II.2.b - Les parents face au placement
Concernant les mères, il s'agit « souvent de
mères qui font à l'enfant des promesses jamais tenues, lui
donnant des rendez-vous sans cesse manqués et lui manifestent, entre
deux rejets, un intérêt parfois passionné ou l'enfermement
dans une relation fusionnelle empêchant manifestement une symbolisation
des déficiences. Il arrive également que ces femmes, dont le
passé est marqué fréquemment par la blessure de l'abandon,
traitent l'enfant comme s'il s'agissait de leur propre mère, attendant
de lui qu'il les protège, les soutienne ou les console, dans
l'incapacité où elles sont de le protéger, le soutenir, le
consoler. Cette attente l'investit d'une responsabilité inopportune et
non seulement l'empêche de verbaliser l'abandon dont il est victime, mais
lui fait craindre de délaisser cette mère infantile lors de la
séparation que l'incapacité de celle-ci à le prendre en
charge a rendue inévitable.»1
C'est le cas d'Adrien qui présente des troubles
psycho-affectifs. Souvent déçu par les absences de sa mère
en visite (visites médiatisées d'1 heure en lieu neutre
prévues tous les 15 jours), il a pu exprimé ceci :
« Avec maman, je ne sais pas ? Parfois, elle dit mais
elle ne fait pas ! »
Son assistant familial a remarqué qu'il était
souvent stressé les veilles de visites.
Par exemple, concernant la visite suivant la période de
Noël, la maman d'Adrien ne s'est pas présentée. Adrien s'est
enfermé dans un mutisme. J'ai pris contacte devant lui afin qu'il
constate qu'elle ne répondrait pas au téléphone. Il
semblait oscille entre la déception qu'elle ne soit pas là, et
l'inquiétude qu'il lui soit arrivé quelque chose.
Les troubles psycho-affectifs dont souffrent ces enfants sont
définis par le psychothérapeute comme étant «
généralement dû à une démission du couple
parental, à un contexte socio-culturel défavorisé,
à l'absence ou l'indifférence du père et à
l'insuffisance de la mère. [...] Les parents ont souvent eu une enfance
ou une adolescence perturbée : instabilité, immaturité.
[...] Les filiations sont parfois confuses, et les déménagements
multiples.[...] Les enfants sont retirés souvent pour cause de mauvais
traitements, d'abus, d'absence de soins. [...] Pendant le placement, les
familles continuent à intervenir mais souvent
irrégulièrement. »2
1 Françoise GASPARI-CARRIERE, op.cit., p.29
2 Françoise GASPARI-CARRIERE, ibid.
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Certains parents sont dans le déni de leurs
difficultés à s'occuper de leur enfant. Ils ne peuvent accepter
le placement et continuent de penser que les travailleurs sociaux sont
responsables de cet aboutissement. Il arrive qu'ils convainquent leur enfant de
cette idée.
Cela me rappelle le discours de la maman de Jules. C'est un
discours ambivalent. Elle peut parfois réaliser que le placement est
dû à sa difficulté de prendre en charge ses enfants, et
parfois remettre la faute sur les services sociaux. Jules, perdu dans le
discours de sa mère, croit maintenant que :
« si les familles d'accueil n'existaient pas, je ne
serais pas placé ».
Par exemple, lors de la signature du contrat de séjour,
elle a demandé à réduire les périodes d'accueil de
ses deux enfants chez elle car ils étaient difficiles à
gérer ensemble. Deux mois plus tard, elle s'est rendue compte qu'elle
voyait moins ses enfants. Elle s'est mise en colère contre le service,
précisant que cette situation était de notre fait.
Dans ce genre de cas, les parents et leur enfant créent
une alliance contre les personnes qui les aident ; familles d'accueil,
éducateurs, psychologues, psychiatres...
Un conflit de loyauté peut se mettre en place entre les
parents et la famille d'accueil. L'enfant se retrouve alors au milieu de tout
cela, sans repères.
C'est le cas de Damien et son frère. Lors de ses droits
de visite, le père de Damien et Yvan dénigre la famille qui les
accueille. Les garçons quant à eux, se plaignent du quotidien
chez Mr et Mme R, afin d'alimenter le conflit. En réalité, ils se
plaisent dans la famille d'accueil, et ne les critiquent pas lors de nos
entretiens, mais il leur est absolument impossible de dire à leur
père qu'ils y sont bien.
Je remarque que les parents ont une part importante dans le
conflit de loyauté que subit l'enfant. Sa difficulté à
faire un choix est souvent attisée par la jalousie dont souffrent la
plupart des parents séparés de leur enfant.
Suite à ce constat, je vais vous présenter la
fonction des assistants familiaux qui est essentielle dans la prise en charge
de l'enfant, qui y vit au quotidien.
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