§3. LA DEMOCRATIE CONGOLAISE : UTOPIE OU
REALITE ?
3.1 Contexte historique de la démocratie en
République Démocratique du Congo
A la suite de plusieurs facteurs internes : pressions
populaires dues à la misère, contestation politiques internes et
externes (la chute du mur de Berlin, l'influence de la pérestroïka,
le discours de Mitterrand à la boule) un grand nombre des pays africains
en général et en particulier le Zaïre va entamer une phase
de transition démocratique.
Suite à une situation économique pire qui avait
des retombés sur la survie de la population zaïroise, une forte
pression était faite à l'endroit du président Mobutu pour
une transformation radicale du système politique Zaïrois.
24 POUTHAS G., la définition de
démocratie, dans Semaines Sociales, Reims le 20/10/2011
La situation sociale était devenue explosive, les
ambitions sociales du régime de 1965 avaient échoué. Le
Maréchal Mobutu qui prétendait mettre l'homme au centre de sa
révolution ; prisonnier de la mafia qui s'était formée
autour de lui, il dut s'avouer impuissant et reconnaitre son échec en
qualifiant son troisième mandat (1984 - 1991) de « septennat du
social ». 25
Le 14 janvier 1990 le Maréchal Mobutu annonça
pompeusement qu'il allait procéder à des consultations populaires
pour connaitre la « volonté du peuple » quant à
l'organisation générale du pays. 6128 formulaires furent
dénombrés en réponse à la requête
présidentielle avec les critères sévères et des
propositions impitoyables à l'égard du régime. Mobutu
répondit à ces réclamations le 2 avril 1990 ; il
annonça dans son discours qu'une série des mesures avaient
été prises, parmi lesquelles la suppression de la constitution,
le renvoi du gouvernement (Kengo) en place, la réhabilitation du
multipartisme mais à trois, le congé du président par
rapport au M.P.R la libération vestimentaire peu après, à
la suite de pressions, certaines mesures furent revues et renforcées :
le multipartisme n'étaient plus limité mais intégral. La
conférence nationale souveraine réclamée pendant le long
mois, fut enfin promise.26 Des centaines de partis politiques sans
véritable base politique populaire vont voir le jour et sont de jour en
jour enregistrés par les services du gouvernement de Mobutu, dans une
atmosphère d'anarchie et de corruption généralisée.
Des partis politiques sont crées de toutes
pièces, pour la plus part les faucons mêmes du régime dont
ceux issus de l'entourage direct de la mouvance présidentielle. Se
développèrent alors des raids de représailles contre ceux
qui se disent opposants et qui dénoncent la tournure que prennent les
événements sensés conduire vers la
démocratie.27
2 5 NDAYWEL è NZIEM IS., Histoire du
Zaïre de l'héritage ancien à l'âge contemporain,
Paris Duculot, 1997, p. 149.
26 NDAYWELM, Is, Op. Cit. p. 753.
27 LABA NZUZI B. l'équation congolaise,
visiter le passé afin de mieux s'armer pour l'avenir. L'Harmattan
2007 p.206.
C'est dans ce contexte chaotique qu'avait
éclaté le massacre de Lubumbashi (28) qui s'est
soldé sur le plan international par une rupture de la coopération
avec les pays occidentaux, dont la Belgique un partenaire
privilégié. Comme pendant la période de 1960 à
1965, le Zaïre va de nouveau inaugurer une longue et pénible
période d'une série d'éphémère gouvernements
composé par une multitude des premiers ministres, tous aussi
éphémères que passagers, paralysant ainsi le pouvoir et
écornant au passage la crédibilité même du pays.
C'est dans ce climat de cacophonie partisane, d'inertie et de
corruption qu'avait été convoquée une conférence
nationale qui se voulait « souveraine ». Un cadre était
sensé voir la réintroduction d'un dialogue entre le Zaïrois
pour une réconciliation nationale entre les fils et filles du pays, et
servir de toile de fond pour l'édification et la restructuration de la
nouvelle société congolaise démocratique. Dans la
continuité des assises de la CNS, poursuit LABA NZUZI, 29
un premier ministre est désigné pour conduire un
gouvernement d'union nationale. Le 19 janvier 1992 après multi
tergiversations, tentant de reprendre les choses en mains, Mobutu profitera de
l'occasion pour suspendre tous les travaux de la Cependant, ni la nomination
du populiste et démagogue TSHISEKEDI, révoqué du
reste quelques jours après, ni la nomination contestée
du Farfelu NGUZ A KARL I bond récusé par l'ensemble de
l'opposition politique Zaïroise, ne parviendront à
ramener la sérénité nécessaire pour la poursuite
des débats à la CNS. CNS sous ces termes :
« la récréation est terminée » mais sous la
pression populaire Kinoise, entachée du massacre de plusieurs
manifestants chrétiens du février 1992, les pressions des tuteurs
occidentaux combinées à l'isolement diplomatique du régime
de Kinshasa, Mobutu se verra contraint de ré convoquer la CNS le 6 avril
1992. La conférence nationale souveraine repris ses travaux là
où elle les avait arrêtés. Elle aboutit une fois de plus,
le 15 Août 1992 avec la nomination d'Etienne TSHISEKEDI comme premier
ministre devant conduire la transition politique pendant 24 mois.
