2.3 Les problématiques de cette reconversion
territoriale
Nous avons vu que d'après les avis recueillis,
l'orientation de la ville vers le design est une volonté et une
réalité. La ville de Saint-Etienne a été
pionnière en matière de développement par le design mais
cela ne suffit pas. Les interviewés s'accordent à dire que
certains obstacles freinent cette reconversion.
Les habitants de la ville sont une problématique
essentielle, sur laquelle la ville doit beaucoup travailler.
N. Arnould : « Beaucoup de personnes
ignorent que la Cité du Design apporte énormément à
la ville. »
G. Subileau : « Il y a comme une
gêne de l'argent à Saint-Etienne (É) la Cité du
Design avait été beaucoup critiquée. »
S. Devrieux : « Ce qui nous reste
à travailler le plus, c'est les habitants. Il y a eu beaucoup de travail
là-dessus, mais il y a encore du travail. »
« Incompréhension des habitants envers le design
à Saint-Etienne »
« Une forte augmentation des personnes
stéphanoises qui sont venues à la biennale, donc cela a
commencé à jouer. »
|
Qu'en est-il de la communication ? Auprès du grand
public, la ville répond aux questions simples comme « Qu'est-ce que
le design ? A quoi ça sert ? » dans le but de rendre accessible le
design. Ces actions de démocratisation ciblent également les
professionnels car peu d'entreprises ont connaissance de ce que le design
pourrait leur apporter. Des actions de communication existent mais il semble
que l'on communique peu les retombées de la Biennale du Design par
exemple, ce qui peut expliquer pourquoi les habitants n'ont pas conscience que
cet événement est bénéfique pour la ville.
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G. Subileau : « Les retombées
de la Biennale positives, on en parle peu »
« la Cité du Design (É) est vue comme
une institution un peu louche ».
« Communication très axée sur le
quartier créatif et la Biennale »
N. Arnould : « le
Saint-Etienne City Guide, c'est vraiment pour découvrir le design dans
la
ville »
S. Devrieux : « On a moins besoin de
trouver plus d'offres concrètes que de travailler la
communication »
Une autre problématique de cette reconversion de la
ville par le design est la conjoncture économique et le contexte
actuel.
B. Laroche : « Les conditions
financières des collectivités locales peuvent parfois donner
envie de freiner. »
G. Subileau : « La vie est plus dure
»
P. Moine : « Hier encore, un
confrère me disait, c'est parce qu'on les oblige de mettre du design
dans la ville »
« Le budget va être diminué pour les
années à venir : il faut sauver notre peau et celle des designers
»
|
Un autre enjeu actuel est que le design pourrait être un
phénomène de mode. Saint-Etienne ne serait pas la seule à
intégrer le design dans son processus de développement. La ville
pionnière de design serait-elle concurrencée par d'autres villes
?
G. Subileau : « Maintenant, toutes les
villes veulent faire du design, c'est tendance »
P. Moine : « On n'est pas unique
(É), on a notre épingle du jeu dans la profession et c'est
très bien. »
« Pas plus qu'à Paris, Milan, Berlin, et New
Castle aussi, pas plus qu'à New Castle non plus. Donc nous ne sommes pas
les seuls (É) Le commerce design, on l'a copié sur
Montréal. »
|
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Bien que la vision soit optimiste de manière
générale, nous avons vu que des fragilités demeurent et
freinent le développement de la ville. Heureusement, la ville regorge de
potentiel pour continuer dans cette lignée. Notons par exemple que le
coût de la vie n'est pas cher. Un élément très
important pour son développement est le soutien des politiques et de la
ville dans cette direction.
Pour finir, voici quelques pistes de réflexion pour
l'avenir de la ville de design qui ont été évoquées
par les personnes interrogées :
N. Arnould : « Le design pour
améliorer la ville, trouver des systèmes pour
améliorer,
faciliter la collecte sélective... »
« volonté de travailler
avec les villes voisines »
G. Subileau : « Il y a beaucoup
à exploiter ! »
« Les actions très ciblées à
destination des entreprises, ça fonctionne bien »
« Il faut réinventer quelque chose d'où
l'idée de la Slow City, des espaces verts, des potagers
dans la ville, des terrasses... C'est de la vie à
valeur ajoutée, la ville où il fait bon vivre »
P. Moine : « La Biennale, comme c'est
tous les deux ans, on ne peut pas tout miser là dessus
(É) il faudrait un nouveau souffle pour dynamiser.
