La
revue de littérature empirique
Parmi les études qui abordent la politique agricole,
nous distinguons celles qui ont mesuré les effets des politiques
macroéconomiques et ceux des politiques sectorielles.
Au nombre des effets des
politiques macroéconomiques en Afrique, on trouve les effets de la
politique de libéralisation et de privatisation du programme
d'ajustement Structurel (PAS), les effets de la dévaluation, et les
effets de la subvention des agriculteurs européens en Afrique. Parlant
des effets de la politique de libéralisation de PAS, Bouet et al, (2009)
estime que si une libéralisation agricole pourrait favoriser certains
pays en développement, elle aurait certainement un effet négatif
sur d'autres pays en développement, importateurs nets de produits
agricoles et alimentaires. Ces pays sont très
hétérogènes. Par ailleurs, les bénéfices de
la libéralisation commerciale multilatérale pourraient être
nuls, voire négatifs, pour les pays ayant actuellement des accès
préférentiels vers des pays riches, comme les Pays les Moins
Avancés (PMA) vers l'Union européenne.
Dans l'ensemble, ces politiques n'ont pas eu les effets
escomptés du fait des asymétries d'information, d'un niveau peu
concurrentiel, du rôle des incertitudes liées aux risques
naturels, à la faiblesse des marchés des facteurs de production
et à un environnement institutionnel déficient (Hugon, 2008). Pour Bouet et al. (2009) ce sont les institutions
inadaptées ou de mauvaises qualités, des infrastructures de
transports ou de télécommunication médiocres, des
politiques macroéconomiques défaillantes qui sont les facteurs
majeurs du sous-développement. Le modèle des pays
développés (ou de la Banque Mondiale et du FMI) transposé
à l'Afrique n'a pas intégré les facteurs des
réussites agricoles comme en Asie (prix garantis et stabilisés,
proximité du crédit, rôle de l'Etat dans les
infrastructures, voire subventions et protections).N'Diougou (2005) a montré qu'avec la
libéralisation et la mondialisation, l'agriculture ouest-africaine entre
directement dans une compétition impitoyable et déloyale avec des
agricultures hautement productivistes jouissant de larges mesures de soutien et
de subvention. La politique nationale des pays membres de la CEDEAO est
influencée par la politique régionale de la communauté.
Selon lui, la politique agricole des pays membres de la communauté a
été influencée depuis les indépendances par :la convention de Yaoundé 1 (1963) et
Yaoundé 2 (1969), la convention de
Lomé 1 (1974) et Lomé 2 (1979), les
politiques de stabilisation des recettes extérieures.
La plupart de ces politiques n'ont
pas été efficaces. Selon Assogba
(1995), l'inefficacité de ces politiques de développement prouve
que toutes les stratégies extérieures élaborées
à travers les expériences occidentales ne peuvent être que
défavorables. Le regard est tourné vers le plan d'action de Lagos de 1980 et le nouvel ordre
économique intérieur de la CEDEAO de 1998. Mais pour Sabourin (1987), tous les projets de
négociations globales pour un Nouvel Ordre Economique International ont
échoué et les pays en voie de développement recherchent de
nouveaux mécanismes de restructuration de l'économie
internationale pour un développement plus large et des échanges
commerciaux mieux réglementés : l'accord de partenariat économique ACP-UE de
Cotonou (2007).
La politique agricole de l'UEMOA
(PAU) élaborée en 2001 s'est fixé pour objectif global de
contribuer, de manière durable, à la satisfaction des besoins
alimentaires de la population, au développement économique et
social des s membres et à la réduction de la pauvreté.
Malheureusement, la PAU a été un «bébé
mort-né'' à cause de la démarche et du faible niveau de
protection dont jouit l'agriculture ouest-africaine. En effet, les droits de
douane aux frontières connus sous l'appellation du Tarif
Extérieur Commun (TEC) sont tellement faibles que l'Afrique de l'Ouest
est devenue trop rapidement une zone franche pour de nombreux produits
alimentaires d'importation. Cela a sans aucun doute contribué à
aggraver la situation de pauvreté des ménages ruraux (N'Diogou,
2005).Au Bénin, Houndékon (1996),
Bailey (2002), Adégbola (2005) et Abiassi (2006) ont montré
qu'avec la libéralisation, le volume des importations a augmenté
affectant la compétitivité intérieure du riz local.
En Afrique, nous notons que les
politiques sectorielles des pays sont influencées par les accords de
partenariat : les politiques agricoles régionales et la politique
agricole de l'Organisation de Coopération et de Développement
Economique (OCDE). Plusieurs politiques sectorielles ont été
mises en oeuvre tant au niveau régional qu'au niveau des pays. Au
nombre de ces politiques, on peut citer les politiques d'irrigation, les
politiques de formation et de recyclage des producteurs, les mesures
d'accompagnement de la production (subvention d'intrants, construction de
pistes rurales, aménagement des bas-fonds).
