit sur support papier. Autrement dit, la force
probatoire de l'écrit quelle qu'en soit sa forme dépend
finalement de sa qualification et de son appartenance à une
catégorie juridique159. A cet effet, nous allons analyser des
actes authentiques (1) ; des actes sous sien priver (2) ; et enfin viendra
l'analyse des autres écrits (3).
1. Les Actes Authentiques
Comme on l'a dit plus haut, les actes les plus sincères
sont les actes authentiques en raison de l'intervention d'un officier public
qui octroie à l'acte une importante force probante160.
La loi exige quelque fois la rédaction d'un acte
authentique tant pour la preuve de l'acte juridique que pour la validité
de celui-ci et ceci afin de protéger l'une des parties. Sa
validité est subordonnée au respect de certaines
formalités dont la signature de l'officier public est
déterminante161. Au delà de ces divergences
doctrinales, la mise en oeuvre effective de l'acte authentique sous forme
électronique dépend de l'adoption d'un décret en Conseil
d'Etat qui, à ce jour, n'a toujours pas été
installé. Ce dernier fixera les conditions dans lesquelles l'acte
authentique sera établi et conservé162. Car en effet,
l'acte administratif qui tend à protéger l'intérêt
général doit d'abord avoir une existence juridique
régulière au risque de remettre en cause les fondamentaux du
cadre de l'action de l'administration163.
157 Yousef SHANDI, La formation du contrat à
distance par voie électronique, ?thèse multig?
université robert Schuman Strasbourg III, dirigée par M. Georges
Wiederkehr professeurs à ladite université soutenue publiquement
le 28 juin 2005, p. 277.
158 Idem p. 278.
159 Idem p. 305-306.
160J. Richani, Les preuves dans
l'arbitrage international, ?thèse multig?,
université libanaise, le 14 juin 2013, p. 115.
161 Idem p. 291.
162 Idem p. 292.
163 Botakile batanga, Précis du contentieux
administratif congolais, n.d.s.l, p. 36.
[76]
Pendant ce temps, les auteurs s'interrogent déjà
sur l'opportunité de la reconnaissance législative de l'acte
authentique sous forme électronique. En effet, ils se demandent si
l'authenticité électronique modifie le concept classique de
l'authenticité. La qualité d'officier public du témoin
privilégié à l'acte impliquant une très forte
présomption de véracité ainsi que la présence
physique des parties continueront-elles à s'imposer dans l'univers
numérique ? Si oui, l'acte authentique ne pourra pas être conclu
en ligne à moins que la philosophie même de l'acte authentique
soit modifiée en admettant alors qu'il puisse être passé
entre des parties éloignées, chacune assistée par son
notaire. Si non, le devoir de conseil de l'officier public perd tout son sens
!
La réponse à ces questions impose, au
préalable, d'identifier les caractéristiques de l'acte
authentique-traditionnellement conçu sur support papier et voir ensuite
si les conditions de son établissement et de sa conservation peuvent
éventuellement être dressées sous forme électronique
sans pour autant dénaturer la notion d'authenticité.
Mme Joly-Passant précise que les
caractéristiques essentielles de l'acte authentique se résument
dans la notion de « recevoir » de l'acte instrumentaire. Ce terme
suggère le cumul de trois opérations qui ont auparavant
été dégagées par M. Flour. Ces dernières
participent ensemble à la puissance et à la
véracité de l'acte authentique :
l'accueil des parties par l'officier public impliquant leur
présence physique a pour objectif de garantir avec certitude
l'identité des comparants et vérifier leur capacité
à agir pour éviter d'éventuelles fraudes ;
le recueil des consentements des comparants et leur signature
: l'officier public les identifie et certifie surtout la qualité de leur
consentement et de leur adhésion au contenu de l'acte instrumentaire.
la signature de l'officier public est le signe de son
témoignage privilégié qui confère à l'acte
son authenticité et sa présomption de véracité
jusqu'à l'inscription de faux.
Ces trois opérations se distinguent par le rôle
qu'elles jouent dans le processus d'authentification. Alors que, les deux
premières sont destinées à mettre en scène les
comparants et à leur faire prendre conscience de la gravité et de
la portée de leur engagement,
[77]
la dernière est simplement la marque extérieure
attachée à l'acte instrumentaire par laquelle l'officier public
atteste de son rôle actif dans le processus d'authentification ainsi que
de la véracité des deux premières
opérations164. De ce propos, et contrairement a ce que pense
cet auteur, nous pouvons se joindre au prescrit de l'article 201 du CCCLIII qui
dispose : « L'acte authentique fait foi de la convention qu'il renferme
entre les parties contractantes et leurs héritiers ou ayants cause
jusque preuve littérale contraire », et l'article 202 du même
code qui à son tour dispose : « L'acte, soit authentique, soit sous
seing privé, fait foi entre les parties ... », pour dire que l'on
peut à défaut de l'officier public il serait souhaitable à
notre humble avis, que l'acte pris comme un acte sous sien privé. Ce
pour quoi pour connaitre la valeur probante d'un acte authentique
électronique nous demandons l'assimilation de l'acta électronique
au même titre que de celui en papier.
2. Les Actes sous Seing Privé
A côté des actes authentiques auxquels la loi
donne une pleine force probante, les actes sous seing privé sont aussi
assortis d'une force identique à celle des actes
authentiques165. L'admissibilité de l'écrit
électronique suppose également d'observer des conditions
générales de validité de l'acte sous seing
privé166. L'acte sous seing privé n'a de sens et de
valeur que s'il a dûment fait l'objet de signature par les parties
engagées. Elle confère une force probante à l'acte entre
parties. Il fait foi jusqu'à preuve contraire167.
3. Les Autres Ecrits
Lorsque l'écrit est obligatoire et que les parties
n'ont pas aménagé la preuve de l'acte par un acte authentique ou
sous seing privé valable, la loi les autorise exceptionnellement
à le prouver par d'autres moyens : lorsqu'il existe un commencement de
preuve par écrit ; lorsque l'une des parties est dans
l'impossibilité matérielle ou morale de se procurer une preuve
littérale de l'acte juridique et enfin lorsque l'original a disparu et
qu'il existe une copie fidèle et durable.
164 Idem, pp. 292-293.
165J. Richani, Les preuves dans l'arbitrage
international, ?thèse multig?, université libanaise, le 14
juin 2013, p. 122.
166 Idem p. 296.
167 M. AMEGEE, La signature électronique
fragilise-t-elle le contrat ?, Décembre 2002, Bibliothèque
électronique de Droit Africain, p. 5, [en ligne]. Disponible sur
http://www.lexana.org/. (Page consultée le 11/06/2016 à
10h24?).
[78]
|