III.1.b - Déroulement des temps de parole
(Cf annexes 3 et 4, p.63 à 66)
- Les temps de parole ont duré 1h30 chacun.
- 3 assistants familiaux sont venus au 1er temps, et 4
au 2ème.
- La personne qui ne s'était pas présentée
la première fois avait oublié le rendez-vous.
- Le taux d'absence sur les deux temps de parole est ainsi
négligeable.
Pour le 1er temps de parole, j'ai beaucoup
écouté les assistants familiaux. Volontairement, j'avais
préparé peu de questions. Ce 1er atelier a
été plus désordonné que le second, mais il m'a
permis de recueillir toutes les informations que me donnaient les assistants
familiaux, afin d'avoir de la matière par la suite.
Lors du 2ème temps de parole, j'ai repris
les grands thèmes évoqués la première fois, et j'ai
apporté mes connaissances. Mes questions étaient
préparées. Je les ai ciblées en lien avec ces
thèmes et le travail des éducateurs du PFS. J'ai fait en sorte de
créer du lien entre les questions abordées. Le
2ème temps de parole a ainsi été plus fluide et
axé sur ma problématique.
Ces temps permettent d'avoir une vision du travail de
l'assistant familial au quotidien. C'est un temps d'analyse de pratique lors
duquel les assistants familiaux bénéficient de moyens pour parler
de leurs expériences d'accueil. Ils peuvent comparer leurs façons
de procéder, et s'inspirer de ce que les autres ont pu mettre en
place.
Évidemment, chaque jeune évolue
différemment. Mais j'ai senti que ces échanges rassuraient les
familles en prenant conscience qu'ils n'étaient pas les seuls face
à certaines problématiques.
Mon premier constat a été que les assistants
familiaux étaient beaucoup dans l'anecdotique, et moins dans le
conceptuel. Il m'a été difficile de faire des liens avec mes
connaissances pour organiser leurs propos.
Je vais d'abord vous exposer les thèmes abordés,
en y apportant quelques pistes de réflexion. Puis, j'évoquerai
les difficultés exprimées par les assistants familiaux dans leur
quotidien et la manière dont les éducateurs peuvent les
soutenir.
33
III.1.c - Thèmes étudiés
L'hygiène corporelle
Ce sujet concernait tous les adolescents dont il était
question en groupe de parole. Pour la plupart, la douche n'est pas toujours
prise correctement et certains enfants ont des pertes urinaires ou
fécales qui se manifestent jusqu'à leur majorité sexuelle.
Cela peut être dû à une mauvaise acquisition de la
propreté étant petits, à des troubles psychologiques ou
physiologiques. C'est une problématique difficile à gérer
par les familles d'accueil. Il leur faut s'armer de patience et effectuer
beaucoup de tâches ménagères :
« on râle, on fait la morale, on
répète tout le temps la même chose ».
L'assistante familiale de Jules se demande si ce n'est pas
volontaire de sa part, et à l'impression de ne pas avancer avec lui
quand elle le voit ne pas se contrôler de cette façon. Mr R a
proposé une méthode qu'il a adopté avec l'un des jeunes
qu'il accueille pour qu'il n'utilise plus de protections. Les autres
professionnels ont écouté attentivement.
Je leur ai conseillé de retenir la méthode qui
semble efficace, pour l'appliquer avec leurs jeunes si besoin.
La sexualité et Internet
Chaque assistant familial travaille différemment le
sujet de la sexualité (à partir de lectures de bande
dessinées sur le sujet, échanges lors de repas).
J'ai proposé que ce sujet soit développé
plus régulièrement dans les familles, dans la mesure où il
ne doit pas être un sujet tabou. Fréquemment, pour cette tranche
d'âge, ce sujet est peu abordé.
J'ai alors expliqué que si le jeune ne comprend pas ce
qui se passe dans son corps, cela peut générer de
l'agressivité.
D'après Pierre GALLIMARD, psychiatre et
psychothérapeute d'enfants, dans son ouvrage, 11 à 15 ans,
Mutations, conflits et découvertes de l'adolescence, «
dès le début de la croissance des organes sexuelles du
garçon, se produisent des érections du pénis. Ce
phénomène n'était pas inconnu de l'enfant mais dans la
plupart des cas n'avait eu lieu jusqu'ici que très sporadiquement,
souvent à la suite d'inflammation locale ou sous l'effet de
34
masturbations ; maintenant il devient de plus en plus
fréquent et apparaît spontanément à des occasions
diverses, sous l'effet de contacts physiques extérieurs (monter à
la corde par exemple) ou plus souvent d'incitations psychologiques (lectures,
affiches, imagination...), sensation nouvelle d'excitation agréable dont
le sujet est souvent d'abord étonné, parfois inquiet, puis qu'il
aime voir se reproduire. »1
Comme nous le savons tous, certains sites Internet sont
axés sur l'acte sexuel, ce qui nous a amené à en
étudier les méfaits ; Mr R en témoigne :
« avec internet, on ne peut pas protéger, alors
qu'on est dans le protection de l'enfance ».
