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Le crime d'agression en droit international pénal, portée et enjeux de la révision de Kampala

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par Olivier Lungwe Fataki
Université Catholique de Bukavu - Licence 2016
  

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INTRODUCTION

I.1. Problématique

Le crime d'agression est l'un de quatre crimes internationaux relevant de la compétence ratione materiae de la Cour Pénale internationale qui, aux termes de son Statut, n'est compétente, ratione personae, qu'à l'égard des personnes physiques1(*). Pourtant, à en croire Maurice Kamto, l'agression fait partie de ces actes de violation grave du droit commis par les individus au nom de l'Etat2(*).

Il est indiqué de noter que, dans l'ordre international, la violence entre Etats, en particulier le recours à la force armée, constitue une interdiction formelle3(*).

Ceci dit, est-il encore nécessaire de souligner qu'avant la première guerre mondiale comme sous l'empire du Traité de Versailles de 1919, la licéité de la guerre4(*) était considérée comme le corollaire de la souveraineté des Etats (...), qui, pour les plus grands et les plus puissants, ont été souvent assez réticents à accepter toute limitation de leur droit de recours à la guerre5(*), débouchant notamment à des guerres d'agression.

Au regard de l'article 10 du Pacte de la Société des Nations6(*), l'ambition était de punir les actes d'agression et les Etats agresseurs ; cependant, aucune définition de l'agression n'était unanimement acceptée7(*). Partant, les Etats étaient restés réticents à qualifier une situation d'agression ou alors à réprimer le crime d'agression.

En effet, la Charte des Nations unies confie au Conseil de sécurité le pouvoir de constater l'existence d'une menace contre la paix, d'une rupture de la paix ou d'un acte d'agression ...8(*). Néanmoins, la Charte ne précise pas ce qu'il faut entendre par le terme « agression ». C'est pourquoi une définition juridique s'est révélée non seulement souhaitable, mais aussi nécessaire.

Comme acte de l'Etat et engageant la responsabilité de celui-ci9(*), une définition de l'agression sera, en 1974, coulée dans la résolution 3314 (XXIX)10(*). A ce propos, il appert cependant que la détermination de l'auteur d'un tel acte ne va pas sans difficulté, d'autant plus que l'Etat agresseur n'agit pas toujours directement par lui-même.

En revanche, outre l'incrimination du crime contre la paix, imputable à l'individu, par l'Accord de Londres du 8 août 194511(*), la question de l'agression comme crime individuel s'est posée avec une particulière acuité à la Conférence de Rome de juillet 1998 sur le Statut de la CPI12(*). Les Etats n'étaient pas parvenus à se mettre d'accord sur une définition de l'agression en tant que crime particulier ; partant, la CPI ne pouvait donc pas poursuivre ce crime bien que prévu dans son Statut entré en vigueur le 1er juillet 2002.

Pour W. Bourdon et E. Duverger, les contours exacts de cette qualification juridique demeurait alors à préciser pour la simple raison qu'il s'agit bien évidement du crime international par nature le plus politique, si bien que les Etats ont toujours eu la préoccupation obstinée de n'être jamais liés par une quelconque définition afin de conserver les mains libres, (...)13(*).

De son coté, S. Zappala opine que les difficultés concernant la définition du crime d'agression continuaient d'exister pour une double raison : d'une part, à cause de l'incertitude sur l'admissibilité de la légitime défense préventive, et d'autre part, à cause des problèmes concernant le rôle que doit jouer le Conseil de sécurité de l'ONU afin d'établir qu'un acte d'agression a eu lieu14(*).

Qui plus est, Eric David lui renseigne que la vraie raison est claire : l'agression est une infraction trop grave pour que sa poursuite soit laissée à l'appréciation discrétionnaire d'un « simple » procureur, (...) les grandes puissances n'avaient pas voulu instituer un procureur en forme d'« électron libre » pour des faits qui relèvent de leurs choix politiques les plus fondamentaux15(*).

Pour en finir, après de longues discussions techniques et négociations politiques qui ont duré une dizaine d'année, renseigne Maurice Kamto, le Groupe de travail spécial sur le crime d'agression proposa à l'Assemblée des Etats parties (AEP) au Statut de Rome une définition du crime d'agression. C'est ainsi que l'AEP l'adopta enfin lors de la Conférence de révision du Statut de la CPI qui a eu lieu à Kampala du 31 mai au 11 juin 2010.

Aux termes de la Résolution de Kampala16(*), le crime d'agression est entendu comme « la planification, la préparation, le lancement ou l'exécution par une personne effectivement en mesure de contrôler ou de diriger l'action politique ou militaire d'un État, d'un acte d'agression qui, par sa nature, sa gravité et son ampleur, constitue une violation manifeste de la Charte des Nations Unies17(*)». Dans ce sens, l'«acte d'agression» est entendu ici comme l'emploi par un État de la force armée contre la souveraineté, l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique d'un autre État, ou de toute autre manière incompatible avec la Charte des Nations Unies18(*).

