INTRODUCTION GENERALE
De la tontine au microcrédit, la micro finance a fini
de faire son petit bonhomme de chemin. En effet, parue en Afrique à
partir des années 70 avec comme point de départ le Benin, la
micro finance a aidé beaucoup de personnes à sortir de la
pauvreté.
Dans son ouvrage intitulé: on ne prête (PAS)
qu'aux riches (2005), Maria Nowak précise avec courage que: « le
salut des pauvres ne viendra pas des riches sous quelque forme de
charité institutionnelle que ce soit. Il viendra de leur autopromotion
».
Cette affirmation de Maria Nowak nous permet de citer
Sébastien BOYE et al, (2009) qui définit la micro finance comme
étant l'ensemble des services financiers proposés à des
individus n'ayant pas, en général, accès aux institutions
financières classiques. Partant de là, la micro finance peut
être considérée comme un outil permettant d'offrir des
produits et services financiers destinés à des personnes à
faibles revenus pour le financement de leurs activités.
Toujours, selon BOYE, ce concept financier est une idée
révolutionnaire du fait qu'il permet de dépasser les clivages
idéologiques et politiques habituels. En effet, s'appuyant sur
l'initiative individuelle et la volonté des gens de gérer leur
argent, d'entreprendre une activité et d'assumer le remboursement de
leurs prêts, la micro finance prend le contrepied de l'Etat providence
à qui certains reprochent d'enfermer les plus démunis dans une
logique d'assistanat.
En 1993, la zone UEMOA (Union Economique et Monétaire
Ouest Africain) a adopté une réglementation spécifique
applicable aux Structures Financiers Décentralisés, dite la loi
PARMEC (Projet d'appui à la Réglementation sur les Mutuelles
d'Epargne et de Crédit), qui a été transposée au
Sénégal en 1994 et promulguée par le Président de
la République du Sénégal en janvier 1995.
Cette réglementation s'appliquait uniquement aux
institutions mutualistes ou coopératives d'épargne et de
crédit. Dès l'autorisation d'exercice par le Ministère des
Finances, ces structures obtenaient la personnalité morale qui leur
accordait des avantages notamment fiscaux.
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L'analyse de la gestion des Systèmes Financiers
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Les associations et les structures commerciales
(établies en société anonyme par exemple) n'entraient pas
dans le cadre de la loi PARMEC et ne pouvaient exercer leurs activités
de micro finance (octroi de crédits et collecte de dépôts)
qu'à la suite de la signature de la « convention cadre» avec
le ministre des Finances. Cependant, cette « convention cadre»
n'était valable que pour 5 ans (durée illimitée
après un premier renouvellement), ce qui était une source
d'insécurité pour ces structures, lesquelles ne pouvaient faire
de planification stratégique sur le long terme au-delà de la
période autorisée, et de fragilité pour attirer des
investisseurs indispensables au développement de ces structures.
Au milieu des années 2000, les pays de la zone UEMOA
ont constaté que la forte évolution du secteur de la micro
finance s'était accompagnée de nombreux dysfonctionnements
pouvant remettre en cause son développement et dont les principaux
facteurs, imputables ou non à la loi PARMEC, étaient les
suivantes (source : loi n°2008-47) :
- le non-respect des dispositions législatives,
réglementaires et statutaires;
- les faiblesses dans l'étude des dossiers
d'autorisation d'exercice;
- la défaillance du système d'information de
gestion reflétée par la faible fiabilité des états
financiers de certaines SFD et la non-disponibilité, dans les
délais requis, de l'information financière;
- la faiblesse des mécanismes internes et externes de
surveillance et des insuffisances dans le suivi des recommandations
formulées à l'issue des contrôles. Cette situation est
à la base de la multiplication des cas de fraudes et de malversations
financiers.
Face à ce constat, les pays de la zone UEMOA ont
décidé de remédier à ces manquements par l'adoption
d'une nouvelle réglementation, dont les principaux objectifs sont
détaillés ci-dessous:
- Poursuivre la diversification du paysage financier de la
zone UEMOA pour permettre l'accès du plus grand nombre d'agents
économiques à des services financiers fournis par des
institutions en mesure d'offrir des garanties de sécurité des
transactions à leur clientèle;
- Renforcer la stabilité du secteur par une meilleure
protection de la clientèle des SFD, la mise en conformité des
institutions avec les normes internationales en vigueur dans le domaine
financier, le resserrement des conditions d'entrée dans le secteur et le
renforcement de la surveillance par les instances de régulation et de
supervision;
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- Améliorer l'efficience des SFD en favorisant la
modernisation de leurs instruments de gestion.
Suite aux propositions de la Banque Centrale des Etats de
l'Afrique de l'Ouest (BCEAO), la République du Sénégal a
adopté la loi n°2008-47 du 3 septembre 2008 portant
réglementation des Systèmes Financiers
Décentralisés (SFD). Les décrets ont été
publiés en janvier 2009.
Les principales innovations de la loi n°2008-47
applicable aux SFD portent essentiellement sur:
- l'extension de la nouvelle réglementation à
l'ensemble des SFD quel que soit leur structure juridique, même si
certaines dérogations fiscales sont uniquement valables pour les SFD
sous forme mutualiste;
- l'instauration d'un régime unique d'autorisation
d'exercice (agrément);
- la participation de la BCEAO à l'instruction des
dossiers d'autorisation d'exercice, l'intervention de la Banque centrale et de
la Commission Bancaire dans la surveillance des institutions qui ont atteint un
certain niveau d'activité;
- le renforcement du dispositif prudentiel et des sanctions
applicables. Par exemple, la protection des déposants est
renforcée par l'adhésion obligatoire des SFD à un
système de garantie des dépôts ;
- la certification obligatoire des comptes pour les SFD d'une
certaine taille financière,
- l'adoption et la publication d'un nouveau
référentiel comptable à compter de l'exercice 2010.