S'agissant des subventions, Martin et al. (1989) trouvent que
dès lors que l'on protège ou que l'on subventionne l'agriculture,
deux possibilités se présentent: soit le prix intérieur de
ce secteur augmentera par rapport au prix intérieur de l'industrie et
des services, soit ses coûts de production diminueront par rapport aux
autres secteurs. En conséquence, la production agricole deviendra plus
rentable et la valeur du produit marginal du capital et du travail augmentera
dans le secteur agricole par rapport aux autres secteurs. Dans ces conditions,
une partie du capital et du travail précédemment mis en oeuvre
dans l'industrie et les services se déplacera vers le secteur agricole,
de sorte que la production dans l'industrie et dans les services aura tendance
à diminuer. Quoi qu'il en soit, la protection accordée à
l'agriculture a l'effet d'une taxe à l'importation sur les autres
secteurs de production de biens échangés (Martin et al, 1989).
Une politique de prix incitatifs favorise la production. En effet selon Hugon
(2008) les pays africains (Côte d'Ivoire, Kenya, Malawi) qui ont
adopté des prix incitatifs et/ou stabilisés ont connu des
progrès notables de production. Bon nombre d'auteurs ont montré
que l'application de prix incitatifs encourage les producteurs à
augmenter leur offre. Soulé et al (2011) ont montré qu'avec la
mise en oeuvre au Bénin du Programme d'Urgence d'Appui à la
Sécurité Alimentaire (PUASA) qui a permis la distribution de
semences améliorées et des engrais spécifiques aux
producteurs agricoles en 2008-2009, la production de produits vivriers
particulièrement du riz a augmenté de 113% par rapport à
son niveau de 2007 et de 187% par rapport à son niveau de 2003.
Pour Andrew et al. (2013) la subvention semble avoir
été le catalyseur à moyen et à long terme de
l'augmentation de la demande d'engrais et de semences améliorées,
malgré quelques impacts négatifs sur le développement du
secteur privé sous la forme d'effets de substitution à court
terme. Le secteur privé endosse de plus en plus le rôle de
fournisseur principal d'engrais destinés au programme et son exclusion
du marché du détail des engrais subventionnés n'a pas
empêché la croissance de la demande d'engrais du commerce à
moyen terme. Sur le marché des semences, l'augmentation de la subvention
aux semences depuis 2009-2010 semble étouffer légèrement
les ventes commerciales. Toutefois, comme le marché des engrais,
à moyen ou à long terme, elle pourrait stimuler la demande de
semences améliorées à mesure que les paysans constatent
les avantages de l'adoption de ces technologies.
En matière de politique en faveur de la
sécurité alimentaire, il existe une multitude d'initiatives
engageant à la fois la responsabilité des Etats des
différentes organisations d'intégration régionale, des
réseaux de recherche, d'opérateurs économiques et des ONG.
C'est dans cette optique que le Réseau de Prévention des Crises
Alimentaires au Sahel et en Afrique de l'Ouest (RPCA) lors de sa 23e
réunion a souligné une prise en compte insuffisante des
données nutritionnelles et socio- économiques; ce qui contribue
à l'insécurité alimentaire. Certes plusieurs pays disposent actuellement des
politiques ou plans d'actions de nutrition adoptés (Burkina Faso, Gambie
et Sénégal par exemple), d'autres ont des politiques agricoles et
ou sanitaires qui intègrent des objectifs de nutrition (Bénin,
Mauritanie, Mali par exemple). Mais les effets de ces politiques sont
invisibles. C'est pourquoi Savadogo (2009) a fait une
remarque pertinente : Il constate une absence totale de la revue de
littérature sur les études d'impact de la politique agricole de
l'UEMOA qui aurait pu permettre de savoir si cette Politique Agricole a
propulsé la sécurité alimentaire dans les
différents Etats membres et pour l'Union dans son ensemble ou si
la PAU incorpore en son sein des mécanismes pour juguler à
l'avenir les effets des chocs internationaux des prix alimentaires.
En somme, il a été
constaté que la majeure partie des sommets, réunions et ouvrages
se sont penchés sur l'importance de la sécurité
alimentaire. Ils ont aussi abordé les causes et les conséquences
de l'insécurité alimentaire, les politiques mises en oeuvre ainsi
que leurs effets sur l'économie en générale et en
particulier sur la sécurité alimentaire. Cependant, ils
n'exposent pas clairement et par une approche économétrique
l'efficacité des mesures de politique agricole sur la
sécurité alimentaire au Bénin. C'est sans doute ce
à quoi les parties qui vont suivre seront consacrées.
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