2.1.2.2-Politique de sécurité alimentaire au
Bénin
La définition du concept de sécurité
alimentaire et les déterminants qui en découlent laissent
conclure qu'une politique de sécurité alimentaire ne saurait se
réduire à la seule politique agricole bien que cette
dernière en constitue l'épine dorsale. De ce fait, la conception
et la mise en oeuvre d'une telle politique ne devraient guère être
l'apanage du seul Ministère en charge de l'agriculture. Plusieurs
départements ministériels, le secteur privé, la
société civile et les partenaires au développement sont
concernés. Le Bénin est partie prenante des engagements pris par
les chefs d'Etat et de Gouvernement à l'issue des sommets mondiaux de
l'alimentation et du sommet du millénaire pour le développement.
C'est donc pour le Gouvernement béninois, un impératif moral
d'agir afin d'honorer ses engagements internationaux, étant entendu que
les objectifs définis à ces fora mondiaux sont réalisables
et, la lutte contre la faim et la malnutrition constitue un préalable de
croissance économique et de développement durable. Au
Bénin, la plupart des programmes et projets ont souvent mis l'accent sur
l'appui au développement de la production végétale, de
l'élevage et de la pêche avec davantage d'appui au volet de
production et la dimension nutritionnelle de la sécurité
alimentaire.
Au début des années 60, les questions de
nutrition ont été abordées pour la première fois
dans leurs dimensions holistiques, à travers la formulation et la mise
en oeuvre par le Ministère du Développement Rural avec l'appui de
l'Organisation des Nations Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture (FAO) et
du Gouvernement néerlandais, du projet "Jardins familiaux". Ce projet a
levé un coin de voile sur l'existence des maladies d'origine
nutritionnelle au sein des ménages et, indexé les enfants de
moins de 5 ans comme les principales victimes et les couches les plus
vulnérables. De fait, le Ministère du développement rural
est devenu la porte d'entrée et le porte flambeau de la nutrition au
Bénin. Le discours était alors de renforcer les capacités
des ménages notamment en milieu rural afin de leur donner les outils
nécessaires à la prévention de la malnutrition à
partir des ressources alimentaires localement disponibles. Des animatrices de
développement rural furent formées à Porto-Novo (capitale
administrative et politique du pays) sous l'égide du Service
Dahoméen d'Alimentation et de Nutrition Appliquée (SDANA). Ce
Service a été créé en 1962 et est devenu en 1974,
la Direction de l'Alimentation et de la Nutrition Appliquée (DANA). Deux
(2) centres horticoles et nutritionnels ont été
créés et mis en service, l'un à Ouando (Porto-Novo) pour
la partie méridionale du pays et l`autre à Pabégou
(Commune de Copargo) pour desservir la zone septentrionale du Bénin. Le
fondement premier de la mise en oeuvre de ce projet « jardins familiaux
» est d'amener les mères à faire des jardins et le petit
élevage de case pour nourrir de façon équilibrée
leurs enfants et leurs familles. Le projet a généré de
nombreux petits jardins de case qui progressivement se sont mués en des
espaces ou périmètres maraîchers avec l'évolution
des villes de Cotonou et de Porto-Novo. Au-delà de ces deux grandes
villes, ce sont toutes les villes secondaires du pays qui ont été
au fil des ans, enrôlées dans ce processus de développement
de ce qu'il est convenu d'appeler l'agriculture urbaine et périurbaine.
Les jardins de case se font beaucoup plus actuellement en zones rurales. Le
slogan était alors « Mieux nourrir les enfants avec les aliments
locaux ». Le développement harmonieux de l'état nutritionnel
du couple mère-enfant et du ménage en général
était la substance de ce pilier. Le leadership de la DANA dans le
domaine de l'alimentation et de la nutrition était à
l'époque, incontestable.
