CHAPITRE II.
L'USINE CHRÉTIENNE,
MODÈLE PRINCIPAL D'INSPIRATION POUR LES COMITÉS SOCIAUX
D'ENTREPRISE PUIS POUR LES COMITÉS D'ENTREPRISE
L'expérience des institutions de l'usine
chrétienne (le conseil d'usine) sera plébiscitée au
XXe siècle en ce sens que ce modèle est repris
dans les comités sociaux (Section I) puis dans les
comités d'entreprises (Section II) marquant ainsi la
fécondité sociale de Léon Harmel
SECTION I. LES COMITES SOCIAUX D'ENTREPRISE :
UNE REPRISE DU MODÈLE DE L'USINE CHRÉTIENNE
Les comités sociaux d'entreprise mis en place par la
charte du travail du 4 octobre 1941 laissent apparaitre des similitudes avec
l'usine chrétienne. On y voit une reprise des modèles
corporatif (§ 1) et paternaliste (§ 2) de l'usine
du Val.
§ 1. La
reprise partielle du modèle corporatif de l'usine chrétienne
Cette reprise du modèle corporatif de l'usine peut se
comprendre après l'analyse de la pensée de l'homme qui est
à l'origine de cette charte : le maréchal Pétain. Un
homme dont la pensée réactionnaire voit dans l'idée
corporative, « une troisième » voie entre le
socialisme et le libéralisme (A). Cette pensée est
consacrée dans la charte de 1941 (B).
A. Le fondement de
cette reprise : la pensée réactionnaire de Pétain
Tout comme Léon Harmel, le maréchal
Pétain est un réactionnaire. Son idéologie est
imprégné du refus des idéaux de 1789, et se repose sur la
pensée réactionnaire du
XIXe siècle176(*). C'est pourquoi on n'est pas surpris de le
voir, tout comme l'industriel du Val, vilipender les excès du
capitalisme et s'en prendre au socialisme.
Au libéralisme, reprenant les discours des
réactionnaires, il reproche l'esprit d'individualisme ainsi que la
condition prolétarienne qu'il avait crée à l'issue de la
révolution.
Il dénonce ainsi dans son discours de Commentry, le
principe de l'individu isolé face à
l'État177(*). Cet isolement qui le fragilise et le rend
à la merci des patrons véreux. Les ouvriers dans cette situation
ne peuvent s'empêcher de penser à l'incertitude du lendemain car
n'étant plus « protégés contre les
aléas du chômage », ces travailleurs ne peuvent
espérer « trouver dans leur métier une
sécurité »178(*) basculant ainsi
dans la condition prolétarienne. On retrouve les mêmes propos que
ceux prononcés au XIXe siècle.
Cette condition prolétarienne tant
dénoncé au XIXe siècle mais qui se
poursuit au XXe siècle. Elle oblige l'ouvrier tout comme
au siècle précédent à « vendre son
travail comme une marchandise », Pétain la dénonce.
C'est pourquoi il appelle sans cesse dans ces discours les patrons à
faire fi de leur égoïsme pour faire cesser cette injustice sociale.
Car poursuivra t il tant qu'elle persistera, il n'y aura pas de paix
sociale179(*). Et c'est tout le monde de l'entreprise de
l'employé en passant par le patron ou l'ouvrier, qui en souffrira.
C'est la raison pour laquelle il voit dans la
communauté de travail unissant patrons et ouvriers sur le modèle
corporatif, la seule solution pour rompre l'isolement de l'ouvrier et lui faire
retrouver les conditions d'une vie digne et libre, en même temps les
raisons de vivre et d'espérer180(*).
Au socialisme il reproche, comme les catholiques sociaux, son
idéologie basée sur la lutte des classes. Cette idéologie
qui crée le désordre social. Il ne manque aucune occasion pour
envoyer des piques aux socialistes. À Commentry, le
1er mai, il promet aux ouvriers de faire de ce jour, un symbole
d'union et d'amitié et non plus « un symbole de division et de
haine » qui fait dresser les coalitions ouvrières et
patronales les unes contre les autres. Il le dit en référence aux
mouvements sociaux émanant des syndicats lors des
précédentes manifestations du 1er Mai. C'est la
raison pour laquelle il invite les travailleurs à rester sourds aux
appels des socialistes qu'il qualifie de
« démagogues ». Leur seul objectif étant
selon lui de bercer les ouvriers d'illusions pour les amener à la
misère et la détresse. Il n'hésite pas à tourner en
dérision la devise du Front populaire intitulée « Le
pain, la paix, la liberté » en « la misère,
la guerre, et la défaite »
La solution selon Pétain aux maux sociaux réside
dans la collaboration des classes, cette collaboration qu'il appelle de tous
ses voeux pour lutter contre la condition prolétarienne et la lutte des
classes qu'elle a engendrées. Le maréchal prend exemple sur les
expériences passées. C'est cette vision qu'on retrouve dans la
charte du travail dont il est l'instigateur principal.
* 176
ROUSSO (H.), Vichy, l'événement, la mémoire,
l'histoire, Paris, Gallimard, 2001, p. 77.
* 177
PÉTAIN (Ph.), Messages d'outre-tombe du maréchal
Pétain, Paris, Nouvelles Éditions Latines, 1983, p. 34.
* 178
Ibid.
* 179
Ibid. p. 34.
* 180
Ibid.
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