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Le crime d'agression en droit international pénal, portée et enjeux de la révision de Kampala

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par Olivier Lungwe Fataki
Université Catholique de Bukavu - Licence 2016
  

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§2. L'Agression comme fait internationalement illicite d'un Etat

Le fait internationalement illicite d'un État fait que celui-ci engage sa responsabilité internationale devant la CIJ ou un tribunal arbitral100(*).

Pour que l'agression soit considérée comme un fait internationalement illicite, en vertu de l'article 2 du Projet d'articles de la CDI sur la responsabilité de l'Etat101(*), il faudrait qu'elle soit attribuable à un État.

Ceci dit, ce paragraphe abordera la notion et l'imputabilité à l'Etat du fait internationalement illicite (a), avant de revenir sur la responsabilité de l'Etat pour fait internationalement illicite (b).

a. Notion et Imputabilité à l'Etat du fait internationalement illicite

1. Notions

Par fait internationalement illicite il faut entendre toute violation du droit international ou tout manquement à une obligation internationale attribuable à un Etat ou à une organisation internationale102(*). Parmi les faits juridiques au sens large, le fait illicite est l'acte juridique constituant l'infraction d'une interdiction établie par l'ordre normatif auquel on se réfère, qui engendre en vertu de ce même ordre des conséquences juridiques particulières (...)103(*). La CDI, lors de sa rédaction du Projet d'article sur la responsabilité de l'Etat, a préféré le concept « fait » à celui d' « acte » pour souligner qu'un manquement au droit international peut être réalisé non seulement par action (le fait) mais aussi par omission ou abstention104(*).

Bref, tout manquement au droit international par action, par omission ou abstention commis par un sujet du droit international entraîne la responsabilité105(*).

La CIJ a eu à mettre en lumière ce double aspect de la responsabilité (par action et par omission) dans l'affaire du Détroit de Corfou où il a été considéré que la responsabilité de l'Albanie était engagée parce qu'elle n'avait pas notifié la présence de mines dans les eaux de ce détroit international, tandis que celle du Royaume-Uni l'était parce qu'il avait procédé de son propre chef au déminage dans les eaux territoriales albanaises (en violation du principe de l'exclusivité des compétences territoriales de l'Albanie)106(*).

Il y a fait internationalement illicite de l'Etat lorsqu'un comportement consistant en une action ou une omission :

· Est attribuable à l'Etat en vertu du droit international; et

· Constitue une violation d'une obligation internationale de l'Etat107(*).

2. L'agression, fait attribuable à un Etat

L'attribution d'une agression à l'Etat constitue une condition pour qu'elle soit considérée comme un fait internationalement illicite.

Il s'avère, on le verra plus tard, que les actes de personnes ou de groupes privés peuvent être considérés comme le fait d'un Etat et comme un acte d'agression attribuable à cet Etat si certaines conditions sont réunies en l'occurrence, l'envoi par un Etat de ces personnes ou groupes ou la participation substantielle de ce même Etat à leur action.

La solution retenue sur ce point dans la résolution 3314 (XXIX) en ce qui concerne spécifiquement l'agression a d'ailleurs été confirmée en termes plus généraux pour ce qui est de l'attribution de tout type d'acte d'agents « de fait » à un Etat108(*). Le critère du contrôle spécifique exercé par un Etat sur les actes de particuliers a ainsi été clairement posé par la CIJ dans l'affaire des activités militaires et paramilitaires au Nicaragua. Il s'agit d'une condition essentielle pour que de tels actes puissent être attribués à l'Etat en cause et soient, finalement, susceptibles d'engager sa responsabilité internationale109(*).

Les critères d'attribution d'actes d'agents ou d'organes de facto dégagés dans l'affaire des activités militaires et paramilitaires au Nicaragua ont néanmoins été remis en cause dans la décision rendue en 1999 par le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie dans l'affaire Tadi'c, en degré d'appel. Appelée à se prononcer sur le caractère international, ou non, du conflit qui déchirait la Bosnie Herzégovine au début des années quatre-vingt-dix, la Chambre d'appel du Tribunal a jugé que le contrôle « global » exercé par les autorités de la République fédérale de Yougoslavie sur les forces serbes présentes en Bosnie suffisait à faire de ces dernières des agents de fait de l'Etat yougoslave et, partant, à internationaliser le conflit110(*). Afin d'atteindre cette conclusion, la Chambre a explicitement répudié le critère des instructions et du contrôle « spécifiques» qui avait été énoncé auparavant par la CIJ dans l'affaire des activités militaires et paramilitaires au Nicaragua.

