§2. REGIME JURIDIQUES PARTICULIERS A LA PREUVE
ELECTRONIQUE EN DROIT CONGOLAIS
Réfléchir sur l'encadrement par le droit civil
des technologies de l'information, c'est tenter de concilier évolution
du droit et révolution des faits. Relativement au premier, il est
possible de croire que le droit en général, et le droit civil en
particulier, sont le fruit d'une longue et lente tradition qui incite peu aux
bouleversements des concepts. La réalité des technologies de
l'information, en revanche, est en rupture suffisamment consommée avec
l'avant pour qu'il soit possible de croire qu'internet et sa réalisation
du moment, le web 2.0, exigent de le reconsidérer en profondeur. Il
n'est pas toujours besoin de réinventer le droit, ce droit qui de tous
temps a été capable d'évoluer. Il est même
grandement conseillé de le modifier le moins possible. Il emporte
toutefois d'interpréter les faits pour tenir compte de ces changements
« révolutionnaires ». Mais cette correspondance entre droit
« vieux » et faits « neufs », parfois, va devoir amener les
civilistes à considérer si cette interaction mérite un
traitement législatif particulier. Elle devrait préalablement
nous amener à s'interroger aussi tant sur la définition que sur
la pertinence de la notion (...), ceux qui s'y intéressent ont sans
doute raison de croire quelle ne constitue pas le principe miraculeux à
l'encadrement juridique de la technologie. Cette confrontation du droit aux
faits va nous amener à considérer un point unique qui constitue
un des motifs d'inquiétude que nous voudrions traiter même s'il
n'est pas exclusif aux technologie. Plus exactement, les pratiques
contractuelles que l'on trouve dans le cyberespace sont en train d'amplifier le
phénomène croissant quant au hiatus existant entre le principe de
la volonté et tant la théorie que la pratique.102
101 Idem, p. 263.
102 V. GAUTRAIS, Les deux couleurs du contrat
électronique, s.l.n.d, p. 244-246.
103 Valérie LADEGAILLERIE, Lexique de termes
juridiques, v° adage, Anaxagora collection numérique, n.d, p.
162.
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Au niveau jurisprudentiel (pratique), en R.D Congo, on peut
noter une réelle volonté d'assimiler le document
électronique à la preuve écrite, mais en tout cas pour une
carence manifeste de la loi congolaise en cette matière (la preuve
électronique), celle-ci constitue une épée de
Damoclès à l'endroit de praticien du droit, car en matière
civile la preuve est légale. Outre il est de maxime : « ubi lex non
distinguit, nec nos distinguere debemus (il n'y a pas lieu de distinguer
lorsque la loi ne distingue pas) »103. Car, la loi positive
congolaise est muette quand à cette notion. Mais en ce qui concerne le
transfert effectué par les banques mobiles, il ressort de la pratique
courante, une fois l'opération du transfert exécuté, la
personne qui va le serait notifier par SMS.
« Il est hors de propos de reprendre ici tous les
éléments du débat actuel relatif à l'adaptation du
droit de la preuve aux technologies modernes de l'information. Les suggestions
émises par la doctrine visent toutes, d'une manière ou d'une
autre, à accorder aux documents signés par un moyen
électronique une valeur probatoire analogue aux documents signés
manuscritement. Sur le plan de la technique juridique, elles s'orientent
principalement dans trois directions : les voies conventionnelle,
législative et interprétative.
La voie conventionnelle s'est imposée naturellement
à la faveur de l'incontestable caractère supplétif des
dispositions légales relatives à la preuve : les contractants ne
se privent pas de fixer leurs propres règles probatoires, s'accordant
d'ordinaire pour assimiler la signature électronique à la
signature manuscrite. Cependant, cette solution, qui exige des rapports
préalables et suivis entre parties, cesse d'être une
panacée dans les environnements ouverts, tel Internet, où chacun
peut nouer des contacts et conclure des actes juridiques avec des partenaires
occasionnels.
Selon une autre opinion, le droit de la preuve doit
nécessairement être réformé par la voie
législative. Diverses propositions ont été
formulées en ce sens. La plus radicale consiste à supprimer la
prééminence de la preuve littérale en instaurant un
régime généralisé de preuve libre : en ce cas, tous
les modes de preuve se trouveraient placés sur le même pied quant
à leur recevabilité et à leur force probante. Si pareille
solution a le mérite de la simplicité, force est d'admettre
qu'elle ne résout rien : côté pile, elle revient à
confier au juge le pouvoir largement discrétionnaire de
reconnaître ou non, selon sa réceptivité aux nouvelles
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technologies, une valeur probante aux procédés
électroniques de signature ; côté face, elle met à
charge de la partie qui invoque une inscription informatique de
démontrer la fiabilité du procédé utilisé de
manière à emporter la conviction du juge. Moins radicales sont
les propositions visant à accueillir la signature électronique
dans les textes, soit en introduisant une définition large de la
signature, susceptible de couvrir les signatures informatiques, soit en
définissant ce qu'il faut entendre par ces dernières et en
précisant leur force probante. Nous aurons l'occasion de revenir sur ces
hypothèses.
Plus confiante dans la souplesse des règles de preuve
en vigueur, une partie de la doctrine suggère, enfin, que le Code civil
ménage, d'ores et déjà, une large place aux preuves
informatiques, pourvu que les notions singulièrement celles,
heureusement imprécises et ouvertes, d'écrit et de signature
soient correctement interprétées. Pour l'essentiel, deux points
de vue ont été développés par les tenants de la
voie interprétative. Certains auteurs plaident pour une
admission des moyens électroniques de preuve par le biais des exceptions
au principe de la prééminence de l'écrit signé, ces
trous de souris par lesquels on parvient Parfois à faire passer des
éléphants. À leurs yeux, les contrats et paiements
électroniques seraient un terrain d'élection pour
l'admissibilité de la preuve par toutes voies de droit, justifiée
par une impossibilité pratique résultant des usages, de se
procurer une preuve littérale »104.
Sous l'angle purement répressif, le professeur
NYABIRUNGU enseigne que si, après sa mise en vigueur, des faits se
manifestent qui entrent dans sa formule, la loi les punira, alors même
qu'au moment de son élaboration, le législateur ne pouvait se les
représenter. Il s'agit là en effet de l'interprétation
évolutive de la loi pénale, celle qui a permis à certaines
juridictions ingénieuses d'étendre de dispositions pénales
existantes à des faits de vol d'électricité, des fichiers
informatiques, des codes électroniques etc. alors que ces faits ne
pouvaient littéralement pas être cernés par les
libellés des dispositions pénales applicables au moment de leur
survenance. L'interprétation évolutive est donc celle qui
reçoit une certaine forme d'interprétation par analogie
lorsqu'elle se pare du manteau de l'évolution de la science des
techniques ou de la conscience sociale105. Ce qui nous conduit
à l'analyse de notre dernier chapitre, portant sur l'administration de
la preuve.
104 D. Gobert et Etienne MONTERO, loc. Cit, pp.
53-55.
105 Idem pp. 47-48.
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