»
G. Granjon et E. Vichos : « Pourquoi
pas mettre en place une exposition permanente à la
Cité du design sur les racines du design à
aujourd'hui à Saint-Etienne ? »
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ANALYSE DES DONNEES
Ainsi, nous pouvons désormais confronter les
données récoltées, qu'elles soient empiriques ou
théoriques. Pour rappel, l'objectif de cette étude est de
comprendre comment la politique territoriale tournée vers le design
améliore l'image de la ville de Saint-Etienne. Nous allons dans un
premier temps identifier les idées convergentes par thématique,
puis dans un second temps nous aborderons celles qui divergent. Enfin, nous
établirons en s'inspirant des résultats obtenus quelques
recommandations pour permettre à cette ville de poursuivre son
développement par le design.
IDEES CONVERGENTES
Cette décision politique semble cohérente avec
son passé industriel. Son histoire lui apporte de la matière et
des explications. Ainsi, Saint-Etienne donne l'image d'une ville qui a toujours
dû et su innover pour se mettre en valeur. Le design est bien réel
et tangible à Saint-Etienne. Si on s'intéresse aux
représentations concrètes, les exemples sont nombreux. En effet,
la ville est caractérisée par de nombreux projets d'architectes,
d'urbanistes et de paysagistes, du plus petit aux plus grands acteurs de
renommées internationales. Citons par exemple Norman Foster (le
Zénith), Finn Geipel et Giulia Andi (La Cité du Design), Rudy
Ricciotti (La Maison de l'Emploi)... Le design se retrouve également
dans l'espace urbain de la ville. Saint-Etienne est donc
représentée par un design fort sur son territoire, en terme
d'architecture et de design urbain. De plus, Saint-Etienne City Guide
valorise également le design dans ses musées. En outre, tous
les critères sont remplis pour qu'elle fasse partie du réseau
Unesco des villes créatives : une cité du design, une
école d'arts et de design, des centres de recherches, des entreprises
exerçants dans le design... La ville est même la première
collectivité française à avoir intégré un
Design Manager dans la conception et le déploiement de ses politiques
publiques.
D'après la théorie de Richard Florida, cette
distinction permet « d'attirer de nouveaux designers sur le territoire
ainsi que les classes créatives qui viendront enrichir les politiques
urbaines grâce à leurs compétences. ». Les
classes créatives devraient donc, d'après cette théorie,
jouer un rôle important pour rendre Saint-Etienne attractive et la rendre
prospère économiquement. D'après la recherche empirique,
le territoire abrite beaucoup de designers
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au mètre carré. Les créateurs sont donc
bien au coeur de cette régénération urbaine, puisqu'ils en
sont de véritables acteurs.
De plus, tous les avis convergent sur l'idée que le
design améliore considérablement l'image de la ville. En effet,
le design est une stratégie de positionnement pour contribuer à
améliorer l'image de Saint-Etienne. D'ailleurs, si on prend l'exemple de
la Biennale Internationale du Design, les résultats sont très
encourageants. D'après l'étude de l'impact de la Biennale 2015,
les signaux renvoyés en terme d'image sont très positifs. En
effet, la Biennale Internationale du design dispose d'une forte
attractivité et joue le rôle de déclencheur pour venir
à Saint-Etienne. La Biennale est un succès en terme d'image, tant
pour l'événement que pour la Ville. 71% des visiteurs pensent que
la Biennale Internationale du Design renvoi une image positive. L'image d'une
ville austère, triste, liées à son passé
industriel, s'efface au profit de celle d'une ville dynamique,
modernisée, associée à la culture et au design. De plus,
93% des visiteurs de la Biennale de 2015 ont affirmé le souhait de
participer à une prochaine édition.
La ville rayonne au niveau national et international
grâce à son appartenance au réseau Unesco des villes
créatives de design. Ainsi, le design améliore nettement
l'identité territoriale de la ville, notamment grâce à
l'événement fédérateur mais également parce
qu'elle est positionnée dans un réseau mondial, aux
côtés de Montréal, Berlin, ou encore Shanghai.
