II.2 - Le placement vécu par l'enfant et ses
parents
La séparation des enfants de leur famille d'origine est
parfois source de nombreuses incompréhensions de la part des enfants
placés. Cette mesure est prise dans le but nécessaire de les
protéger de tout danger et leur permettre de recevoir l'affection et
l'éducation dont ils ont besoin. Les mauvais traitements qu'ils ont
subis perturbent leur développement psychologique.
II.2.a - L'enfant face au placement
La particularité de l'enfant placé est la
séparation (physique et psychique) précoce de sa famille
naturelle. Il s'identifie à 2 familles, la sienne, et la famille
d'accueil. Cela génère très souvent un conflit de
loyauté. Il ne veut pas être déloyal envers ses parents,
mais est aussi attaché à la famille qui l'accueille.
De plus, c'est souvent un grand écart du niveau de vie
entre les parents qui vivent dans la précarité, la violence,
l'addiction parfois, et la famille d'accueil qui vit dans un logement
confortable et travaille dans l'intérêt du bien-être de
l'enfant. Comme le spécifie Christian ALLARD, responsable d'un placement
familial du Val-de-Marne, dans son livre Pour réussir le placement
familial, l'enfant est confronté à des images parentales
porteuses de loi, et bénéficie de réponses
différentes de la part de la famille d'accueil. Il est «
tiraillé » entre ses deux figures d'attachement.
Lorsqu'il tente de mettre à mal le placement, il fait
en sorte de changer de famille d'accueil ou d'être admis en foyer
éducatif. Son objectif est le retour chez ses parents, même s'il
est conscient qu'ils ont été défaillants. Et il ne veut
plus connaître cette difficulté à se positionner entre
l'attachement qu'il a créé avec sa famille d'accueil et ce qu'il
pense devoir à sa famille d'origine. Il se protège face à
la complexité d'aimer ses parents et sa famille d'accueil en même
temps. « Les enfants placés idéalisent le lien. [...]
ont une mauvaise estime de soi. [...] la force du clivage, aimer l'un c'est
faire disparaître l'autre ou le rendre mauvais. Le but ultime est le
retour chez leur parents. [...] Ils sont dans un pèlerinage vers l'objet
originel. [...] Le désir de retourner vers des parents insatisfaisants.
»1
1 Maurice BERGER, L'enfant et la souffrance de la
séparation (divorce, adoption, placement). Paris : édition
Dunod, 1997, p.89-108
18
« L'enfant adore (idolâtre) ses parents. Plus
il est insatisfaisant, moins il est critiquable. Il est dans un déni
très fort »1 explique Maurice BERGER.
L'enfant placé est souvent dans le déni des
difficultés de ses parents. Pensant qu'il est responsable du placement,
il peut être caractérisé d'enfant « abandonnique
», c'est-à-dire « négligé, triste, distant,
affectueux, instable, volage, en échec scolaire, ayant des troubles du
comportement ou somatiques, caractériel, associal, timide, discret,
énurésique, encoprésique, désordonné,
brouillon, mal orienté dans l'espace et dans le temps, artificiel,
décousu dans ses discours, énigmatique, sceptique, méfiant
»2, tel que le définit Françoise
GASPARI-CARRIERE, psychothérapeute d'enfants à Montpellier, dans
son livre Les enfants de l'abandon, traumatismes et déchirures
narcissiques.
Cette culpabilité qu'il porte sur lui se
répercute sur sa vie sociale et scolaire. Dans la craint de l'abandon,
l'enfant peut emprunter des comportements agressifs envers ses pairs pour
tester le lien affectif. Et à l'école, trop
préoccupé par ses difficultés personnelles, l'enfant peut
développer des problèmes de concentration et de comportement.
En effet, selon Maurice BERGER, « les enfants ont
souvent des difficultés scolaires massives, une perte de
capacités intellectuelles [...] »3
Nous avons pu vérifier les capacités scolaires
d'Amélie en cours d'intégration au collège en classe de
5ème SEGPA. Mais ses troubles du comportement ne lui permettent pas de
suivre une scolarité ordinaire, c'est pourquoi elle est
scolarisée en ITEP. Complètement débordée par son
histoire de vie, malgré ses capacités, Amélie a des
difficultés à s'insérer socialement. Elle ne sait comment
se comporter avec les autres et notamment avec les garçons auprès
desquels elle joue de sa séduction.
Le placement est donc vécu difficilement pour la
majorité des enfants, du fait de la séparation avec leurs
parents. Mais, comment ces derniers se comportent dans cette situation ?
À présent, je vais étudier la position des
parents face au placement de leur enfant.
1 Maurice BERGER, L'échec de la protection de
l'enfance, op.cit., p.48
2 Françoise GASPARI-CARRIERE, « Les enfants de
l'abandon » Traumatismes et déchirures narcissiques. Paris :
éditions Privat, 1989
3 Maurice BERGER, L'échec de la protection de
l'enfance, op.cit., p.2
19
|