Le crime d'agression en droit international pénal, portée et enjeux de la révision de Kampala( Télécharger le fichier original )par Olivier Lungwe Fataki Université Catholique de Bukavu - Licence 2016 |
Section III. LE CRIME D'AGRESSION DANS LE STATUT DE ROME REVISEDepuis 1945, tel que dit plus haut, l'Accord de Londres avait marqué une démarche tendant à incriminer l'agression comme imputable à l'individu. Initialement, le crime d'agression était prévu à l'article 5 du Statut de Rome de la CPI sans définition aucune. La définition du crime d'agression dans le Statut de Rome s'est révélée le résultat d'un processus qui est parti de la mission de définir ce crime confiée au Groupe de Travail Spécial sur le Crime d'Agression depuis 1999 et qui a chuté à la Conférence de Révision du Statut de Rome tenue à Kampala du 31 mai au 11 juin 2010. Cette section a ceci de particulier qu'elle analysera la portée du Statut de Rome (§1) qui consacre une définition du crime d'agression comme crime individuel (§2), avant de faire le point sur la répression du crime d'agression et le rôle du Conseil de sécurité (§3) en matière d'agression. §1. Portée juridique du Statut de Rome de la CPILe Statut de Rome du 17 juillet 1998 est un instrument juridique complexe, car il est tout à la fois un traité de codification du droit international pénal et un traité instituant une juridiction internationale pénale à vocation universelle permanente, en l'occurrence, la Cour Pénale Internationale. Il est par ailleurs complété d'instruments inédits en droit international, tels que le Règlement de procédure et de preuve (RPP)122(*) et les Éléments des crimes123(*). En tant qu'un Traité international, le Statut de Rome peut être entendu comme un accord multilatéral de volontés par lequel plusieurs Etats124(*), ici qualifiés Etats parties, entendent créer entre eux un rapport juridique à savoir, la répression des crimes internationaux sur la base de la responsabilité pénale individuelle à titre complémentaire. De ce fait, les règles de la Convention de Vienne sur le droit des traités lui sont applicables. Comme tout traité, le Statut de Rome produit des effets juridiques entre les Etats Parties en créant des obligations et des droits dans leurs rapports mutuels. Tel est le cas de l'obligation pour les Etats parties de coopérer avec la Cour prévue à l'article 86 du statut de Rome. Le Statut de Rome présente, entre Etats parties, un caractère obligatoire d'autant plus que « tout traité lie les parties et doit être exécuté par elles de bonne foi125(*) », c'est la traduction française de l'adage latin « Pacta sunt servanda ». Il revêt néanmoins un caractère relatif à l'égard des Etats tiers parce qu'un traité, n'ayant en principe d'effets qu'à l'égard des Etats contractants, ne crée ni obligations ni droits pour un Etat tiers sans son consentements126(*). Ce Statut n'admet aucune réserve quant aux dispositions qu'il contient. L'on peut noter en guise du tempérament à la relativité du Statut de Rome que celui-ci pourrait s'appliquer à un Etat non partie si ce dernier reconnait la compétence de la CPI. Par rapport à sa révision, le Statut de Rome, entré en vigueur le premier juillet 2002, dispose à son article 123 point 1 que « sept ans après son entrée en vigueur, le Secrétaire général de l'Organisation des Nations Unies convoquera une conférence de révision pour examiner tout amendement. L'examen pourra porter notamment, mais pas exclusivement, sur la liste des crimes figurant à l'article 5. La conférence sera ouverte aux participants à l'Assemblée des États Parties, selon les mêmes conditions ». Pour l'histoire, l'insertion du crime d'agression dans le Statut de Rome parmi les crimes relevant de la compétence de la Cour Pénale internationale a été acceptée, sans pour autant que cette compétence soit effective. L'article 5 paragraphe 2 disposait, en effet, que « la Cour exercera sa compétence à l'égard du crime d'agression quand une disposition aura été adoptée conformément aux articles 121 et 123, qui définira ce terme et fixera les conditions dans lesquelles s'exercera la compétence de la Cour à son égard »127(*). La définition du crime d'agression devrait alors être incorporée au Statut sous la forme d'un amendement, qui n'entrera en vigueur qu'à l'égard des Etats l'ayant ratifié. C'était donc resté, depuis 2002, une compétence de principe, dont l'aboutissement a été conditionné aux résultats à obtenir d'une commission préparatoire qui allait être désignée aux fins de dégager une définition viable de l'agression128(*). L'on ne manquera pas de s'étonner du fait qu'a été gelée l'incrimination d'un fait dont le Tribunal militaire international de Nuremberg avait dit que c'était « le crime international suprême, ne différant des autres crimes de guerre que du fait qu'il les contient tous »129(*). Il est également curieux qu'on ait semblé considérer que ni le concept défini dans les Statuts des Tribunaux militaires internationaux et appliqué par ceux-ci, ni la définition arrêtée par l'Assemblée générale des Nations Unies le 14 décembre 1974, dans sa résolution 3314 (XXIX), après plus de vingt ans de discussions, n'étaient d'une quelconque utilité pour la définition de l'infraction portée par le Statut130(*). Depuis longtemps, les avis des Etats divergeaient quant à savoir si l'on devrait citer, dans la future définition du crime d'agression, toute la résolution 3314 (XXIX) ou seulement certains articles de la résolution131(*). Certains Etats estimaient que la résolution 3314 ne s'applique pas à la Cour et donc ne devrait pas être citée dans la définition de l'acte d'agression d'un Etat, étant donné qu'elle devait servir comme recommandation pour le Conseil de sécurité132(*). Finalement, la Conférence de juin 2010 à Kampala a opté pour une définition qui chevauche la résolution 3314 (XXIX) des NU et le Statut du TMI de Nuremberg en rapport avec le crime contre la paix. * 122 Disponible en ligne sur http://www.icc-cpi.int/library/about/officialjournal/Rules_of_procedure_and_Evidence_French.pdf Visité le 13 mars 2015. * 123 http://www.icc-cpi.int/library/about/officialjournal/ Element_of_Crimes_French.pdf Visité le 13 mars 2015. * 124 M. CIFENDE, Op., cit., p. 239. * 125 Article 26 de la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969. Dans M. CIFENDE et S. SMIS, Op., cit., pp. 64-74. * 126 Article 34 de la Convention de Vienne sur le droit des traités. Déjà citée. * 127 Art. 5 par 2 du Statut de Rome de la CPI dans sa version (non révisée) d'avant 11 juin 2010. Déjà cité. * 128 H. ASCENSIO et Alii, Op., cit., p. 262. * 129 Telford TAYLOR, Op., cit., p. 65. * 130 E. David, Op. cit., p. 371. * 131 Coalition pour la Cour Pénale Internationale, La CPI et le Crime d'agression, Fiche d'information, 1 mai 2007, p. 2. Disponible en ligne sur http://www.iccnow.org/?mod=aggression&lang=fr . Visité le 13 mars 2016. * 132 J.-P. PANCACRIO, Op. cit., p. 21. |
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