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Mesures de politique agricole et sécurité alimentaire au Bénin: cas des subventions d'intrants agricoles

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par Senghor LAGA
Université d'Abomey-Calavi - DEA/Master recherche 2015
  

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2.1.2.2-Politique de sécurité alimentaire au Bénin

La définition du concept de sécurité alimentaire et les déterminants qui en découlent laissent conclure qu'une politique de sécurité alimentaire ne saurait se réduire à la seule politique agricole bien que cette dernière en constitue l'épine dorsale. De ce fait, la conception et la mise en oeuvre d'une telle politique ne devraient guère être l'apanage du seul Ministère en charge de l'agriculture. Plusieurs départements ministériels, le secteur privé, la société civile et les partenaires au développement sont concernés. Le Bénin est partie prenante des engagements pris par les chefs d'Etat et de Gouvernement à l'issue des sommets mondiaux de l'alimentation et du sommet du millénaire pour le développement. C'est donc pour le Gouvernement béninois, un impératif moral d'agir afin d'honorer ses engagements internationaux, étant entendu que les objectifs définis à ces fora mondiaux sont réalisables et, la lutte contre la faim et la malnutrition constitue un préalable de croissance économique et de développement durable. Au Bénin, la plupart des programmes et projets ont souvent mis l'accent sur l'appui au développement de la production végétale, de l'élevage et de la pêche avec davantage d'appui au volet de production et la dimension nutritionnelle de la sécurité alimentaire.

Au début des années 60, les questions de nutrition ont été abordées pour la première fois dans leurs dimensions holistiques, à travers la formulation et la mise en oeuvre par le Ministère du Développement Rural avec l'appui de l'Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture (FAO) et du Gouvernement néerlandais, du projet "Jardins familiaux". Ce projet a levé un coin de voile sur l'existence des maladies d'origine nutritionnelle au sein des ménages et, indexé les enfants de moins de 5 ans comme les principales victimes et les couches les plus vulnérables. De fait, le Ministère du développement rural est devenu la porte d'entrée et le porte flambeau de la nutrition au Bénin. Le discours était alors de renforcer les capacités des ménages notamment en milieu rural afin de leur donner les outils nécessaires à la prévention de la malnutrition à partir des ressources alimentaires localement disponibles. Des animatrices de développement rural furent formées à Porto-Novo (capitale administrative et politique du pays) sous l'égide du Service Dahoméen d'Alimentation et de Nutrition Appliquée (SDANA). Ce Service a été créé en 1962 et est devenu en 1974, la Direction de l'Alimentation et de la Nutrition Appliquée (DANA). Deux (2) centres horticoles et nutritionnels ont été créés et mis en service, l'un à Ouando (Porto-Novo) pour la partie méridionale du pays et l`autre à Pabégou (Commune de Copargo) pour desservir la zone septentrionale du Bénin. Le fondement premier de la mise en oeuvre de ce projet « jardins familiaux » est d'amener les mères à faire des jardins et le petit élevage de case pour nourrir de façon équilibrée leurs enfants et leurs familles. Le projet a généré de nombreux petits jardins de case qui progressivement se sont mués en des espaces ou périmètres maraîchers avec l'évolution des villes de Cotonou et de Porto-Novo. Au-delà de ces deux grandes villes, ce sont toutes les villes secondaires du pays qui ont été au fil des ans, enrôlées dans ce processus de développement de ce qu'il est convenu d'appeler l'agriculture urbaine et périurbaine. Les jardins de case se font beaucoup plus actuellement en zones rurales. Le slogan était alors « Mieux nourrir les enfants avec les aliments locaux ». Le développement harmonieux de l'état nutritionnel du couple mère-enfant et du ménage en général était la substance de ce pilier. Le leadership de la DANA dans le domaine de l'alimentation et de la nutrition était à l'époque, incontestable.

