Le crime d'agression en droit international pénal, portée et enjeux de la révision de Kampala( Télécharger le fichier original )par Olivier Lungwe Fataki Université Catholique de Bukavu - Licence 2016 |
b. Les Antécédents des TM de Nuremberg et de TokyoS'il n'a trouvé aucune application, l'article 227 du Traité de Versailles constitue cependant une source féconde pour d'intenses travaux de réflexion (...)44(*). La deuxième Guerre Mondiale avait fait l'occasion des multiples violations humanitaires dont les auteurs ne sauraient rester impunis. Au cours de cette guerre, et en particulier avec les déclarations de Moscou de 1943 et de Potsdam de 1945, les Alliées (la France, le Royaume-Uni, les Etats-Unis et l'Union Soviétique) avaient affirmé que les criminels de guerre des puissances de l'Axe seraient punis de manière exemplaire à la fin du conflit45(*). Avec l'Accord de Londres du 8 aout 194546(*), les Alliés formalisèrent la décision d'instituer un Tribunal militaire, siégeant en Allemagne (Nuremberg), qui aurait comme tache de juger les plus grands criminels de guerre Nazis. C'est ainsi qu'il a été institué le Tribunal militaire international (TMI) de Nuremberg en exécution de l'Accord de Londres47(*). Un autre Tribunal militaire international, plus connu sous la dénomination, de Tribunal de Tokyo, fut constitué pour connaître des crimes commis en Extrême-Orient. C'est un Décret, pris par le Général Mac Arthur (Commandant suprême des Puissances Alliées en Extrême-Orient) en date du 19 janvier 1946 et conformément à la Conférence de Potsdam, qui avait institué le Tribunal de Tokyo48(*). A cet effet, la guerre d'agression est, pour la première fois, qualifiée de crime « contre la paix » et sanctionnée pénalement ; elle constitue, selon le Statut du T.M.I. de Nuremberg, une infraction internationale à part entière, et un fondement d'une responsabilité pénale individuelle49(*). L'Accord établissait la compétence matérielle du tribunal en lui conférant pour mission de juger les crimes contre la paix, les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité. Se référant au paragraphe a de l'article 6 du statut du tribunal militaire International, « il est soumis à la juridiction du tribunal militaire international les crimes contre la paix : c'est-à-dire la direction, la préparation, le déclanchement ou la poursuite d'une guerre d'agression, ou d'une guerre en violation des traités, assurances ou accords internationaux, ou la participation à un plan concerté ou à un complot pour l'accomplissement de l'un quelconque des actes qui précèdent50(*) ». Au sens de cet article, le crime contre la paix était envisagé de trois façons distinctes : - La direction, la préparation, le déclenchement ou la poursuite d'une guerre d'agression ; - La guerre en violation des traités, assurances ou accords internationaux ; - La participation à un plan concerté ou à un complot pour l'accomplissement de l'un quelconque des cas susvisés51(*). Ayant tracé la voie de la responsabilité pénale des chefs en tant que tels, l'Accord de Londres précisait que les dirigeants, les organisateurs, les provocateurs ou les complices qui auraient pris part à l'élaboration ou à l'exécution d'un plan concerté ou d'un complot pour commettre l'un quelconque des crimes ainsi définis52(*) sont responsables de tous les actes accomplis par toute personne en exécution de ce plan53(*). L'article 7 insistait et excluait formellement que le fait d'avoir été chef d'Etat ou d'avoir assumé des responsabilités au niveau gouvernemental puisse être une excuse ou une source d'atténuation des sanctions. Enfin, l'article 8 dispose que le fait d'avoir agi conformément aux instructions de son gouvernement ou d'un supérieur hiérarchique ne dégagera pas l'auteur de sa responsabilité, mais pourra être considéré comme un motif de diminution de la peine, si le Tribunal décide que la justice l'exige. Sur le modèle du Statut du TMI de Nuremberg, le crime contre la paix se décomposait en quatre phases distinctes qui correspondaient à quatre incriminations autonomes. La participation à elle seule suffisait pour engager la responsabilité pénale de l'individu. Deux critères prévalaient à la détermination des auteurs de l'acte d'agression : · le fait matériel de participer à un acte d'agression, et · le fait que cette participation ait été intentionnelle et exécutée en connaissance de cause, dans le cadre d'un plan ou politique d'agression54(*). La définition du crime contre la paix ci-haut donnée se rapportait à l'agression commise par des individus et s'inscrivait dans une perspective du droit pénal international dont les textes constitutifs de TMI furent les premières pierres importantes. L'accord de Londres aura alors été un acquis dans les suivants travaux sur la définition de l'agression qu'on considérera d'une part comme crime de l'Etat dans la Résolution 3314(XXIX) et d'autre part comme crime de l'individu dans le Statut de Rome révisé. * 44 J.P. BAZELAIRE et T. CRETIN, La justice pénale internationale, Paris, PUF, 2000, p. 16. * 45S. ZAPPALA, La justice internationale, Paris, Ed. Montchrestien, 2007, p. 55. * 46Accord de Londres du 08/08/1945. Dans Telford TAYLOR, Les procès de Nuremberg : Crimes de guerre et droit international, Paris, Bulletin de conciliation international N0 450, Avril 1949, pp. 335-349. * 47 Article 1 du Statut du Tribunal militaire international, annexé à l'Accord de Londres du 08/08/1945. Dans Telford TAYLOR, Op. cit., pp. 335-349. * 48 L. CONDORELLI, cité par V. M.METANGMO, Op. cit., p. 52. * 49 H. ASCENSIO, E. DECAUX et A. PELLET, Op. cit., p. 251. * 50 Article 6.a du Statut du Tribunal militaire international. Dans Telford TAYLOR, Op. cit., p. 339. * 51 J.P. BAZELAIRE et T. CRETIN, Op. cit.,p. 21. * 52En ce compris le crime contre la paix, le crime de guerre et le crime contre l'humanité. * 53Article 6 du Statut du TMI de Nuremberg. Déjà cité. * 54 H. ASCENSIO, E. DECAUX et A. PELLET, Op. cit., p. 259. |
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