CONCLUSION
Durant cette recherche, l'objectif était de comprendre
comment la politique territoriale tournée vers le design améliore
l'image de la ville de Saint-Etienne et quels en sont les enjeux. Nous allons
tenter de conclure sur la place du design à Saint-Etienne afin de
constater si son pari est sur la bonne voie.
Dans la partie théorique, nous avons
réalisé un aperçu du design et de son histoire notamment
sa présence dans les villes créatives de design. Par une
tentative de définition du design, nous avons vu qu'il existait
plusieurs écoles. En effet, certains pensent que le design existerait
depuis toujours et que ce concept est un nouveau mot pour qualifier les
inventeurs et concepteurs. Pour d'autres, le design est de l'art et sa
préoccupation esthétique. On peut encore évoquer bien
d'autres pensées, comme la visée productive purement
industrielle, à l'inverse de l'artisanat où les objets sont
uniques. Bref, le design serait encore un concept complexe ayant une multitude
d'approches. D'ailleurs, le concept évolue constamment et le
métier du designer est amené à évoluer avec les
changements sociétaux.
La notion du design aurait explosé depuis les
années 1980. En effet, s'il on regarde son historique, l'Etat
français semble réellement s'intéresser, soutenir et
promouvoir le design depuis cette période. Au fil du temps, beaucoup
d'initiatives en faveur de cet art ont vu le jour : écoles,
musées, galeries d'art, associations, événements,
délégations... Citons par exemple le département «
Design » crée en 1980 à l'Ecole des Beaux-Arts de Paris ou
encore, la première quadriennale internationale du design en 1986 dans
la région de Lyon. Cependant, le design demeure un secteur
d'activité méconnu du grand public, sans doute à causes de
certaines confusions à son égard.
Les villes se sont intéressées au design pour
créer une dynamique unificatrice qui rassemblerait la population autour
d'un projet porteur et pour faire face à un contexte où les
villes rassemblent 3/4 de l'activité économique et la
moitié de la population mondiale. La qualification de villes
créatives par l'Unesco est appuyée sur la notion
d'économie créative, où les créateurs seraient un
moyen de développement urbain. L'intérêt du réseau
mondial de l'Unesco des villes créatives crée en 2004 est de
promouvoir le développement culturel,
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économique et social des villes dans les pays
développés et ceux en voie de développement.
Montréal est entrée dans le réseau de l'Unesco en 2006
grâce à son potentiel créatif (plus de 450 000
employés dans le secteur créatif dont 20 000 designers). La ville
aurait intégré du design dans des secteurs très divers.
Pour Berlin, le design est également au coeur de l'économie
urbaine, avec 11 000 travailleurs dans le design. Montréal et Berlin ont
naturellement axées leur politique de développement territorial
par le design et peuvent être considérées comme exemplaires
étant donné les retombées positives.
On assiste depuis plusieurs années à la
transformation de la ville de Saint-Etienne, notamment autour du design. Nous
avons donc tenté de cerner ce qui a amené Saint-Etienne à
se reconvertir grâce au design, puis nous en avons identifié les
moteurs et les freins. Afin de comprendre les raisons d'une telle directive, il
suffit de regarder dans le passé de cette ville : son dynamisme
industriel révèle que la créativité a
été le noyau dur pour son développement depuis la fin du
18ème siècle. Nommons par exemple la rubanerie, les
industries minières, l'armement et les cycles. Le déclin
industriel laisse la ville avec divers enjeux : pénurie
démographique, crise économique, etc. La ville rebondit, toujours
grâce à la créativité, en utilisant son
héritage industriel pour créer du patrimoine et des musés.
Elle se tourne très vite vers de nouveaux secteurs et pôles
d'excellence comme le design en 1994, dont la politique est de placer le design
au coeur de la transformation urbaine, des équipements, infrastructures
et des espaces publics.
Parmi les moteurs de cette orientation, la ville souhaite se
positionner d'un point de vue marketing, pour se créer une marque de
fabrique, et ainsi, améliorer son image. Saint-Etienne voit
également le design comme source de développement
économique et pour lutter contre la crise économique, par le
secteur privé, les investisseurs, le tourisme, etc. Le design pourrait
également avoir un impact favorable sur les habitants pour construire
une ville adaptée à ces citoyens. Les difficultés que la
ville devait affronter sont son image de ville « vieillissante et noire
», pauvre, qui n'aurait pas changé depuis son effondrement
industriel. De plus, la proximité avec la ville de Lyon également
tournée vers le design pourrait concurrencer la ville.
Enfin, nous avons émis les conséquences sur ce
que le design apportait à la ville, en terme d'images mais
également dans d'autres domaines. L'exemple de la ville de Saint-Etienne
a montré que le bilan du développement de la ville par le design
est intéressant. Le
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design est une réalité à Saint-Etienne,
il lui donne beaucoup de sens, nous pouvons même dire que la ville est
« design » de manière globale (divers secteurs
d'activité, entreprises, habitants, écoles, projets urbains...).
