1.2.1.2- La sécurité alimentaire
Les concepts à clarifier ici tourne autour de : la
sécurité alimentaire et ses déterminants ; les
indicateurs de la sécurité alimentaire ; les groupes de
sécurité alimentaire et l'insécurité alimentaire et
ses causes.
1.2.1.2.1- Le concept de sécurité
alimentaire et ses déterminants
Le concept de sécurité alimentaire est apparu
pour la première fois lors de la conférence mondiale sur
l'alimentation de 1974, suite à la crise alimentaire mondiale
provoquée par l'augmentation rapide des prix (Banque Mondiale, 2008). La
définition retenue à cette occasion, est que la
sécurité alimentaire consiste à « disposer
à chaque instant d'un niveau adéquat deproduits de base pour
satisfaire la progression de la consommation et atténuer les
fluctuations dela production et des prix ».
A cette conception de la sécurité alimentaire
essentiellement basée sur l'offre alimentaire, a succédé
à la suite des travaux d'Amartya Sen (1981) sur les famines, une
approche plus globale basée sur la notion de droit d'accès
à l'alimentation. Cette nouvelle approche accorde une place primordiale
à l'accessibilité alimentaire. L'idée étant que
même dans le cas où l'offre alimentaire est suffisante, certains
ménages peuvent avoir un accès limité à la
nourriture du fait de conditions d'échange défavorables ou d'une
insuffisance de moyens.
Depuis lors, la définition de la sécurité
alimentaire généralement utilisée est plus large. En
effet, dans sa définition reformulée, la sécurité
alimentaire est la possibilité pour chaque individu d'accéder en
tout temps à une alimentation salubre et nourrissante, lui permettant
d'avoir une vie saine et active. Pour Hoskins (1990), la sécurité
alimentaire est définie comme la possibilité physique et
économique d'accéder pour tous et en tout temps aux produits
alimentaires. Cette seconde définition est adoptée lors des
travaux du sommet mondial sur l'alimentation en 1996.
Ainsi, dans sa définition vulgarisée, «
la sécurité alimentaire existe lorsque tous les êtres
humains ont à tout moment, un accès physique et économique
à une nourriture suffisante, saine et nutritive leur permettant de
satisfaire leurs besoins énergétiques et leurs
préférences alimentaires pour mener une vie saine et active
» (FAO, 1996).
Quatre dimensions sont définies dans la
sécurité alimentaire: (i) disponibilité de la nourriture
en quantité suffisante; (ii) stabilité de l'approvisionnement ;
(iii) accessibilité physique et économique des denrées,
(iv) la qualité nutritionnelle.
- La disponibilité physique des aliments : La
disponibilité alimentaire porte sur le « côté de
l'offre » de la sécurité alimentaire et est
déterminé par le niveau de production alimentaire, les niveaux de
provisions, et le commerce net.
- l'accès économique et physique des
aliments : De bonnes provisions alimentaires au niveau national ou
international ne garantissent pas en soi la sécurité alimentaire
des ménages. Les inquiétudes par rapport à l'accès
insuffisant aux aliments ont mené à une concentration
sérieuse des politiques sur le revenu, les dépenses, le
marché et le prix des aliments pour atteindre les objectifs de
sécurité alimentaire.
- L'utilisation des aliments : L'utilisation porte sur la
façon dont le corps optimise les différents nutriments
présents dans les aliments. De bonnes pratiques de soins et
d'alimentation, de préparation des aliments, de diversité du
régime alimentaire, et de distribution des aliments à
l'intérieur du ménage ont pour résultat un apport
adéquat d'énergie et de nutriments. Ceci s'ajoute à une
bonne utilisation biologique des aliments consommés, et détermine
l'état nutritionnel des individus.