La période allant de 1974 à 1984 fut une
décennie marquée par l'introduction du volet santé dans
les approches de lutte contre la malnutrition. Ce fut aussi une période
d'instabilité et de confusion institutionnelles pour la Direction de
l'Alimentation et de la Nutrition Appliquée qui commençait
à peine son rayonnement national et international avec l'appui du
Gouvernement néerlandais et de la FAO. La FAO aidait déjà
en ce temps, le Bénin à la mise en place d'un laboratoire central
d'analyses des denrées alimentaires et le développement d'un
arsenal juridique et législatif pour le contrôle de la
qualité et de la sécurité sanitaire des aliments
destinés aux marchés national et international. Le
caractère multisectoriel et interdisciplinaire de la nutrition a fait
qu'à tort ou à raison les gouvernants de la période 1974 -
1984 ont pensé que la DANA pouvait être au niveau du
ministère en charge de la santé. Ainsi, sur la période, la
DANA est passée deux fois du Ministère du Développement
Rural au Ministère de la Santé avant d'être
stabilisée depuis 1984 au ministère en charge de l'agriculture.
Puis, il y a eu la tenue en 1978, de la Conférence d'Alma Ata sur les
soins de santé primaires, où la malnutrition est apparue comme un
problème de santé publique. La DANA s'adonnait davantage,
grâce à son laboratoire, aux analyses biomédicales (venant
ainsi en appui aux cliniciens) et à l'analyse de l'eau ». Les
aspects relatifs à la surveillance alimentaire et nutritionnelle, la
valorisation des recettes alimentaires locales pour la prévention et la
lutte contre la malnutrition infantile, la formation des animatrices du
développement rural se sont estompés. Le projet "Jardins
Familiaux" initié par le Bénin et le Gouvernement des Pays-Bas en
1963 a alors vécu, entraînant des préjudices graves aux
ménages et couches infanto juvéniles des villes et campagnes. Le
Projet "Jardins Familiaux" n'a pas été porté à
l'échelle. Au cours de cette période, plusieurs initiatives ont
été prises : la création de la Commission Nationale
de Céréalière (CNC) en 1982 ; les études et la
formulation de projets de sécurité alimentaire ; une
politique d'approvisionnement des centres urbains en vivres bon marché
par les importations à travers le Programme National Complet de
Sécurité Alimentaire (PNCSA).
La décennie 1984-1994 est consacrée à la
mise en oeuvre de la Nutrition Communautaire et l'introduction de la Nutrition
dans les Curricula de Formation. L'année 1984 consacra le retour
définitif de la DANA au sein du Ministère du Développement
Rural et le démarrage de la Coopération bénino-italienne.
Ce fut alors une nouvelle ère pour le développement des actions
de nutrition. Le souci de la DANA et de la Coopération
bénino-italienne était dès 1984, de mettre en place un
système de surveillance alimentaire et nutritionnelle. Des
enquêtes de consommation alimentaire et d'évaluation de la
situation nutritionnelle des populations furent initiées. Grâce
à ces enquêtes dont les résultats ont été
largement disséminés, la situation alimentaire et nutritionnelle
des ménages béninois a été mieux cernée, les
zones et plus précisément les sous-préfectures (actuelles
communes) à risque d'insécurité alimentaire et
nutritionnelle ont été détectées et des
stratégies pilotes de surveillance alimentaire et nutritionnelle avec
des interventions correctrices impliquant les communautés à la
base et des initiatives endogènes, ont été mises en place.
Des personnes volontaires, natives ou non des communautés
d'intervention, agissant de façon bénévole mais à
qui des stratégies de motivation ont été apportées
comme par exemple des subventions pour le développement
d'activités génératrices de revenus.
Des activités d'éducation nutritionnelle des
femmes en âge de procréer, de promotion de la croissance
staturo-pondérale des enfants de 0 à 5 ans, de
démonstrations culinaires, de visites à domiciles pour le suivi
rapproché des enfants malnutris en cours de récupération
nutritionnelle, de référence des malnutris graves vers des
centres appropriés pour leur prise en charge et, la promotion de la
production et de la consommation des aliments de hautes valeurs nutritionnelles
y sont menées sous l'égide des autorités
Politico-administratives et des leaders d'opinions.
A partir de 1987, le cercle des structures publiques
engagées dans la surveillance alimentaire et nutritionnelle s'est
élargi avec l'entrée en scène du Ministère en
charge des affaires sociales. Avec l'appui technique et financier du Catholic
Relief Services (CRS), ce Ministère a entrepris à travers les
Centres de Promotion Sociale (CPS) des activités de surveillance de la
croissance pondérale des enfants, d'éducation nutritionnelle par
des démonstrations culinaires, de réhabilitation nutritionnelle
des enfants malnutris et de distribution des vivres comme forme de motivation
des mères d'enfants.
