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Le design comme moyen de reconstruction d'une identité territoriale. Cas de la ville de Saint-Etienne.

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par Inès Marandon
Kedge Business School - Master Ecole Supérieur de Commerce 2016
  

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2.3 Les problématiques de cette reconversion territoriale

Nous avons vu que d'après les avis recueillis, l'orientation de la ville vers le design est une volonté et une réalité. La ville de Saint-Etienne a été pionnière en matière de développement par le design mais cela ne suffit pas. Les interviewés s'accordent à dire que certains obstacles freinent cette reconversion.

Les habitants de la ville sont une problématique essentielle, sur laquelle la ville doit beaucoup travailler.

N. Arnould : « Beaucoup de personnes ignorent que la Cité du Design apporte énormément à la ville. »

G. Subileau : « Il y a comme une gêne de l'argent à Saint-Etienne (É) la Cité du Design avait été beaucoup critiquée. »

S. Devrieux : « Ce qui nous reste à travailler le plus, c'est les habitants. Il y a eu beaucoup de travail là-dessus, mais il y a encore du travail. »

« Incompréhension des habitants envers le design à Saint-Etienne »

« Une forte augmentation des personnes stéphanoises qui sont venues à la biennale, donc cela a commencé à jouer. »

Qu'en est-il de la communication ? Auprès du grand public, la ville répond aux questions simples comme « Qu'est-ce que le design ? A quoi ça sert ? » dans le but de rendre accessible le design. Ces actions de démocratisation ciblent également les professionnels car peu d'entreprises ont connaissance de ce que le design pourrait leur apporter. Des actions de communication existent mais il semble que l'on communique peu les retombées de la Biennale du Design par exemple, ce qui peut expliquer pourquoi les habitants n'ont pas conscience que cet événement est bénéfique pour la ville.

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G. Subileau : « Les retombées de la Biennale positives, on en parle peu »

« la Cité du Design (É) est vue comme une institution un peu louche ».

« Communication très axée sur le quartier créatif et la Biennale »

N. Arnould : « le Saint-Etienne City Guide, c'est vraiment pour découvrir le design dans la

ville »

S. Devrieux : « On a moins besoin de trouver plus d'offres concrètes que de travailler la

communication »

Une autre problématique de cette reconversion de la ville par le design est la conjoncture économique et le contexte actuel.

B. Laroche : « Les conditions financières des collectivités locales peuvent parfois donner envie de freiner. »

G. Subileau : « La vie est plus dure »

P. Moine : « Hier encore, un confrère me disait, c'est parce qu'on les oblige de mettre du design dans la ville »

« Le budget va être diminué pour les années à venir : il faut sauver notre peau et celle des designers »

Un autre enjeu actuel est que le design pourrait être un phénomène de mode. Saint-Etienne ne serait pas la seule à intégrer le design dans son processus de développement. La ville pionnière de design serait-elle concurrencée par d'autres villes ?

G. Subileau : « Maintenant, toutes les villes veulent faire du design, c'est tendance »

P. Moine : « On n'est pas unique (É), on a notre épingle du jeu dans la profession et c'est très bien. »

« Pas plus qu'à Paris, Milan, Berlin, et New Castle aussi, pas plus qu'à New Castle non plus. Donc nous ne sommes pas les seuls (É) Le commerce design, on l'a copié sur Montréal. »

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Bien que la vision soit optimiste de manière générale, nous avons vu que des fragilités demeurent et freinent le développement de la ville. Heureusement, la ville regorge de potentiel pour continuer dans cette lignée. Notons par exemple que le coût de la vie n'est pas cher. Un élément très important pour son développement est le soutien des politiques et de la ville dans cette direction.

