Léon Harmel et l'usine chrétienne,ancêtre des comités d'entreprises( Télécharger le fichier original )par YVES LAURENT KOUAME Université de Poitiers - MASTER II HISTOIRE DU DROIT 2016 |
2. Un modèle participatif, réaliste et productif déjà appliqué au ValLes comités d'entreprise ont pour leur naissance empruntée tant de choses aux expériences antérieures. La loi du 16 mai va instituer des comités d'entreprises va emprunter les piliers du succès des institutions du Val. Elle va les emprunter en les modernisant, en les adaptant au contexte actuel qui est bien différent de celui du XIXe siècle. Ces piliers sont une institution fondée sur des principes réaliste, participatif et productif. L'objectif des travailleurs d'être associé à la gestion de l'entreprise s'est assouvi dans les comités de gestion à la Libération. Certes ce fut une expérience novatrice mais elle était destinée à être sans lendemain. Née d'une conjoncture sans précédent, dans l'enthousiasme d'une libération plus ou moins insurrectionnelle, elle ne pouvait survivre longtemps au retour de l'ordre. Cette utopie fut rejetée même par un gouvernement de gauche montrant que l'objectif du comité d'entreprise n'est pas aujourd'hui comme hier la participation des travailleurs à la gestion économique de l'entreprise mais plutôt un cadre de coopération des employeurs et des travailleurs à l'amélioration des conditions de travail et de production. C'est pour cela que les comités d'entreprise sont des institutions qui promeuvent la participation. Selon Dubost, le modèle participatif considère l'entreprise comme un lieu de création de valeur et la condition pour créer cette valeur est dans la contribution active des travailleurs. Ce modèle a été mis en pratique au Val et avait donné des résultats appréciables malheureusement il va s'éteindre avec les comités sociaux de Vichy qui voulaient instituer un paternalisme qui horrifiait déjà l'industriel du Val. Heureusement reprenant l'exemple du Val, les comités d'entreprise vont mettre en avant la participation des travailleurs à la bonne marche de l'entreprise sur les plans techniques et professionnels. Cette participation qui doit entrainer un accroissement de la productivité. Dans le chaos économique de la Libération se met en place les comités d'entreprise. L'institution des comités d'entreprise doit avoir un rôle particulier à jouer, comme l'a d'ailleurs entendu les initiateurs de la réforme. Ils doivent être l'instrument des travailleurs pour développer la productivité et le rendement, reconstruire les bâtiments détruits. Ils symbolisent l'union de tous les acteurs de gauche comme de droite. D'Alexandre Parodi à Maurice Thorez, on défend le volet productiviste du comité d'entreprise. Ce dernier disait même aux ouvriers que « produire, c'est aujourd'hui la forme la plus élevée du devoir de classe, du devoir des Français. Hier notre arme était le sabotage, l'action armée contre l'ennemi ; aujourd'hui, l'arme, c'est la production »211(*). La prime de rendement étant fonction de la production totale et répartie entre les ouvriers assidus au travail, ceux qui ont des absences se voient rappeler à l'ordre très vigoureusement par leurs camarades d'atelier. Cette méthode d'autocontrôle est plus efficace que le contrôle patronal. Comme au Val, la bataille de la production concerne dans les comités d'entreprise les questions d'amélioration des conditions de travail. Les enquêtes menées permettent de voir que les suggestions portant sur l'amélioration des conditions de travail sont nombreuses et augmentent en fonction de la taille de l'entreprise. Plus significatif encore est le taux de suggestions sur les primes de rendement qui atteint 50 % dans la tranche des entreprises de 200 à 500 salariés pour grimper à 65 % dans celle de plus de mille. Ce taux élevé signifie que les comités d'entreprise ont dès le début souhaité être associés aux directions d'entreprise pour élaborer le calcul des primes de rendement212(*). Cette possibilité donnée aux travailleurs de discuter sur les questions de salaires qui étaient méconnues sous l'empire des comités sociaux d'entreprise et de l'ordonnance de 1945 existaient déjà au Val. À la vue des similitudes entre les institutions du Val et les Comités d'entreprise, ne sommes-nous pas fondés à croire que l'usine chrétienne est bien l'ancêtre des comités d'entreprise ? * 211 Cité par LE CROM (J.-P.), op. cit., p. 58. * 212 LE CROM (J.-P.), L'introuvable démocratie salariale, op. cit., p. 61. |
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