Léon Harmel et l'usine chrétienne,ancêtre des comités d'entreprises( Télécharger le fichier original )par YVES LAURENT KOUAME Université de Poitiers - MASTER II HISTOIRE DU DROIT 2016 |
B. Le conseil d'usine : un cadre de dialogue socialL'article 9 du règlement intérieur de l'usine du Val-des-Bois annonce la couleur quant à l'objectif du conseil d'usine. Cet article stipule que le conseil a pour « but de maintenir de maintenir entre patron et ouvriers, une entente affectueuse basée sur une confiance réciproque ». Cet article montre la vision d'Harmel, une vision qui n'a pas changé malgré les turpitudes sociales de cette fin de siècle, il a toujours cru à la collaboration des classes et son combat est de tout instant le même. Il veut lutter contre l'idéologie de la lutte des classes. C'est pourquoi il s'évertue à instaurer un corporatisme humain et intelligent par le biais du conseil d'usine. Il se détache ainsi de la position de ses amis catholiques sociaux qui veulent comme lui la collaboration des classes mais au moyen de l'éducation du peuple par l'élite bourgeoise. Dans cette vaine le conseil d'usine devient l'instrument par excellence de l'entente entre le capital et le travail. Harmel l'utilise pour prévenir les conflits en y instaurant une atmosphère familiale. Les réunions en son sein sont si bon enfant qu'Harmel parle de « conseil de famille »165(*). Il est un instrument de conciliation de paix sociale, chose importante en ces temps troublés. C'est la raison pour laquelle le conseil ne manquera d'être primé pour cette union entre les ouvriers et le patron. Il reçut à la date de 1900, 105 prix attribués. Ces prix au Val et à ses employés ont pour but de les encourager dans la permanence de leurs engagements, l'absence de grèves et les rendements satisfaisants. Parmi ces prix, une médaille de vermeille remise par le président Carnot en personne, 30 médailles d'honneur dont l'une est remise par Félix Faure166(*). Le mérite de ce parfait dialogue social n'est pas seulement reconnu par les autorités Étatiques. Du côté des syndicats ouvriers, l'on ne manque pas d'envier l'atmosphère au Val-des-Bois. En témoigne l'appréciation d'Ildefonse Cotton, secrétaire du syndicat indépendant des mineurs du Nord et du Pas-de-Calais qui s'exprime ainsi à une réunion du Val en 1910 : « Les mineurs envient les ouvriers du Val-des-Bois. Vous qui ne connaissez pas l'antagonisme des classes, la division des patrons et des ouvriers, ce fléau du monde industriel, vous ne vous figurez pas l'abime profond qui existe entre les uns et les autres. » Cette remarque venant d'une syndicaliste ouvrier surprendrait une personne qui ne connait pas le « bon père » mais ceux qui le connaissent savent qu'il a toujours lutté contre la condition prolétarienne et le fléau de la division en classe bourgeoise et classe prolétaire qui en découlait. Il ne cache d'ailleurs pas sa joie devant l'ambiance qui règne au conseil. Il y régnait selon ses propos une atmosphère de confiance affectueuse qui mettait tout le monde à l'aise. On peut y exposer ses simplement, familièrement les petits griefs quand il y en a. On arrête ainsi les ferments de mécontentement qui pourraient s'envenimer et s'aggraver si on n'y prend garde167(*). Dans ce contexte, il n'est guère étonnant de voir les ouvriers se montrer assez zélés pour la prospérité de l'usine qu'il considère comme leur patrimoine car ils se sentent en famille au Val. Et pour cette raison ils ne rechignent pas à participer à tous les niveaux à la direction de l'usine. * 165 Ibid. * 166 Ibid., p. 88. * 167 HARMEL (L.), Le val des Bois, p. 8. |
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