Léon Harmel et l'usine chrétienne,ancêtre des comités d'entreprises( Télécharger le fichier original )par YVES LAURENT KOUAME Université de Poitiers - MASTER II HISTOIRE DU DROIT 2016 |
B. Une participation fructueuse sur les questions de technique de travailÀ une époque, à partir des années 1880, où la concurrence est féroce, le Val ne subsiste victorieusement que grâce à l'habileté de la gestion et à la perfection de la technique. Il va sans dire que la coopération technique constitue pour le val, un facteur important de réussite173(*). Cette coopération se manifeste dans les avis et suggestions que les ouvriers font à la direction pour améliorer, transformer sans peu de frais les outils de production. Cette coopération est d'autant plus nécessaire qu'elle contribue à accroitre la productivité et la compétitivité du Val. La coopération se développe entre ouvrier et patron de la façon la plus original et la plus fructueuse possible. Les inventions nouvelles ne sont plus le fait des seuls directeurs associés mais elles résultent d'une collaboration entre la direction, les chefs de service et les ouvriers. Il règne au Val, une atmosphère de « brainstorming » généralisé qui n'existe pas dans les autres usines et qui accroit la productivité du Val. Le mérite revient à Harmel qui a laissé se développer l'initiative ouvrière. Il n'a pas tort car l'esprit observateur d'un ouvrier est capable de noter sur le métier de nombreux détails qui échappent à la direction et suggérer des améliorations à peu de frais et sans modification importante. C'est ainsi que grâce au conseil d'usine, il y eut l'introduction d'un chauffe-café pour le déjeuner de 8 heures174(*). Cet appareil eut pour effet de faire croitre la productivité des travailleurs. Les conseillers vont avoir des rôles décisionnels avec la possibilité qui leur sera donné de participer au jugement des concours d'apprentissage, concours auxquels se soumettent même les fils des patrons. Ces concours ont pour rôle de reproduire l'esprit des corporations médiévales en permettant aux meilleurs apprentis ayant réalisé un chef d'oeuvre d'être récompensé et par ailleurs participer à l'amélioration de la qualité des produits. Pour une entreprise comme le Val qui se destine à l'export, la qualité des produits ainsi que l'efficacité sont non négligeables. La coopération technique se manifeste par ailleurs au niveau des salaires plus précisément des primes de rendement qui sont débattus au sein du conseil à l'ordre du jour fixé. Les problèmes qu'ils soulèvent sont purement formels car la prime dépend du rendement et le rendement de la qualité de laine ce qui amenait les membres du conseil d'usine à évoquer plutôt la qualité de celle-ci. Plus tard les salaires sont établis en accord avec le conseil d'usine. Ils sont fixés après un temps d'essai à l'arrivée d'une nouvelle machine. C'est ainsi que le conseil d'usine obtint une élévation des tarifs dans des lots de cardés difficiles à travailler. Ces négociations sur le salaire ne semblent pas gêner les patrons qui les trouvent justifiés. Harmel dit même que « les demandes des ouvriers sont si raisonnables et si justifiées que le patron est heureux d'y condescendre »175(*). Le patron du Val n'avait pas tort car les ouvriers se sentaient tellement heureux au Val qu'ils considéraient d'ailleurs comme « leur patrimoine » qu'il ne leur venait pas à l'esprit d'évoquer des salaires farfelus. C'est cette atmosphère familiale et bon enfant au val qui ne manqua pas d'inspirer des années plus tard les législateurs au moment de la création des comités d'entreprise. * 173 TRIMOUILLE (P.), op. cit., p. 82. * 174 Harmel frères filateurs, 1900, p. 26. * 175 Brochure du Val de 1900, p. 26-27. |
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