28 BRAECKMAN C., le Dinosaure » : le
Zaïre de Mobutu, fuyard, 1992, Cité par LABA NZUZI B.,
Idem.
29 LABA NZUZI B., Op. Cit, p.212
Toute fois après plusieurs tractations politiques,
c'est le 6 décembre 1992 dans une ambiance extrêmement tendue que
s'achèvent officiellement les travaux de la Conférence Nationale
Souveraine. Un calendrier est fixé pour orienter la transition
politique. Il prévoit, notamment : un acte constitutionnel de
transition ; un gouvernement d'union nationale de transition
dirigé par le premier ministre élu à la conférence
nationale souveraine ; le maintien de Mobutu à la
présidence de la République mais avec des compétences
limitées ; un parlement de transition appelé « haut
conseil de la République » (HCR) de 500 députés,
appelés les « Honorables conseillers de la République »
désignés parmi les 2800 délégués à la
conférence nationale souveraine ; l'organisation des
élections générales est fixée au mois de juillet
1994, etc. 30
Malgré toutes les dispositions arrêtées
à la conférence nationale souveraine, Mobutu continuait à
manipuler la classe politique avec l'objectif de se maintenir au pouvoir ;
ainsi ces élections furent plusieurs fois contournées et
reportées. A l'Est du pays l'insécurité
régnait, la région du Kivu se trouvait totalement envahie par
les Rwandais réfugiés au Zaïre en 1994 suite aux
événements dramatiques du génocide. Maintenant,
une confusion régnait au sein du gouvernement de Kinshasa qui
décida illégalement de rapatrier au Rwanda, non
seulement, le Rwandais fuyant la guerre mais aussi les Tutsi
d'immigration ancienne appelés actuellement congolais Banyamulenge.
Ces derniers, étant tellement menacés par des
décisions des autorités de Kinshasa, se décident
de prendre les armes et s'organisent à un mouvement de
révolte contre Kinshasa. Les Banyamulenge ne veulent pas
être expulsés au Rwanda car ils se considèrent comme des
Zaïrois. Voilà, une occasion pour Laurent Désiré
KABILA de convaincre ces insurgés Banyamulenge de s'allier à lui
pour faire ensemble la guerre contre le régime de Kinshasa non seulement
pour les aider à retrouver leurs droits en tant que Zaïrois mais
aussi, pour libérer le peuple Zaïrois tout entier.
30 LABA NZUZI, B., Op. Cit. p. 212.
Les Banyamulenge militaient au sein de leur parti
Alliance Démocratique de Peuple (ADP) dirigé par
Déogracias BUGHERA. Il y a eu en suite, le ralliement au parti de la
révolution populaire des milices Maï - Maï, le mouvement
révolutionnaire pour la libération du Zaïre, le conseil
national de résistance pour la démocratie.
C'est dans cette évolution que les quatre
mouvements rebelles précités décidèrent le 18
octobre 1996 de se mettre ensemble pour coordonner leurs actions
politico-militaires contre le gouvernement fort de Kinshasa longtemps combattu
: c'est la naissance de l'AFDL au Congo Zaïre. Mobutu qui a juré
qu'on ne parlerait jamais de lui comme d'un « ex - président
», la nature l'à entendu. Il lui a fallu moins de 5 mois pour voir
son voeu exaucé. L'AFDL conduisait déjà les affaires
depuis le 17 mai 1997. Il faut toujours se rappeler que c'est Mobutu lui -
même qui a introduit le loup dans la bergerie. Lorsqu'il s'est choisi en
1971 comme directeur de cabinet un Tutsi Rwandais, BISENGIMANA RWEMA, les ex -
réfugiés Rwandais ont rapidement tissé un réseau
d'influence qui obtiendra la « nationalisation » de masse de tous les
Tutsis du Zaïre. Le noyautage des institutions et des structures
politiques Zaïroises a débuté dès cette
époque. Son couronnement est l'insurrection dite des «
Banyamulenge », qui voulaient par leur démarche arracher la main
qui les a nourris « 31). La crédibilité
des acteurs politiques « AFDLiens » s'est entachée dès
leur entrée dans l'arène politique Congolaise. L'arrivée
aux affaires d'une rébellion qui a navigué à vue sur les
mécontentements des Zaïrois, sous Mobutu, a confirmé chez
les observateurs objectifs leur incapacité notoire de parvenir à
redresser la barre d'un Etat Congolais déjà comateux. Les
mesures d'urgence adoptées pour redorer leur image de marque n'y
changeront pas grand chose. Par leur arrogance, leur cupidité, leur
tendance autocratique et leur rejet de l'adversité politique, ils
venaient déjà d'étaler sur la place publique leurs
véritables ambitions d'apprentis amateurs politiciens. Dans le contexte
politique congolais, un tel régime grossier ne pouvait être
qu'éphémère.32
31 LABA NZUZI B., Op. Cit. p 297.
32 Ibidem, p.225.
L'instabilité sociopolitique aurai duré plus de
dix ans ; cette brèche dans l'intégrité territoriale
congolaise servit de terreau aux rébellions de l'AFDL/CPP d'abord,
puis du RCD et du MLC et consorts. C'est cette lutte
armée qui s'est opposée au régime Afdlien, et qui a
débouché aux négociations qui ont amenées le pays
aux élections.
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