Le Projet d'articles de la CDI mentionne à ce sujet que le comportement d'une personne ou d'un groupe de personnes est considéré comme un fait de l'Etat d'après le droit international si cette personne ou ce groupe de personnes, en adoptant ce comportement, agit en fait sur les instructions ou les directives ou sous le contrôle de cet Etat111(*).

La détermination de l'imputabilité à l'État se fait également à partir du rôle qu'ont joué les organes de l'État dans la commission de l'agression déjà établie. Ainsi, dans l'affaire opposant la République Démocratique du Congo (RDC) à l'Ouganda, la CIJ va vérifier si l'organe à l'origine de l'agression que disait avoir subie et y avoir répondu dans le cadre d'une légitime défense, l'Ouganda, était ou non un organe de l'État congolais. La Cour, après différentes analyses, est parvenue à la conclusion que les actes reprochés « ne sont pas attribuables à la RDC »112(*) dans le sens de l'article 4 du Projet d'articles de la CDI sur la responsabilité de l'État pour fait internationalement illicite, car « il n'existe pas de preuve satisfaisante d'une implication directe ou indirecte du Gouvernement de la RDC dans ces attaques »113(*). Pour la Cour, il n'y a aucune preuve que le gouvernement congolais soit impliqué directement ou indirectement dans cette agression armée. Ces attaques, sont pour la CIJ, le fait des Forces démocratiques alliées114(*).

* 100 J.-P. PANCACRIO, Un mutant juridique : l'Agression internationale, IRSEM, 2012. p. 47. Disponible en ligne sur www.defense.gouv.fr/content/download/.../Cahier%20n°7%20Mutant%20Juridique.pdf . Visité le 20 janvier 2016.

* 101 Projet d'articles sur la responsabilité de l'Etat pour fait internationalement illicite, annexé à la Résolution de l'AG de l'ONU A/RES/56/83 du 12 décembre 2001. Dans M. CIFENDE KACIKO et S. SMIS, Op. cit, pp. 686-696.

* 102 M. CIFENDE, Op.cit., p. 187.

* 103L. CONDORELI, L'imputation à l'Etat d'un fait internationalement illicite : Solutions classiques et nouvelles tendances, R.C.A.D.I., 1984, p. 26.

* 104 M. CIFENDE, Op.cit., p. 187.

* 105Article 1er du projet d'articles sur la responsabilité de l'Etat pour fait internationalement illicite, annexé à la Résolution de l'AG de l'ONU A/RES/56/83 du 12 décembre 2001. Dans M. CIFENDE KACIKO et S. SMIS, Op., cit., pp. 686-696.

* 106 CIJ, Affaire du Détroit de Corfou, Arrêt du 9 avril 1949. Dans M. CIFENDE, Op. cit., p. 259.

* 107 Article 2 du projet d'articles de la CDI sur la responsabilité de l'Etat pour fait internationalement illicite, annexé à la Résolution de l'AG de l'ONU A/RES/56/83 du 12 décembre 2001. Déjà cité.

* 108P. KLEIN, Op., cit., p. 388.

* 109Ibidem.

* 110TPIY, Affaire Procureur contre Tadi'c, 1999. Disponible en ligne sur http://www.icty.org/x/cases/tadic/acjug/fr/tad-991507f.pdf Visité le 04 janvier 2016.

* 111 Article 8 du projet d'articles de la CDI sur la responsabilité de l'Etat pour fait internationalement illicite, annexé à la Résolution de l'AG de l'ONU A/RES/56/83 du 12 décembre 2001. Déjà cité.

* 112CIJ, arrêt RDC c. Ouganda, § 146, p. 53. Disponible en ligne sur http://www.icj-cij.org/docket/files/116/8315.pdf Visité le 02 novembre 2016.

* 113Ibidem.

* 114 V. M. METANGMO, Op. cit., p. 109.

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