En effet, depuis qu'Internet est accessible sur tous les
écrans (ordinateur, téléphones, tablettes), les enfants
sont exposés aux images et vidéos pornographiques très
tôt. Ils en parlent sur les cours d'école par exemple. Le risque
est qu'ils s'accaparent ces images comme étant la
réalité.
Les assistants familiaux découvrent pour beaucoup les
nouvelles technologies et ne sont pas toujours au fait de leur fonctionnement.
Ils peuvent se sentir dépassés et excédés. Cela me
rappelle ce que racontait Mme T :
Mme T concernant Jules :
« Il y a 2 ans, il avait téléchargé
60 films pornos sur la tablette d'une jeune !! »
L'intolérance à la
frustration
Le « non » est insupportable à accepter pour
ces enfants carencés. La frustration peut donner lieu à des
crises de colère, des vols pour obtenir au plus vite ce qu'ils
désirent.
Mon rôle à ce sujet a été de
rappeler aux assistants familiaux la nécessité d'expliquer au
jeune qu'il ne peut pas avoir ce qu'il désire. Si il n'accepte pas la
décision, il faut lui permettre d'aller dans un espace sécurisant
pour lui, et le laisser seul. Cela permet de ne pas attiser sa colère,
et seulement après, il pourra revenir.
1 Pierre GALLIMARD, 11 à 15 ans, Mutations, conflits
et découvertes de l'adolescence. Paris : DUNOD, 1998, p.24
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Le besoin de combler un manque
La plupart de ces jeunes mangent beaucoup. C'est parfois
dû à leur traitement, mais ils ont aussi besoin de combler un
manque par la nourriture. Dans le DVD de la réalisatrice Nadine CHIFFOT,
qui expose le quotidien des familles d'accueil, je découvre Ahmed, qui
ne trouve pas réponses à ses questions et compense ce manque par
la nourriture :
« Ahmed, 15 ans se pose beaucoup de questions et mange
pour oublier . ·
« pourquoi je ne suis pas sorti de ton ventre ?
», demande-t-il à l'assistante familiale qui en répond
. ·
« je suis contente qu'il me pose les questions
à moi, plutôt qu'il aille les poser dehors et faire des
bêtises » »1.
La revendication à
l'adolescence
A l'adolescence, les enfants acquièrent une
maturité qui leur permet d'argumenter et de contre-argumenter. La
plupart d'entre eux sont dans le désir immédiat. Cette
période est celle de la revendication de l'enfant qui agit comme il
l'entend, selon ces termes :
« Je m'en fous », « je fais ce que je
veux », « c'est ma vie ». Le
mensonge
Le mensonge devient de plus en plus convaincant. Les
assistants familiaux sont troublés et ne perçoivent plus la
crédibilité du langage du jeune
À titre d'exemple, les jeunes accueillis peuvent
employer le mensonge afin de préserver leur famille d'accueil de leur
désir ultime de retourner chez leurs parents.
C'est ce que j'explique à Mr R, lorsqu'il me raconte cette
anecdote :
Damien et son frère ont rendu visite à leur
père, à la demande de celui-ci (qui n'a ses droits de visite que
sur le lieu du PFS). Il leur avait donné rendez-vous sur un lieu
extérieur et ses enfants n'en ont volontairement pas parlé
à Mr et Mme R sitôt après.
À mon sens, ils ont voulu protéger leur père
qui était hors-la-loi à cet instant. J'en déduis
également qu'ils n'ont pas voulu faire de peine à la famille
d'accueil.
1 Nadine CHIFFOT, Une autre famille pour grandir. CPPA,
Conseil Général du Val de Marne, 2008
36
L'ambivalence par rapport aux
parents
D'après Maurice BERGER, « l'enfant adore
(idolâtre) ses parents. Plus il est insatisfaisant, moins il est
critiquable. [...] Déni très fort »1
Il est souvent difficile pour les assistants familiaux de
comprendre cela. Par exemple, Mme S est surprise lorsque :
Amélie critique sa maman quand elle est absente aux
visites : « Maman elle est nulle »
Mais elle ne supporte pas que Mme S en parle, elle imagine
toujours qu'il s'agit alors d'une critique.
Le double-attachement
« La question du double-attachement entraîne
culpabilité, déni et clivage chez l'enfant. Le risque de
dépression, voire de mélancolie est grand pour lui, si l'on ne
conserve pas une écoute et une attitude bienveillante à
l'égard de ses parents, c'est-à-dire si l'on ne lui permet pas
d'y penser avec affection ou colère »2, analyse
Christian ALLARD.
J'ai constaté lors des temps de parole que la plupart
des enfants n'évoquaient pas le souvenir de leurs parents en
présence de leurs assistants familiaux. Ils ne veulent pas se sentir
déloyal, c'est pourquoi, je précise qu'il est important que ce
soient les familles d'accueil qui abordent le sujet, pour que l'enfant se sente
autorisé à en parler. Cela peut permettre de créer une
relation de confiance avec l'enfant, et donc un lien d'attachement.
En effet, il est avéré qu'« il faut
s'attacher à la famille d'accueil pour bien grandir. »3
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