La période allant de 1974 à 1984 fut une décennie marquée par l'introduction du volet santé dans les approches de lutte contre la malnutrition. Ce fut aussi une période d'instabilité et de confusion institutionnelles pour la Direction de l'Alimentation et de la Nutrition Appliquée qui commençait à peine son rayonnement national et international avec l'appui du Gouvernement néerlandais et de la FAO. La FAO aidait déjà en ce temps, le Bénin à la mise en place d'un laboratoire central d'analyses des denrées alimentaires et le développement d'un arsenal juridique et législatif pour le contrôle de la qualité et de la sécurité sanitaire des aliments destinés aux marchés national et international. Le caractère multisectoriel et interdisciplinaire de la nutrition a fait qu'à tort ou à raison les gouvernants de la période 1974 - 1984 ont pensé que la DANA pouvait être au niveau du ministère en charge de la santé. Ainsi, sur la période, la DANA est passée deux fois du Ministère du Développement Rural au Ministère de la Santé avant d'être stabilisée depuis 1984 au ministère en charge de l'agriculture. Puis, il y a eu la tenue en 1978, de la Conférence d'Alma Ata sur les soins de santé primaires, où la malnutrition est apparue comme un problème de santé publique. La DANA s'adonnait davantage, grâce à son laboratoire, aux analyses biomédicales (venant ainsi en appui aux cliniciens) et à l'analyse de l'eau ». Les aspects relatifs à la surveillance alimentaire et nutritionnelle, la valorisation des recettes alimentaires locales pour la prévention et la lutte contre la malnutrition infantile, la formation des animatrices du développement rural se sont estompés. Le projet "Jardins Familiaux" initié par le Bénin et le Gouvernement des Pays-Bas en 1963 a alors vécu, entraînant des préjudices graves aux ménages et couches infanto juvéniles des villes et campagnes. Le Projet "Jardins Familiaux" n'a pas été porté à l'échelle. Au cours de cette période, plusieurs initiatives ont été prises : la création de la Commission Nationale de Céréalière (CNC) en 1982 ; les études et la formulation de projets de sécurité alimentaire ; une politique d'approvisionnement des centres urbains en vivres bon marché par les importations à travers le Programme National Complet de Sécurité Alimentaire (PNCSA).

La décennie 1984-1994 est consacrée à la mise en oeuvre de la Nutrition Communautaire et l'introduction de la Nutrition dans les Curricula de Formation. L'année 1984 consacra le retour définitif de la DANA au sein du Ministère du Développement Rural et le démarrage de la Coopération bénino-italienne. Ce fut alors une nouvelle ère pour le développement des actions de nutrition. Le souci de la DANA et de la Coopération bénino-italienne était dès 1984, de mettre en place un système de surveillance alimentaire et nutritionnelle. Des enquêtes de consommation alimentaire et d'évaluation de la situation nutritionnelle des populations furent initiées. Grâce à ces enquêtes dont les résultats ont été largement disséminés, la situation alimentaire et nutritionnelle des ménages béninois a été mieux cernée, les zones et plus précisément les sous-préfectures (actuelles communes) à risque d'insécurité alimentaire et nutritionnelle ont été détectées et des stratégies pilotes de surveillance alimentaire et nutritionnelle avec des interventions correctrices impliquant les communautés à la base et des initiatives endogènes, ont été mises en place. Des personnes volontaires, natives ou non des communautés d'intervention, agissant de façon bénévole mais à qui des stratégies de motivation ont été apportées comme par exemple des subventions pour le développement d'activités génératrices de revenus.

Des activités d'éducation nutritionnelle des femmes en âge de procréer, de promotion de la croissance staturo-pondérale des enfants de 0 à 5 ans, de démonstrations culinaires, de visites à domiciles pour le suivi rapproché des enfants malnutris en cours de récupération nutritionnelle, de référence des malnutris graves vers des centres appropriés pour leur prise en charge et, la promotion de la production et de la consommation des aliments de hautes valeurs nutritionnelles y sont menées sous l'égide des autorités Politico-administratives et des leaders d'opinions.