En plus, le design peut être vu comme un levier de
développement économique. En effet, les retombées
économiques liées au design sont intéressantes. Lors de la
biennale du design, toute la ville se dynamise grâce au tourisme. En
terme de données chiffrées, la Biennale Internationale du Design
de 2015 a apporté 3,3 millions d'euros de chiffres d'affaires pour les
entreprises de l'Agglomération (restaurants, hébergement,
stationnement/carburant, transport, shopping, cadeaux/souvenirs, courses
alimentaires).
En outre, certaines entreprises améliorent leur
stratégie en faisant appel à des designers qui apportent de
véritables solutions face aux évolutions sociétales. C'est
donc une manière de lutter contre la crise économique et la
conjoncture où il faut trouver de nouvelles solutions pour perdurer.
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IDEES DIVERGENTES
La théorie du design social semble néanmoins peu
représentée à Saint-Etienne. En effet, même si
certaines actions de design participatif auprès des habitants ont
été menées, elles restent minimes compte-tenu de
l'importance de la population. Par ailleurs, la volonté de
démocratiser le design à Saint-Etienne semble réelle. On
recense de vraies actions menées pour rendre le design accessible,
à l'instar de certaines campagnes de communication. Néanmoins, le
constat de la perception du design comme élitiste demeure auprès
du grand public. Et les habitants deviennent même un problème pour
le développement de cette identité territoriale. Notons par
ailleurs que la majorité des habitants n'a pas connaissance de ce
qu'apporte la biennale du design à la ville.
A travers la recherche empirique, nous avons vu que certains
pensent que la Cité du Design est un écosystème unique,
rare. Ces derniers voient Saint-Etienne comme une ville à
caractère unique, qui serait unique en son genre. Mais d'autres n'ont
pas ce point de vue : en effet, certains designers ont évoqué le
fait que les meilleurs écoles de design ne sont pas à
Saint-Etienne mais à Paris, que d'autres villes font du design,
notamment au niveau européen. Par conséquent, la ville n'aurait
pas un caractère unique en terme de design.
En ce qui concerne les problématiques de cette
reconstruction territoriale, l'image d'une ville industrielle « noire
» n'a pas été citée comme un frein pour cette
reconversion territoriale. Au contraire, son passé industriel lui donne
du sens. En revanche, le design est mal perçu par les entreprises, qui
n'ont pas conscience de son potentiel. Le secteur privé est de
manière générale peu convaincu des atouts du design, alors
que les designers du territoire ont besoin d'eux pour travailler. Il faut donc
les sensibiliser, des actions sont menées comme par le Collectif
Designers +. Mais le travail est encore long. Si on s'intéresse à
la temporalité, nous ne sommes qu'au début de cette reconversion
territoriale.
Enfin, le design arrive à se concrétiser mais
d'une manière un peu forcée. Certes, le fait qu'il y ait un
design manager au sein de la collectivité territoriale est un
véritable atout pour permettre à la ville de faire travailler les
designers. Mais d'après certains designers, la triste
vérité est liée au fait que le design manager soit parfois
obligé de pousser la collectivité à utiliser le design. En
effet, cela ne devrait pas être forcé, mais naturel et
volontaire...
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D'après ces résultats et mon opinion
personnelle, nous pouvons établir quelques préconisations
générales pour que la ville stéphanoise continue son
développement par le design.
Il faudrait amplifier les actions de sensibilisation du design
pour le rendre plus accessible, et compréhensible. Ces actions
pourraient être entreprises auprès des habitants, étant
donné que les habitants sont les ambassadeurs d'une ville, mais
également auprès des écoles, et auprès des
entreprises. Des démarches participatives pour solutionner des
problèmes urbains pourraient permettre aux différents publics de
comprendre que le design peut apporter de véritables solutions pour la
ville de demain.
Une autre piste serait de faire vivre la ville par des
événements fréquents afin d'assurer la continuité
avec la Biennale Internationale du Design, présente seulement un mois
tous les deux ans. Pour cela, il serait intéressant de s'inspirer
d'autres villes de design avec à la fois des événements
grands publics, mais également des événements plus
ciblés pour conquérir le secteur privé.
Enfin, la Biennale Internationale du Design étant un
événement moteur de la ville de design, il semble primordiale que
la ville axe tous ces efforts pour la rendre meilleure chaque année et
la rendre unique au monde.
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