Deux programmes importants de nutrition communautaire ont
été exécutés par ce Ministère. Il s'agit
essentiellement: du Programme Alimentaire et Nutritionnel (PAN) ou Programme
préscolaire qui a eu cours de 1987 à 1997 et du Programme
Alimentaire et Nutritionnel à Base Communautaire (PBC) de 1997 à
2005. Pour rendre opérationnelle ces options, l'Etat béninois a
créé un Office National d'Appui à la
Sécurité Alimentaire (ONASA) dès les années 1992 en
remplacement de l'Office National de Céréales (ONS) dans le cadre
de la libéralisation et de la régularisation des marchés
agricoles. Cet office a pour mission principale de conseiller le gouvernement
dans la conduite de la politique d'aide alimentaire et assurer ainsi une
coordination institutionnelle de la sécurité alimentaire au
Bénin.
Les objectifs visés par ces programmes étaient
de (i) réduire la mortalité infantile et maternelle ; (ii)
améliorer la sécurité alimentaire des ménages et
(iii) appuyer le développement des communautés
défavorisées. Près de 400 villages ou communautés
et environ 60 000 enfants étaient mensuellement suivis à travers
ces programmes sous l'encadrement des Responsables des Centres de Promotion
Sociale et les relais communautaires que sont les Animatrices Communautaires
(AC) et les Comités Villageois de Développement Social (CVDS). La
distribution des vivres a été l'élément
caractéristique de ces programmes de manière que les
communautés et certains élus locaux (chefs de villages et de
quartiers de villes ou conseillers locaux) ramenaient la nutrition à la
seule « activité de distribution de vivres ». Or, ces vivres
constituaient des appoints apportés par les Responsables des programmes
en vue de permettre à priori aux mères, de corriger le statut
alimentaire et nutritionnel de leurs enfants en cas de besoin.
Parallèlement, la DANA a développé en
direction du monde scolaire, des programmes de nutrition en étroite
collaboration avec l'Institut National de la Formation et de la Recherche en
Education (INFRE). A travers ces programmes réalisés avec l'appui
de la coopération italienne, nombre de Directeurs ou Responsables
d'établissements d'enseignement primaire ainsi que des Conseillers
pédagogiques ont été formés à l'alimentation
et à la nutrition appliquée afin d'améliorer au niveau des
jeunes écoliers, le savoir, le savoir-faire et le savoir être dans
ce domaine. A cet effet, des brèches avaient été ouvertes
dans les curricula de formation pour introduire l'enseignement théorique
et pratique de notions fondamentales d'alimentation et de nutrition. Des
manuels pédagogiques avaient été conçus à
cet effet.
La décennie 1994-2004 est marquée par le
Développement de la Lutte contre les Carences en micronutriments et Mise
en oeuvre de Programme de sécurité alimentaire.
La période de 1994-2004 a été
marquée au plan international par trois évènements majeurs
qui ont eu une influence remarquable sur le développement de la
politique de nutrition au Bénin. Il s'agit de la tenue
: de la Conférence Internationale sur la Nutrition (CIN) en 1992 ;
des Sommets Mondiaux de l'Alimentation (SMA et SMA+5)en 1996 et 2001 et du
Sommet du Millénaire pour le Développement en 2000.
Le Bénin était présent à ces
grands rendez-vous internationaux et a souscrit à ces occasions aux
engagements pris par les Chefs d'Etat et de Gouvernements. Aussi, la mise en
oeuvre de ces engagements a-t-elle contribué au plan national, à
un réaménagement du paysage institutionnel de la nutrition. En
effet, la tenue de la Conférence Internationale sur la Nutrition a
permis l'élargissement du cercle des acteurs du secteur de la nutrition
avec l'entrée en scène du Ministère de la Santé et
la création en 1994, de la Direction de la Santé Familiale (DSF)
dotée d'un service de nutrition. Jusqu'à cette date, les actions
de nutrition se menaient avec la Direction Nationale de la Protection Sanitaire
(DNPS) à travers le service en charge des soins de santé
primaires.
Du point de vue organisationnel et singulièrement de la
recherche d'une meilleure institutionnalisation de la politique de nutrition,
le Comité National pour l'Alimentation et la Nutrition (CNAN) et ses
démembrements au niveau départemental ont été
créés et installés en Décembre 1994. Le CNAN a
essentiellement pour mission de définir la politique nationale en
matière d'alimentation et de nutrition et d'assurer la coordination, le
suivi et l'évaluation des actions liées à la mise en
oeuvre de cette politique. Par conséquent, un Plan d'Action National
pour l'Alimentation et la Nutrition (PANAN) a été
élaboré et mis en vigueur en Janvier 1995. Ce Plan s'est
fixé trois (3) objectifs essentiels à savoir : Garantir à
chacun, en permanence, l'accès à une alimentation suffisante et
saine, permettant d'avoir un régime alimentaire satisfaisant sur le plan
nutritionnel ; donner à chacun, la possibilité d'être et de
rester en bonne santé et d'accéder au bien-être
nutritionnel ; parvenir à un développement sans danger pour
l'environnement et socialement durable, afin de contribuer à
l'amélioration de la nutrition et de la santé.
De nos jours, le gouvernement dans son souci de faire du
Bénin une puissance agricole, a mis en chantier une série
d'actions découlant des documents de politique agricole dont entre
autres le Plan Stratégique de Relance du Secteur Agricole
élaboré en 2007. L'objectif global de ce Plan est
"d'améliorer les performances de l'agriculture béninoise pour
la rendre capable d'assurer de façon durable la
souveraineté alimentaire de la population et de contribuer au
développement économique et social du Bénin, à
l'atteinte des Objectifs du Millénaire pour le Développement
(OMD) et à la réduction de la pauvreté"
Tirant leçons des principales interventions
susmentionnées et prenant en compte les nombreuses contraintes
(naturelles, institutionnelles, organisationnelles et conjoncturelles,
notamment la faible productivité, l'accès difficile aux intrants,
l'insuffisance des capacités de stockage et de conservation voire de
transports vers les zones enclavées, le coût élevé
de l'approvisionnement en facteurs de production, la dégradation et la
baisse constante de la fertilité des sols, ainsi que la
dégradation des pâturages) le gouvernement a entrepris avec
l'appui technique et financier de la FAO, la formulation d'un Programme
National de Sécurité Alimentaire (PNSA).
La mise en oeuvre de ce Programme contribuera à
augmenter les productions à travers l'intensification de la production
agropastorale et halieutique. Outre l'augmentation de l'offre des productions
agricoles et animales, le programme développera des activités
génératrices de revenu par la valorisation des produits
permettant ainsi d'améliorer l'accès financier des populations
concernées aux denrées alimentaires. De plus, un important volet
nutritionnel y a été prévu. La mise en oeuvre de ce volet
permettra d'améliorer l'état nutritionnel des populations
bénéficiaires, tout en fournissant aux municipalités, un
tableau de bord régulièrement actualisé sur la situation
alimentaire et nutritionnelle des groupes cibles. L'on entreprendra
également la valorisation des plats et recettes culinaires usuels et de
ceux en voie d'extinction au niveau des communautés ainsi que
l'élaboration de la table de composition des aliments du Bénin.
Le PNSA est donc un atout pour l'amélioration durable du statut
alimentaire et une contribution significative à l'amélioration de
l'état nutritionnel de l'enfant. En attendant son financement et sa mise
en oeuvre futurs, le gouvernement a procédé avec l'accord des
partenaires au développement à la réorientation des
projets et programmes actuellement en cours et comportant des volets de
production alimentaire afin qu'à court et moyen termes, la
disponibilité alimentaire soit assurée aux populations Le but
recherché est de soustraire les ménages à l'effet pervers
de la cherté de la vie découlant depuis quelque temps de la
flambée, au plan mondial, des prix des denrées de première
nécessité. C'est également dans cette rubrique que
s'inscrivent le Programme d'urgence d'appui à la sécurité
alimentaire (PUASA) et le Programme de diversification agricole pour l'emploi
des jeunes financés par le budget national (PDAEJ).
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