Pour finir, voici quelques pistes de réflexion pour l'avenir de la ville de design qui ont été évoquées par les personnes interrogées :

N. Arnould : « Le design pour améliorer la ville, trouver des systèmes pour améliorer,

faciliter la collecte sélective... »

« volonté de travailler avec les villes voisines »

G. Subileau : « Il y a beaucoup à exploiter ! »

« Les actions très ciblées à destination des entreprises, ça fonctionne bien »

« Il faut réinventer quelque chose d'où l'idée de la Slow City, des espaces verts, des potagers

dans la ville, des terrasses... C'est de la vie à valeur ajoutée, la ville où il fait bon vivre »

P. Moine : « La Biennale, comme c'est tous les deux ans, on ne peut pas tout miser là dessus

(É) il faudrait un nouveau souffle pour dynamiser. »

G. Granjon et E. Vichos : « Pourquoi pas mettre en place une exposition permanente à la

Cité du design sur les racines du design à aujourd'hui à Saint-Etienne ? »

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ANALYSE DES DONNEES

Ainsi, nous pouvons désormais confronter les données récoltées, qu'elles soient empiriques ou théoriques. Pour rappel, l'objectif de cette étude est de comprendre comment la politique territoriale tournée vers le design améliore l'image de la ville de Saint-Etienne. Nous allons dans un premier temps identifier les idées convergentes par thématique, puis dans un second temps nous aborderons celles qui divergent. Enfin, nous établirons en s'inspirant des résultats obtenus quelques recommandations pour permettre à cette ville de poursuivre son développement par le design.

IDEES CONVERGENTES

Cette décision politique semble cohérente avec son passé industriel. Son histoire lui apporte de la matière et des explications. Ainsi, Saint-Etienne donne l'image d'une ville qui a toujours dû et su innover pour se mettre en valeur. Le design est bien réel et tangible à Saint-Etienne. Si on s'intéresse aux représentations concrètes, les exemples sont nombreux. En effet, la ville est caractérisée par de nombreux projets d'architectes, d'urbanistes et de paysagistes, du plus petit aux plus grands acteurs de renommées internationales. Citons par exemple Norman Foster (le Zénith), Finn Geipel et Giulia Andi (La Cité du Design), Rudy Ricciotti (La Maison de l'Emploi)... Le design se retrouve également dans l'espace urbain de la ville. Saint-Etienne est donc représentée par un design fort sur son territoire, en terme d'architecture et de design urbain. De plus, Saint-Etienne City Guide valorise également le design dans ses musées. En outre, tous les critères sont remplis pour qu'elle fasse partie du réseau Unesco des villes créatives : une cité du design, une école d'arts et de design, des centres de recherches, des entreprises exerçants dans le design... La ville est même la première collectivité française à avoir intégré un Design Manager dans la conception et le déploiement de ses politiques publiques.

D'après la théorie de Richard Florida, cette distinction permet « d'attirer de nouveaux designers sur le territoire ainsi que les classes créatives qui viendront enrichir les politiques urbaines grâce à leurs compétences. ». Les classes créatives devraient donc, d'après cette théorie, jouer un rôle important pour rendre Saint-Etienne attractive et la rendre prospère économiquement. D'après la recherche empirique, le territoire abrite beaucoup de designers

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au mètre carré. Les créateurs sont donc bien au coeur de cette régénération urbaine, puisqu'ils en sont de véritables acteurs.

De plus, tous les avis convergent sur l'idée que le design améliore considérablement l'image de la ville. En effet, le design est une stratégie de positionnement pour contribuer à améliorer l'image de Saint-Etienne. D'ailleurs, si on prend l'exemple de la Biennale Internationale du Design, les résultats sont très encourageants. D'après l'étude de l'impact de la Biennale 2015, les signaux renvoyés en terme d'image sont très positifs. En effet, la Biennale Internationale du design dispose d'une forte attractivité et joue le rôle de déclencheur pour venir à Saint-Etienne. La Biennale est un succès en terme d'image, tant pour l'événement que pour la Ville. 71% des visiteurs pensent que la Biennale Internationale du Design renvoi une image positive. L'image d'une ville austère, triste, liées à son passé industriel, s'efface au profit de celle d'une ville dynamique, modernisée, associée à la culture et au design. De plus, 93% des visiteurs de la Biennale de 2015 ont affirmé le souhait de participer à une prochaine édition.

La ville rayonne au niveau national et international grâce à son appartenance au réseau Unesco des villes créatives de design. Ainsi, le design améliore nettement l'identité territoriale de la ville, notamment grâce à l'événement fédérateur mais également parce qu'elle est positionnée dans un réseau mondial, aux côtés de Montréal, Berlin, ou encore Shanghai.