Au Sénégal, le secteur de la micro finance est
en pleine croissance depuis ses débuts, vers la fin des années
80. En effet, le nombre d'institutions de micro finance n'a pas cessé
d'augmenter pour atteindre aujourd'hui 383 SFD dont dix (10) réseaux,
six (6) sociétés anonymes SA, une (1) association1. Ce
phénomène est loin de connaitre son épilogue car la micro
finance a contribué de façon considérable à
l'amélioration des conditions de vie des couches de la population les
plus vulnérables.
Toutefois, dans sa phase actuelle de consolidation, le secteur
de la micro finance connaît de nombreux défis dont le plus crucial
est celui de la sécurisation. En effet, les résultats de la
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1 Données consolidées des
Systèmes Financiers Décentralisés 2014
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supervision des Systèmes financiers
décentralises (SFD) révèlent des problèmes de
gouvernance issus de la faible capacité managériale des
dirigeants et/ou de pratiques nébuleuses. De plus, les
défaillances, voire l'inexistence du contrôle interne sont souvent
cumulées à des systèmes d'information et de gestion
inadaptés. (cf plan d'assainissement site DRS-SFD)
Dans ce contexte, la supervision et la régulation,
entendues comme l'ensemble des règles et mécanismes encadrant la
création et le fonctionnement des institutions, cristallisent de grandes
attentes. La supervision au sein de l'UEMOA et particulièrement au
Sénégal incombe aux Autorités Monétaires des Etats
membres à savoir les Ministères des finances sous tutelle de la
Direction de la Règlementation et de la Supervision des Systèmes
Financiers Décentralisés (DRS-SFD) appuyées par la
BCEAO.
La DRS-SFD a été portée dans les fonts
baptismaux par décret n°2008-642 du 16 juin 2008 modifié,
portant organisation du Ministère de l'Economie et des Finances. Elle
assure la tutelle des SFD et est chargée notamment d'assurer le
contrôle et le suivi des Sfd par une surveillance permanente du secteur.
Aussi, la Direction de la Réglementation et de la Supervision des
Systèmes financiers décentralisés (DRS-SFD), s'est-elle
résolument engagée dans l'assainissement du secteur, en mettant
un accent particulier sur le resserrement des conditions d'accès et le
maintien dans la profession à travers:
- le recensement et la classification des institutions ; -
l'adoption des mesures adéquates ;
- la stratégie de pérennisation.
En vue d'une maîtrise des risques liés au
développement des activités d'intermédiation
financière, la supervision constitue la clef de voûte pour la
stabilité du secteur et, au-delà des capacités propres de
chaque SFD, le garant de sa viabilité. Aussi, la DRS-SFD s'est -elle
attelée à disposer des ressources adaptées et d'un
système d'informations performant pour renforcer ses capacités de
supervision.
Cet exercice a débuté avec la définition
d'une stratégie de supervision intégrant le contrôle
à distance et la gestion de proximité, le Développement du
Système d'alerte précoce (SAP) et du E-Control pour
prévenir et mesurer, de façon automatisée, le degré
d'exposition des SFD aux risques, l'installation des antennes régionales
pour assurer un encadrement de proximité.
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L'analyse de la gestion des Systèmes Financiers
Décentralisés à travers le dispositif de contrôle
mis en place
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Aujourd'hui, près d'une décennie
d'activité après, nous sommes en mesure de nous interroger sur
l'impact du dispositif mis en place par la DRS-SFD pour le contrôle des
SFD.
D'où le choix de notre thème: «
L'analyse de la gestion des Systèmes Financiers
Décentralisés à travers le dispositif de contrôle
mis en place par la DRS-SFD » autrement dit: Qu'est-ce
que le dispositif de contrôle de la DRS-SFD permet de connaitre de la
gestion des SFD ?
Tout au long de notre étude nous tenterons de
répondre aux questions spécifiques suivantes:
V' Quelle influence le dispositif de contrôle a eu sur les
SFD ?
V' Quels enseignements peut-on tirer du mode de fonctionnement
des SFD ? V' Quelles recommandations en découlent pour les SFD ?
L'objectif général visé à travers
cette étude est d'analyser les résultats du contrôle des
Institutions de Micro Finance (IMF) en passant par une analyse du dispositif de
contrôle de la DRS-SFD afin de formuler, à leur endroit des
recommandations utiles pour leur pérennité.
De cet objectif général nous pouvons poser la
question de savoir: Que fait ressortir l'analyse de la gestion des SFD
à travers le dispositif de contrôle de la DRS-SFD?
Pour répondre à cette question nous envisagerons
deux hypothèses:
Hypothèse 1 : L'analyse de la gestion
des SFD fait ressortir la cartographie des risques auxquels les SFD sont
confrontés.
Hypothèse 2 : L'analyse de la gestion
des SFD fait ressortir les fréquences des anomalies auxquelles les SFD
sont confrontés dans leur gestion.
Ce sujet tire sa pertinence du fait qu'il va permettre une
étude approfondie de la gestion des institutions de micro finance se
basant sur des informations fiables issues de l'autorité de supervision.
Il sera dégagé les performances et les manquements relatifs
à leur fonctionnement afin de formuler des recommandations de fond pour
leur pérennité et l'atteinte de leur objectif, à savoir
offrir des services financiers adaptés aux populations,
généralement, exclues du système financier classique.
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