Chapitre 2 Flore vasculaire des milieux humides
2.1 Introduction
Depuis le XVIIIe siècle, divers prospecteurs ont
sillonné la région du delta du fleuve Sénégal et du
lac de Guiers et ont rapporté des notes botaniques. Michel Adanson, sans
doute le premier naturaliste à avoir véritablement
commencé l'étude de la flore du Sénégal, herborisa
dans la zone de St Louis dans les années 1749 et 1750 et mentionna dans
le Bas Sénégal des hydrophytes tels que Jussiaea,
Sesbania, Stratiote d'Egypte (=Pistia stratiotes),
Pontederia, Utriculaires (Utricularia), Lemna,
Nénuphars (Nymphaea), Nymphoides,
Potamogeton, souchets (Cyperaceae) (Adanson, 1757). Leprieur
récolta des plantes à Saint Louis en 1824 et à Dagana en
1825 et Heudelot, entre 1830 et 1837, collecta des plantes sur la rive gauche
du fleuve Sénégal, de Saint Louis à Galam (Lebrun, 1973).
Heudelot et Lelièvre (1828), Guillemin et al. (1830-1833),
Perrottet (1833) herborisèrent dans les environs du lac de
«NGher» et signalèrent dans celui-ci Typha
latifolia2, Arundo donax3, Cyperus
articulatus, Nymphaea, Utriculaires (Utricularia), riz
naturel (Oryza). En 1838, Brunner herborisa également à
Saint Louis et à Gandiole (Lebrun, 1973). Lemmet et Scordel (1918) ont
observé dans le lac de Guiers, le grand «roseau des marais »
et Henry (1918) ajouta à la liste Andropogon squarrosus (=
Vetiveria nigritana) et Cyperus bulbosus. Ces
premières informations sur les macrophytes des milieux humides de la
zone sont dans beaucoup de cas fragmentaires et vagues.
C'est à partir du début des années 30 que
de nombreuses espèces végétales seront
récoltées et que des informations détaillées sur la
flore aquatique de la zone seront fournies (Trochain, 1940). Un catalogue des
adventices des rizières de Richard Toll avec des indications sur la
répartition géographique des principales espèces fut
publié (Adam, 1960). Adam (1964) analysa la flore et la
végétation sur la rive Est du lac de Guiers en utilisant des
transects. Thiam (1984) étudia la végétation du lac et de
sa plaine d'inondation et donna des informations sur les macrophytes
aquatiques.
La baisse de la salinité des eaux du lac de Guiers,
depuis les années 50, ainsi que les niveaux d'eau élevées
toute l'année aussi bien dans le lac que dans le fleuve, surtout depuis
la mise en service
des grands barrages sur le Sénégal, ont
occasionné d'importants changements hydrologiques et de qualité
des eaux (Cogels et Gac, 1982 ; Cogels et al., 1993 ). Pour la flore,
les modifications se sont manifestées notamment par l'apparition de
certaines espèces qui n'avaient pas été
signalées
2 Certainement Typha domingensis Pers. (=
Typha australis Schum. & Thonn.) (Trochain, 1940)
3 Probablement Phragmites australis
(Cav.)Trin.Ex.Steud.
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auparavant et le développement important d'autres
macrophytes aquatiques (Cogels et al., 1993 ; Thiam et al.,
1993 ; Thiam et Ouattara, 1997; Thiam, 1998 ; Kuiseu et
al.,2001). L'abondance de Typha domingensis dans le delta et le
lac de Guiers a retenu l'attention de plusieurs auteurs dès le
début des années 50 (Trochain, 1956; Gromaire, 1957; Adam, 1964;
Thiam, 1983).
Après la mise en place des grands barrages, des
études sur la flore et la végétation des milieux
aquatiques et humides du delta et le lac de Guiers ont été
publiées (Kuiseu, 1997; Thiam ,1998 ; Kuiseu et al., 2001). Des
informations sur la flore du parc national des oiseaux du Djoudj ont
été fournies (Faye, 2007; Noba et al., 2010). Une liste
des adventices des rizières irriguées du delta après les
grands barrages et les aménagements a été
présentée (Diagne, 1991).
Ces divers travaux fournissent des informations
intéressantes sur la flore des milieux humides de la zone du delta et le
lac de Guiers mais ne permettent pas de comparer la situation floristique de la
période avant et après les grands barrages. De plus, il n'y a pas
eu jusqu'ici d'analyses floristiques détaillées des biotopes
humides du delta notamment du point de vue de la richesse, de la structure, de
la forme biologique et de la répartition géographique des taxons.
Une connaissance approfondie de la taxonomie des macrophytes aquatiques de la
région est essentielle pour leur étude et leur gestion.
La présente étude tente de combler certaines de
ces lacunes. Elle traite de la composition, de la structure et de la
diversité de la flore vasculaire des milieux humides du delta et du lac
après les grands aménagements réalisés sur le
fleuve Sénégal. Elle se propose notamment de :
- présenter un état des lieux en recensant les
macrophytes dans trois entités humides du delta: la rive gauche du
fleuve, le lac de Guiers et les zones basses inondables;
- analyser la structure, la diversité de la flore
vasculaire des milieux humides ainsi que les spectres biologique et
chorologique ;
- et, établir une typologie et donner des
renseignements sur les macrophytes communément rencontrés;
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