A partir de 1987, le cercle des structures publiques engagées dans la surveillance alimentaire et nutritionnelle s'est élargi avec l'entrée en scène du Ministère en charge des affaires sociales. Avec l'appui technique et financier du Catholic Relief Services (CRS), ce Ministère a entrepris à travers les Centres de Promotion Sociale (CPS) des activités de surveillance de la croissance pondérale des enfants, d'éducation nutritionnelle par des démonstrations culinaires, de réhabilitation nutritionnelle des enfants malnutris et de distribution des vivres comme forme de motivation des mères d'enfants.

Deux programmes importants de nutrition communautaire ont été exécutés par ce Ministère. Il s'agit essentiellement: du Programme Alimentaire et Nutritionnel (PAN) ou Programme préscolaire qui a eu cours de 1987 à 1997 et du Programme Alimentaire et Nutritionnel à Base Communautaire (PBC) de 1997 à 2005. Pour rendre opérationnelle ces options, l'Etat béninois a créé un Office National d'Appui à la Sécurité Alimentaire (ONASA) dès les années 1992 en remplacement de l'Office National de Céréales (ONS) dans le cadre de la libéralisation et de la régularisation des marchés agricoles. Cet office a pour mission principale de conseiller le gouvernement dans la conduite de la politique d'aide alimentaire et assurer ainsi une coordination institutionnelle de la sécurité alimentaire au Bénin.

Les objectifs visés par ces programmes étaient de (i) réduire la mortalité infantile et maternelle ; (ii) améliorer la sécurité alimentaire des ménages et (iii) appuyer le développement des communautés défavorisées. Près de 400 villages ou communautés et environ 60 000 enfants étaient mensuellement suivis à travers ces programmes sous l'encadrement des Responsables des Centres de Promotion Sociale et les relais communautaires que sont les Animatrices Communautaires (AC) et les Comités Villageois de Développement Social (CVDS). La distribution des vivres a été l'élément caractéristique de ces programmes de manière que les communautés et certains élus locaux (chefs de villages et de quartiers de villes ou conseillers locaux) ramenaient la nutrition à la seule « activité de distribution de vivres ». Or, ces vivres constituaient des appoints apportés par les Responsables des programmes en vue de permettre à priori aux mères, de corriger le statut alimentaire et nutritionnel de leurs enfants en cas de besoin.

Parallèlement, la DANA a développé en direction du monde scolaire, des programmes de nutrition en étroite collaboration avec l'Institut National de la Formation et de la Recherche en Education (INFRE). A travers ces programmes réalisés avec l'appui de la coopération italienne, nombre de Directeurs ou Responsables d'établissements d'enseignement primaire ainsi que des Conseillers pédagogiques ont été formés à l'alimentation et à la nutrition appliquée afin d'améliorer au niveau des jeunes écoliers, le savoir, le savoir-faire et le savoir être dans ce domaine. A cet effet, des brèches avaient été ouvertes dans les curricula de formation pour introduire l'enseignement théorique et pratique de notions fondamentales d'alimentation et de nutrition. Des manuels pédagogiques avaient été conçus à cet effet.

La décennie 1994-2004 est marquée par le Développement de la Lutte contre les Carences en micronutriments et Mise en oeuvre de Programme de sécurité alimentaire.

La période de 1994-2004 a été marquée au plan international par trois évènements majeurs qui ont eu une influence remarquable sur le développement de la politique de nutrition au Bénin. Il s'agit de la tenue : de la Conférence Internationale sur la Nutrition (CIN) en 1992 ; des Sommets Mondiaux de l'Alimentation (SMA et SMA+5)en 1996 et 2001 et du Sommet du Millénaire pour le Développement en 2000.

Le Bénin était présent à ces grands rendez-vous internationaux et a souscrit à ces occasions aux engagements pris par les Chefs d'Etat et de Gouvernements. Aussi, la mise en oeuvre de ces engagements a-t-elle contribué au plan national, à un réaménagement du paysage institutionnel de la nutrition. En effet, la tenue de la Conférence Internationale sur la Nutrition a permis l'élargissement du cercle des acteurs du secteur de la nutrition avec l'entrée en scène du Ministère de la Santé et la création en 1994, de la Direction de la Santé Familiale (DSF) dotée d'un service de nutrition. Jusqu'à cette date, les actions de nutrition se menaient avec la Direction Nationale de la Protection Sanitaire (DNPS) à travers le service en charge des soins de santé primaires.