- La stabilité des trois autres dimensions dans le
temps : Même si votre apport alimentaire est adéquat
aujourd'hui, vous êtes toujours considéré à risque
de souffrir d'insécurité alimentaire si sur une base
régulière, vous avez un accès inadéquat aux
aliments, et vous risquez une détérioration de votre état
nutritionnel. Les conditions climatiques défavorables
(sécheresses, inondations), l'instabilité politique (troubles
sociaux), ou les facteurs économiques (chômage, augmentation du
prix des aliments) pourraient avoir un impact sur votre état de
sécurité alimentaire.
Il est intéressant de différencier l'état
nutritionnel de la sécurité alimentaire, et de considérer
que si le premier (qui est aussi une dimension du second) est surtout
déterminé par l'accès aux aliments, la seconde, elle, est
influencée par une série d'autres facteurs, à savoir la
situation économique et sociale, la santé
(physique/spirituelle/mentale), l'éducation et les
préjugés culturels, etc.
Les déterminants de la sécurité
alimentaire les plus cités dans la littérature sont : la
production agricole, l'ouverture commerciale (importations et exportations
alimentaires), la croissance démographique, les performances
macroéconomiques, la stabilité politique, le pouvoir d'achat et
l'instabilité des prix (Timmer, 2000).
1.2.1.2.2- Les indicateurs de la
sécurité alimentaire
Il n'existe pas une seule mesure pour juger de l'état
de la sécurité alimentaire d'une nation. Une série
d'indicateurs et différentes techniques de mesure sont
nécessaires. Les différentes typologies d'indicateurs de
sécurité alimentaire sont présentées, ainsi que les
différents indicateurs proxy utilisés pour mesurer chacun de ces
typologies. Le développement de cette partir est inspiré des
travaux de AGVSAN 2008 et AGVSA 2013. Entre autres indicateurs de la
sécurité alimentaire, on a :
· Le score de la consommation alimentaire des
ménages : Les estimations de la prévalence des
groupes de consommation alimentaire sont basées sur le score de la
consommation alimentaire des ménages (SCA). Ce score est un indicateur
de l'accessibilité aux aliments et de la qualité de la
consommation alimentaire.Il est calculé à partir de:
- la diversité du régime alimentaire (nombre de
groupes d'aliments consommés par un ménage pendant les sept jours
précédent l'enquête),
- la fréquence de consommation (nombre de jours au
cours desquels un groupe d'aliments a été consommé pendant
les sept jours précédent l'enquête),
- l'importance nutritionnelle relative des différents
groupes d'aliments.
· La consommation des aliments riches en
nutriments : Il existe des différences significatives
quant à la fréquence de la consommation d'aliments riches en
protéine, en fer et vitamine A entre les groupes de consommation
alimentaire. Les ménages des groupes de consommation alimentaire pauvre
et limite ont une faible consommation d'aliments riches en fer, en
protéine et en vitamine A qui pourrait être à l'origine de
la prévalence d'un certain nombre de maladies carentielles.
· Le score de diversité alimentaire des
ménages (SDAM) comptabilise le nombre de groupes d'aliments
consommés (sans pondération selon la qualité
nutritionnelle): chaque groupe compte pour 1 point dans le score qui varie de 1
à 12 points. Cet indicateur se réfère à la
consommation alimentaire du ménage durant les 24 heures
précédent l'enquête (au lieu de septjours pour le SCA).Le
coefficient de variation de cet indicateur est assez élevé (en
raison de lavariabilité journalière intra-ménage). Il est
plus significatif au niveau de la population qu'auniveau du ménage.Il
n'existe pas de seuil internationalement reconnu pour définir une «
bonne » ou « mauvaise »diversité alimentaire. On utilise
les seuils du Cadre Intégré de Classification de la
SécuritéAlimentaire (moins de 4: régime peu
diversifié; 4-12: régime plus diversifié).
