II.4 - L'adolescence, une période qui fragilise
le placement
Au début de mon stage, je me suis interrogée sur
les fins de placement. Et je me suis questionnée quant à la
fréquence des fins de placement au moment de l'adolescence. Tout
d'abord, je vais définir ce qu'est l'adolescence. Puis, à travers
des exemples, j'évoquerai les répercussions sur la vie en famille
d'accueil.
II.4.a - Qu'est-ce que l'adolescence ?
Selon David LE BRETON, anthropologue sur la notion
d'adolescence, le mot « « Adolescence » est emprunté
au latin adolescens, participe présent de adolescere qui signifie
grandir. L'adolescent est donc celui qui étymologiquement « est en
train de grandir », contrairement à l'adulte, du participe
passé adultus, celui qui a cessé de grandir. »1
L'adolescence a une histoire. Jusqu'au milieu du XIXème
siècle, l'humain de notre société passait directement du
statut d'enfant à celui d'adulte par des rites de passages, ou
initiatiques. Depuis, l'enfant reste de plus en plus longtemps dans sa famille
alors que les aïeuls en sont exclus, c'est l'apparition de la famille
moderne.
La période de latence entre la puberté et le
départ du foyer est aujourd'hui appelée adolescence, et est
considérée par les spécialistes comme étant «
difficile », notamment pour Michèle EMMANUELLI, psychologue
clinicienne, qui publie dans le livre L'adolescence des
éditions Que sais-je : « On ne peut comprendre ce qui se joue
à l'adolescence sans l'éclairage de la psychanalyse. Celle-ci,
à la fin du XIXè siècle, a opéré une
révolution dans le regard porté sur l'enfant et l'adolescent, en
dévoilant l'existence de la sexualité infantile et du complexe
d'oedipe. »2
Dans la mythologie grecque, OEdipe tue son père pour
avoir une relation sexuelle avec sa propre mère. Le complexe d'oedipe
est pour Freud, le petit garçon qui tombe amoureux de sa mère et
désir tuer son père. Il définit l'adolescence comme
étant le moment où l'enfant se dirige vers d'autres objets
sexuels.
1 David LE BRETON et Daniel MARCELLI, Dictionnaire de
l'adolescence et de la jeunesse. Paris : Quadrige/PUF, 2010, p.15-16
2 Michèle EMMANUELLI, L'adolescence. Paris :
éditions Que sais-je, 2010
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Vers 12 ans, l'adolescent cherche alors à se
séparer psychiquement de ses parents, par exemple en appartenant
à un groupe et en réclamant plus de liberté d'action.
C'est souvent cela qui active le conflit avec ses parents. Parfois, selon
Sébastien LE LAY, formateur en psychologie, il peut passer par ce qu'on
appelle en psychologie une « phase transitoire dépressive »
lors de laquelle « la bande ne suffit pas, et même l'ami intime
ne peut pas comprendre. L'adolescent est en proie à la
mélancolie. La vie est un supplice, tout est injuste. La perte des
parents est trop forte. La bande et les copains ne suffisent pas, cela
crée un vide métaphysique. C'est là qu'il crée un
journal intime dans lequel il transmet son abandon. »1
Pour certains, cette période charnière est
source de crises dépressives, de violences vis-à-vis de ses pairs
ou de soi-même, qui sont dues à une souffrance massive de
l'acceptation de changement de son corps ou de réactivation de carences
infantiles.
« En 1951, John Bowlby reprend ces travaux dans un
rapport à l'OMS où il démontre les effets de la carence de
soin précoce sur le devenir de l'enfant puis de l'adolescent,
établissant ainsi un lien entre conditions affectives et
éducatives de la petite enfance et conduites délinquantes ou
violentes ultérieures. »2
C'est également l'apparition des signes de la
puberté. Les filles développent leur poitrine, les poils
apparaissent, et elles découvrent les menstruations et l'acné.
Les garçons découvrent l'érection, la masturbation, et
également les poils et l'acné.
En effet, selon la revue Neuropsychiatrie de l'enfance et
de l'adolescence n°3, « le corps constitue le lieu
privilégié d'expression des modifications qui engagent le jeune
sujet sur le chemin de la vie adulte. [...] Passage de la sexualité
infantile à la génitalité. [...] La reprise de la
flambée oedipienne contribue à rendre tout à la fois
inévitable et difficile la prise de distance avec les premiers objets
d'amour et de rivalité. [...] Travail identificatoire : le cheminement
adolescent implique l'élaboration du travail de séparation avec
les objets oedipiens et avec l'image de soi idéalisée.
»3
C'est un moment où le jeune cherche à s'accepter
comme une personne intéressante, méritant d'être
aimée. Il va s'identifier à ses pairs, et tenter de
s'intégrer socialement.
1 Sébastien LE LAY, Cours de psychologie sur
l'adolescence, ITES Brest, 2012
2 David LE BRETON et Daniel MARCELLI, op.cit.
3 Neuropsychiatrie de l'enfance et de l'adolescence
n°3, 2001, p.232
A l'école, les jeunes sont soumis à des
violences telles que harcèlement, racket, vol, moqueries. Chez les
garçons, les meneurs de la bande vont choisir un souffre-douleur sur
lequel ils déchargeront toute la violence qu'ils ont en eux. Les filles,
elles, vont être très critiques sur l'apparence. (Elles vont
regarder si l'autre est bien habillée, jolie, si elle a des boutons, pas
assez de poitrine, si elle est trop grande, trop petite...). A cette
période du collège, tout est prétexte à se moquer.
On se moque pour se sur-estimer, se prouver qu'on est « meilleur que
l'autre ».
L'adolescent qui ne se sent pas intégré peut se
replier sur lui-même, développer des problèmes
d'hygiène, d'alimentation, et perdre confiance et estime de lui. Les
passages à l'acte se traduisent par des scarifications, des troubles
alimentaires, des fugues, des alcoolisations à risque ou encore des
tentatives de suicide.
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