Du point de vue organisationnel et singulièrement de la recherche d'une meilleure institutionnalisation de la politique de nutrition, le Comité National pour l'Alimentation et la Nutrition (CNAN) et ses démembrements au niveau départemental ont été créés et installés en Décembre 1994. Le CNAN a essentiellement pour mission de définir la politique nationale en matière d'alimentation et de nutrition et d'assurer la coordination, le suivi et l'évaluation des actions liées à la mise en oeuvre de cette politique. Par conséquent, un Plan d'Action National pour l'Alimentation et la Nutrition (PANAN) a été élaboré et mis en vigueur en Janvier 1995. Ce Plan s'est fixé trois (3) objectifs essentiels à savoir : Garantir à chacun, en permanence, l'accès à une alimentation suffisante et saine, permettant d'avoir un régime alimentaire satisfaisant sur le plan nutritionnel ; donner à chacun, la possibilité d'être et de rester en bonne santé et d'accéder au bien-être nutritionnel ; parvenir à un développement sans danger pour l'environnement et socialement durable, afin de contribuer à l'amélioration de la nutrition et de la santé.

De nos jours, le gouvernement dans son souci de faire du Bénin une puissance agricole, a mis en chantier une série d'actions découlant des documents de politique agricole dont entre autres le Plan Stratégique de Relance du Secteur Agricole élaboré en 2007. L'objectif global de ce Plan est "d'améliorer les performances de l'agriculture béninoise pour la rendre capable d'assurer de façon durable la souveraineté alimentaire de la population et de contribuer au développement économique et social du Bénin, à l'atteinte des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) et à la réduction de la pauvreté"

Tirant leçons des principales interventions susmentionnées et prenant en compte les nombreuses contraintes (naturelles, institutionnelles, organisationnelles et conjoncturelles, notamment la faible productivité, l'accès difficile aux intrants, l'insuffisance des capacités de stockage et de conservation voire de transports vers les zones enclavées, le coût élevé de l'approvisionnement en facteurs de production, la dégradation et la baisse constante de la fertilité des sols, ainsi que la dégradation des pâturages) le gouvernement a entrepris avec l'appui technique et financier de la FAO, la formulation d'un Programme National de Sécurité Alimentaire (PNSA).

La mise en oeuvre de ce Programme contribuera à augmenter les productions à travers l'intensification de la production agropastorale et halieutique. Outre l'augmentation de l'offre des productions agricoles et animales, le programme développera des activités génératrices de revenu par la valorisation des produits permettant ainsi d'améliorer l'accès financier des populations concernées aux denrées alimentaires. De plus, un important volet nutritionnel y a été prévu. La mise en oeuvre de ce volet permettra d'améliorer l'état nutritionnel des populations bénéficiaires, tout en fournissant aux municipalités, un tableau de bord régulièrement actualisé sur la situation alimentaire et nutritionnelle des groupes cibles. L'on entreprendra également la valorisation des plats et recettes culinaires usuels et de ceux en voie d'extinction au niveau des communautés ainsi que l'élaboration de la table de composition des aliments du Bénin. Le PNSA est donc un atout pour l'amélioration durable du statut alimentaire et une contribution significative à l'amélioration de l'état nutritionnel de l'enfant. En attendant son financement et sa mise en oeuvre futurs, le gouvernement a procédé avec l'accord des partenaires au développement à la réorientation des projets et programmes actuellement en cours et comportant des volets de production alimentaire afin qu'à court et moyen termes, la disponibilité alimentaire soit assurée aux populations Le but recherché est de soustraire les ménages à l'effet pervers de la cherté de la vie découlant depuis quelque temps de la flambée, au plan mondial, des prix des denrées de première nécessité. C'est également dans cette rubrique que s'inscrivent le Programme d'urgence d'appui à la sécurité alimentaire (PUASA) et le Programme de diversification agricole pour l'emploi des jeunes financés par le budget national (PDAEJ).

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