· La part des dépenses des ménages
consacrées à l'alimentation : Il est possible de
classer les ménages en fonction de leurs niveaux de dépenses (en
pourcentage). Cette analyse utilise les seuils recommandés par le PAM
(bien que ceux-ci ne soient pas standardisés). Cette analyse peut mettre
en évidence les différences qui pourraient être
masquées par un lissage des valeurs lors du calcul de moyennes. Les
seuils sont classés comme suit:
- Très élevé (> 75% du total des
dépenses consacrées à l'alimentation),
- Haute (65% - 75% du total des dépenses
consacrées à l'alimentation),
- Modéré (50% - 65% du total des dépenses
consacrées à l'alimentation),
- Normal (<50% du total des dépenses
consacrées à l'alimentation).
1.2.1.2.3- Groupes de sécurité
alimentaire
Dans la classification des niveaux de sécurité
alimentaire, l'Analyse Globale de la Vulnérabilité et de la
Sécurité Alimentaire (AGVSA, 2013) distingue quatre groupes
à savoir :
Ø Sécurité alimentaire :
Ménage capable de satisfaire ses besoins alimentaires et non
alimentaires essentiels sans recourir à des stratégies
d'adaptation atypiques.
Ø Sécurité alimentaire
limite : Ménage qui a une consommation alimentaire tout
juste adéquate sans recourir à des stratégies d'adaptation
irréversibles. Ne peut pas se permettre certaines dépenses non
alimentaires essentielles.
Ø Insécurité alimentaire
modérée : Ménage qui a une consommation
alimentaire déficiente ou qui ne peut satisfaire ses besoins
alimentaires minimaux sans recourir à des stratégies d'adaptation
irréversibles.
Ø Insécurité alimentaire
Sévère : Ménage qui a une consommation
alimentaire très déficiente ou qui connait une perte très
importante de ses moyens de subsistance qui vont conduire à des
déficits importants dans sa consommation alimentaire ou pire.
1.2.1.2.4- Les causes de l'insécurité
alimentaire
Les deux groupes insécurité alimentaire
modérée et sévère combinés donnent la
prévalence de l'insécurité
alimentaire.L'insécurité alimentaire, est l'incapacité
des populations de satisfaire systématiquement leurs besoins caloriques
et nutritionnels afin de mener une vie saine et active, est
omniprésente. Le spectre de la famine, qui a quasiment disparu de tous
les autres continents, continue à hanter certaines régions de
l'Afrique subsaharienne. » (PNUD, 2012).
Une étude réalisée par la FAO (2004) a
révélé globalement dans les pays en voie de
développement, les causes de l'insécurité alimentaire qui
sont entre autres : les pénuries
alimentaires liées aux aléas climatiques et autres
catastrophes ; une pression
démographique très forte, qui est à l'origine
d'épineux problèmes fonciers et d'une production alimentaire
insuffisante ; l'absence de
possibilités de sources de revenus ou d'emplois alternatifs ; les pertes de production liées au stockage et
aux procédés de transformation ;
la pauvreté rurale et urbaine ;
l'isolement et l'enclavement de certaines localités qui vont de pair
avec un manque de structure de commercialisation (marché). Dans ces
zones, la commercialisation de la production est difficile et s'effectue
souvent à des conditions désavantageuses (prix bas). En situation
déficitaire s'ajoute les problèmes de ravitaillement : les
denrées ne sont pas disponibles et les prix sont souvent prohibitifs,
principalement dus aux difficultés de transport.
Selon le rapporteur spécial du droit à
l'alimentation (de Schutter, 2009), la persistance de
l'insécurité alimentaire et économique des ménages
ruraux au Bénin s'explique, entre autres, par : la
précarité de la disponibilité d'aliments de qualité
au sein des ménages, des importantes pertes post-récoltes des
produits vivriers, des systèmes de stockage/conservation peu
performants, des technologies de transformation rudimentaires avec des
rendements faibles et de qualités variables, l'inadéquation et de
la faible synergie entre politiques sectorielles et programmes, le peu
d'intérêt accordé à la nutrition
(singulièrement la nutrition communautaire) dans les politiques et
programmes de lutte contre la pauvreté.
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