Notons par exemple la Biennale Internationale du Design,
événement fédérateur de la ville et réussite
indéniable. Cette identité de la ville évolue de
manière qualitative notamment grâce à la Biennale dont les
résultats économiques pour le territoire sont de l'ordre de 1,25
euros de retombées pour 1 euro investi. La culture design est un levier
de croissance majeur pour la ville.
Dans la recherche empirique, nous avons interrogé
certains professionnels du design de la ville de Saint-Etienne pour cerner
quelle était leur vision des choses concernant cette reconversion par le
design et ses réalités.
Globalement, le design apparaît comme un nouveau souffle
pour la ville, c'est un vecteur de développement incroyable. Pour les
professionnels, la désignation de ville de design par l'Unesco a permis
de positionner le territoire même si ce n'est pas seulement un label. En
effet, le design est logique et cohérent à Saint-Etienne, de par
son histoire, et il a une répercussion forte. La Cité du Design
est d'ailleurs un lieu unique en France, une sorte d'écosystème
du design qui caractérise également la ville. Saint-Etienne
arrive à montrer que le design peut s'inscrire sur des espaces
inattendus, et que le design dans cette ville n'est pas seulement beau, mais
stratégique, participatif, innovant.
Les designers qui font partie intégrante de la
dynamique territoriale, ont leur place sur le territoire, avec des structures
qui les aide et les encourage à exercer sur le territoire. Des actions
de sensibilisation auprès des entreprises et du grand public sont
menées dans cette directive. Toutefois, il semble y avoir une
ambiguïté concernant l'identité du design à
Saint-Etienne, étant donné que l'une des problématique
essentielle est celle des habitants. Ces derniers semblent encore
considérer le design comme élitiste, abstrait, et ne pas
être conscient de ce que par exemple, la Biennale Internationale apporte
à la ville. Des efforts de communication et de sensibilisations doivent
être poursuivis auprès des habitants, mais également
auprès des acteurs du secteur privé dont l'utilisation du design
reste encore perçue comme accessoire. De même, la ville doit
porter son attention aux créateurs, un moteur essentiel pour la mutation
de la ville. Enfin, même si Saint-Etienne a été
précurseur, d'autres villes commencent à s'y intéresser ce
qui pourrait éventuellement la concurrencer.
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Pour terminer, nous avons confronté les données
théoriques et empiriques pour cerner les idées communes et celles
qui divergent.
Toutes les sources évoquent le fait que la
décision politique est cohérente avec son passé
industriel. De plus, la ville rayonne au niveau national et internationale,
notamment grâce à la Biennale Internationale du Design, en plus
d'être un levier de développement économique important.
Certaines entreprises du territoire font appel aux designers où le
design permet d'apporter de nouvelles solutions stratégiques pour que
ces structurent perdurent.
Lyon ne semble pas être un obstacle à cette
régénération urbaine, bien au contraire, elle est
partenaire de la Cité du Design et permet ainsi de toucher de nouveaux
publics. La théorie du design social semble minime à
Saint-Etienne malgré quelques actions de design participatif
auprès des citoyens et des efforts de communication pour le
démocratiser. Le caractère unique de la ville serait
également à nuancer, puisque d'autres villes le font aussi, comme
Berlin et Montréal, et à Paris, il y a le Lieu du Design, les
meilleures écoles de design, etc. L'image ancienne de ville « noire
» ne semble pas être une difficulté pour la ville, au
contraire, les visiteurs en repartent avec une bonne image. Notons enfin, que
le design est encore un peu « dirigé » à Saint-Etienne
puisqu'une Design Manager oblige la collectivité territoriale à
mettre du design dans la ville, ce qui permet en outre de faire travailler les
designers locaux. Pour finir, même si certains enjeux demeurent, la ville
semble être sur la voie d'un changement d'identité profond.
Mener ce mémoire de recherche m'a beaucoup
intéressée, j'ai apprécié le fait de mener ce
travail de recherche en autonomie complète. Il m'a permis d'approfondir
mes connaissances sur cette question et de mieux cerner les enjeux de cette
discipline qui présente un potentiel futur incroyable. En effet, je fais
partie de cette ville et j'ai d'ailleurs hâte de découvrir les
prochains projets comme la « rue de la République du design »,
un projet d'expérimentation pour que questionner les nouveaux modes
d'occuper et d'habiter les centre-ville, qui sera présenté
à l'occasion de la Biennale Internationale du Design de 2017 ayant pour
thématique « Les mutations du travail ». Par ailleurs, nous
pouvons nous interroger sur l'avenir de la ville : A quoi ressemblera
Saint-Etienne demain ? Qu'est-ce que le design va apporter comme transformation
majeure à la ville ?
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