En plus, le design peut être vu comme un levier de développement économique. En effet, les retombées économiques liées au design sont intéressantes. Lors de la biennale du design, toute la ville se dynamise grâce au tourisme. En terme de données chiffrées, la Biennale Internationale du Design de 2015 a apporté 3,3 millions d'euros de chiffres d'affaires pour les entreprises de l'Agglomération (restaurants, hébergement, stationnement/carburant, transport, shopping, cadeaux/souvenirs, courses alimentaires).

En outre, certaines entreprises améliorent leur stratégie en faisant appel à des designers qui apportent de véritables solutions face aux évolutions sociétales. C'est donc une manière de lutter contre la crise économique et la conjoncture où il faut trouver de nouvelles solutions pour perdurer.

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IDEES DIVERGENTES

La théorie du design social semble néanmoins peu représentée à Saint-Etienne. En effet, même si certaines actions de design participatif auprès des habitants ont été menées, elles restent minimes compte-tenu de l'importance de la population. Par ailleurs, la volonté de démocratiser le design à Saint-Etienne semble réelle. On recense de vraies actions menées pour rendre le design accessible, à l'instar de certaines campagnes de communication. Néanmoins, le constat de la perception du design comme élitiste demeure auprès du grand public. Et les habitants deviennent même un problème pour le développement de cette identité territoriale. Notons par ailleurs que la majorité des habitants n'a pas connaissance de ce qu'apporte la biennale du design à la ville.

A travers la recherche empirique, nous avons vu que certains pensent que la Cité du Design est un écosystème unique, rare. Ces derniers voient Saint-Etienne comme une ville à caractère unique, qui serait unique en son genre. Mais d'autres n'ont pas ce point de vue : en effet, certains designers ont évoqué le fait que les meilleurs écoles de design ne sont pas à Saint-Etienne mais à Paris, que d'autres villes font du design, notamment au niveau européen. Par conséquent, la ville n'aurait pas un caractère unique en terme de design.

En ce qui concerne les problématiques de cette reconstruction territoriale, l'image d'une ville industrielle « noire » n'a pas été citée comme un frein pour cette reconversion territoriale. Au contraire, son passé industriel lui donne du sens. En revanche, le design est mal perçu par les entreprises, qui n'ont pas conscience de son potentiel. Le secteur privé est de manière générale peu convaincu des atouts du design, alors que les designers du territoire ont besoin d'eux pour travailler. Il faut donc les sensibiliser, des actions sont menées comme par le Collectif Designers +. Mais le travail est encore long. Si on s'intéresse à la temporalité, nous ne sommes qu'au début de cette reconversion territoriale.

Enfin, le design arrive à se concrétiser mais d'une manière un peu forcée. Certes, le fait qu'il y ait un design manager au sein de la collectivité territoriale est un véritable atout pour permettre à la ville de faire travailler les designers. Mais d'après certains designers, la triste vérité est liée au fait que le design manager soit parfois obligé de pousser la collectivité à utiliser le design. En effet, cela ne devrait pas être forcé, mais naturel et volontaire...

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D'après ces résultats et mon opinion personnelle, nous pouvons établir quelques préconisations générales pour que la ville stéphanoise continue son développement par le design.

Il faudrait amplifier les actions de sensibilisation du design pour le rendre plus accessible, et compréhensible. Ces actions pourraient être entreprises auprès des habitants, étant donné que les habitants sont les ambassadeurs d'une ville, mais également auprès des écoles, et auprès des entreprises. Des démarches participatives pour solutionner des problèmes urbains pourraient permettre aux différents publics de comprendre que le design peut apporter de véritables solutions pour la ville de demain.

Une autre piste serait de faire vivre la ville par des événements fréquents afin d'assurer la continuité avec la Biennale Internationale du Design, présente seulement un mois tous les deux ans. Pour cela, il serait intéressant de s'inspirer d'autres villes de design avec à la fois des événements grands publics, mais également des événements plus ciblés pour conquérir le secteur privé.

Enfin, la Biennale Internationale du Design étant un événement moteur de la ville de design, il semble primordiale que la ville axe tous ces efforts pour la rendre meilleure chaque année et la rendre unique au monde.

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"Des chercheurs qui cherchent on en trouve, des chercheurs qui trouvent, on en cherche !"   Charles de Gaulle