Il n'en demeure pas moins qu'en observant la définition ci-dessus, l'on remarque que d'une part le crime d'agression est défini par allusion au crime contre la paix dans le Statut du TMI de Nuremberg19(*), et d'autre part l'acte d'agression s'inspire de la Résolution 3314 (XXIX) de l'Assemblée générale de Nations-Unies20(*). Force est alors de se poser la question de savoir quel est l'apport de l'Assemblée des Etats parties au Statut de Rome dans la réforme de la définition du crime d'agression ?

En d'autres termes :

Existe-t-il une différence de fond entre le concept d'agression contenu dans la Résolution 3314 (XXIX) de l'Assemblée Générale des NU et l'Article 8 bis du Statut de Rome ?

Si l'agression est le crime d'Etat par excellence, comment établir la responsabilité pénale individuelle ?

* 1Voir l'article 25, par. 1 du Statut de la Cour Pénale Internationale. Disponible en ligne sur http://www.icc-cpi.int/NR/rdonlyres/6A7E88C1-8A44-42F2-896F-D68BB3B2D54F/0/Rome_Statute_French.pdf Visité le 20 novembre 2015.

* 2 M. KAMTO, l'agression en droit international, Paris, Ed. A. Pedone, 2010, p. 278.

* 3 Au sens de l'article 2 point 4 de la Charte des Nations-unies, « les Membres de l'Organisation s'abstiennent, dans leurs relations internationales, de recourir à la menace ou à l'emploi de la force, soit contre l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique de tout Etat, soit de toute autre manière incompatible avec les buts des Nations Unies ».

* 4 P. REUTER, Institutions internationales, Paris, PUF-THEMIS, 1962, p. 148.

* 5V. M. METANGMO, Le crime d'agression : recherches sur l'originalité d'un crime à la croisée du droit international pénal et du droit international du maintien de la paix, Law. Université du Droit et de la Santé - Lille II, 2012. P. 22. V. M. METANGMO, Le crime d'agression : recherches sur l'originalité d'un crime à la croisée du droit international pénal et du droit international du maintien de la paix, Thèse, Law. Université du Droit et de la Santé - Lille II, 2012. Disponible en ligne sur https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00790864/document Visité le 1er décembre 2015.

* 6 Cet article dispose que « les membres de la SdN s'engagent à respecter et à garantir contre toute agression extérieure l'intégrité territoriale et l'indépendance politique présentes de tous les Etats membres de la Société ».

* 7 T. FURAHA, Notes de Cours de Droit de la Sécurité internationale, Université Catholique de Bukavu, Fac Droit, L2, 2014-2015, inédit, p. 9.

* 8 Article 39 de la Charte de l'ONU, Dans M. CIFENDE KACIKO et S. SMIS, Code du droit international africain, Bruxelles, de Boeck et Larcier, 2011, pp. 5-24.

* 9 M. KAMTO, Op. cit., p. 275.

* 10Aux termes de l'article premier de cette Résolution, l'agression est comprise comme « l'emploi de la force armée par un Etat contre la souveraineté, l'intégrité territoriale ou l'indépendance politique d'un autre Etat, ou de toute autre manière incompatible avec la Charte des Nations Unies ».

* 11 L'article 6 point a définit le Crime contre la paix comme « la direction, la préparation, le déclenchement ou la poursuite d'une guerre d'agression ou d'une guerre en violation des traités, assurances ou accords internationaux, ou la participation à un plan concerté ou à un complot pour l'accomplissement de l'un quelconque des actes qui précèdent ».

* 12 M. KAMTO, Op. cit, p. 274.

* 13W. Bourdon et E. Duverger, Cour pénale internationale, le Statut de Rome, Paris, Ed. du Seuil, 2000, p. 37.

* 14S. ZAPPALA, La justice internationale, Paris, Ed. Montchrestien, 2007, p. 49.

* 15 E. David, La Cour Pénale Internationale, Bruxelles, Bruylant, 2005, p. 371.

* 16Résolution RC/Res.6, treizième séance plénière, 11 juin 2010.Disponible en ligne sur https://www.icc-cpi.int/iccdocs/asp_docs/Resolutions/RC-Res.6-FRA.pdf. Visité le 02 mars.

* 17 Article 8 bis point 1 du Statut de Rome. Disponible en ligne sur http://www.icc-cpi.int/NR/rdonlyres/6A7E88C1-8A44-42F2-896F-D68BB3B2D54F/0/Rome_Statute_French.pdf

* 18 Article 8 bis point 2 du Statut de Rome. Déjà cité.

* 19 Voir Article 6 par 1. a et par 2 du Statut du TMI de Nuremberg. Dans Telford TAYLOR, Les procès de Nuremberg : Crimes de guerre et droit international, Paris, Bulletin de conciliation international N0 450, Avril 1949, p. 150.

* 20 Voir Article 1er de la résolution 3314. Dans M. CIFENDE KACIKO et S. SMIS, Code du droit international africain, Bruxelles, de Boeck et Larcier, 2011, p. 89.

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote