B. L'influence de la Libye dans l'univers
institutionnel et structurel de la CEN-SAD
La concentration des organes de la CEN-SAD sur le territoire
libyen est le premier facteur de son omniprésence et de sa
prééminence dans le fonctionnement de la communauté. La
concentration des principales institutions dans la capitale libyenne fait du
colonel Kadhafi le leader incontesté et incontestable de la
Communauté des Etats Sahélo-Sahariens. En effet,
l'omniprésence et la prééminence de la Libye dans le
fonctionnement institutionnel de la CEN-SAD sont remarquables surtout au niveau
du Secrétariat Général et de la Banque
Sahélo-saharienne pour l'Investissement et le Commerce. Non seulement
ces deux institutions ont leurs sièges respectifs à Tripoli en
Libye, mais elles sont surtout dirigées par deux cadres de
nationalité libyenne : le Secrétaire Général en
exercice, M. Mohamed AL-MADANI AL-AZHARI et le Président Directeur
Général de la banque, M. ALHADI ALWARFALLI. A quoi correspond la
prééminence de la Libye dans les organes de la CEN-SAD ?
Pourrait-on l'interpréter comme relevant d'un droit de regard et d'un
devoir de veille incombant naturellement à l'initiateur et promoteur de
la communauté qu'est la Libye ?
On peut s'avancer à penser a priori que, en raison de
son rôle déterminant dans la création de l'organisation, la
Libye tient à sa réussite et, pour ce faire, accomplit les actes
y afférents. Mais, la question essentielle serait de savoir pourquoi
elle tient tant à une présence aussi marquée.
Il s'agit en effet de la part de la Libye d'une recherche
d'affirmation de son leadership sur les autres Etats qui
préfèrent subir plutôt que de se battre pour hisser leurs
cadres dans le fonctionnement de la communauté. Ce silence des Etats
membres confirme bien l'autorité de la Libye sur leur ensemble.
Un autre facteur de cette autorité libyenne dans
l'univers institutionnel et structurel de la communauté réside
dans la nomination, par les Etats membres, du colonel Kadhafi en tant que haut
Médiateur permanent pour la
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Réalisé par Olognidé Ronic Enoch
AKPONIKPE
Impact de la crise libyenne sur la Communauté des
Etats Sahélo-Sahariens (CEN-SAD)
Paix et la Sécurité. Ainsi, par cette
nomination, le colonel Kadhafi pouvait facilement s'ingérer dans les
affaires internes des Etats membres de la communauté foulant ainsi
à ses pieds le principe de la souveraineté des Etats. C'est
à ce titre qu'il a préconisé la scission de la
République Fédérale du Nigéria en deux Etats dont
l'un chrétien et l'autre musulman. Il est intervenu dans la situation au
Soudan, au Tchad et au Togo, donnant à chaque occasion une
visibilité sur sa médiation. Toutefois, grâce aux efforts
et à la médiation concluante du haut Médiateur permanent
pour la Paix et la Sécurité, il y a eu la signature, le 25
octobre 2005, d'un accord de paix entre le gouvernement Tchadien, l'UFDD, le
CNT, le RFC et UFDD-F.
Toutes les réussites du colonel Kadhafi en tant que
haut médiateur permanent pour la Paix et la Sécurité n'ont
fait qu'à accroître son influence dans l'espace CEN-SAD et sur les
Etats membres.
Enfin, notons que grâce à cette autorité
que la Libye a acquise au sein de la CEN-SAD, elle a pu imposer dans les Etats
membres des structures libyennes telles que les banques, les complexes
hôteliers et des structures d'investissement. Cela n'est pas mauvais en
soi car de telles entreprises correspondent aux dispositions de l'article
1er de l'acte constitutif de la CEN-
SAD qui met la lumière sur la mission de la CEN-SAD
à savoir : «- l'établissement d'une union
économique globale basée sur une stratégie à
travers un plan de développement complémentaire avec les plans
nationaux de développement des pays concernés englobant
l'investissement dans les domaines agricole, industriel,
énergétique, social et culturel.
-la suppression de toutes les restrictions qui entravent le
rassemblement de ces pays, par la prise de mesures nécessaires pour
assurer : la libre circulation des personnes, des capitaux et des
intérêts des ressortissants des Etats membres ; la liberté
de séjour, de propriété et d'exercice de l'activité
économique ; la liberté d'échange et de circulation des
biens, des produits et services originaires des pays membres.
Réalisé par Olognidé Ronic Enoch
AKPONIKPE
Impact de la crise libyenne sur la Communauté des
Etats Sahélo-Sahariens (CEN-SAD)
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-la promotion du commerce extérieur par une politique
d'investissement dans les Etats membres.»11
Mais le trafic d'influence se situe au niveau de la
réciprocité : la Libye permet-elle aux Etats membres de
s'établir sur son territoire et de jouir de tous les avantages contenus
dans l'article 1er dudit acte constitutif?
En somme, il existe un déséquilibre au sein du
pouvoir décisionnel de la conférence des chefs d'Etats de la
CEN-SAD. Les Etats affichent leur incapacité à s'opposer aux
idéologies et aux impositions de la Libye. N'est-ce pas là une
vraie preuve de l'influence libyenne sur les Etats membres de la CEN-SAD ? Les
Etats sont-ils tenus de rester membres d'une organisation dans laquelle ils
n'ont de voix que celle de l'initiateur et promoteur ?
Il faudra noter que les Etats membres de la CEN-SAD n'ont pas
adhéré à la communauté sans avoir défini au
préalable leurs intérêts à être liés.
Nous estimons qu'il existe une contrepartie qui sera élucidée
dans les prochains points de notre étude.
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