WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

L'Espagne en France. Les centres culturels espagnols dans l'hexagone au XXe siècle.

( Télécharger le fichier original )
par Julien JACQUES
Université Paris I Panthéon-Sorbonne - Master 2 recherche Histoire des relations internationales et des mondes étrangers 2015
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

CHAPITRE IV

LA POLITIQUE CULTURELLE EXTÉRIEURE DE L'ESPAGNE

Le premier chapitre de la deuxième partie de ce travail se consacre à la politique culturelle de l'Espagne tournée vers l'étranger. Une première sous-partie s'intéresse aux prémices de la diplomatie culturelle espagnole qui est d'abord essentiellement orientée vers l'Amérique latine, pour des raisons historiques et linguistiques évidentes. Pendant quelques décennies, l'Espagne laissa la politique culturelle de côté mais elle fut rapidement relancée par Franco pour légitimer son pouvoir, c'est ce qui est étudié dans une seconde sous-partie. Enfin, ce chapitre se terminera par la politique culturelle actuelle de l'Espagne qui accumule les organisations culturelles à l'étranger. Le chapitre IV donne une première vision du réseau culturel de l'Espagne dans le monde.

A) Les prémices de la politique culturelle extérieure de l'Espagne

Nous avons déjà fait remarquer, en introduction, que la diplomatie culturelle trouvait ses racines au XIXe siècle au coeur des ambitions des grandes puissances européennes par le biais de l'archéologie à l'image de la France qui fonda en 1846 l'École française d'Athènes et celle de Rome en 18751(*). Les ambitions de l'Espagne ne furent pas ancrées dans l'archéologie mais elle ne fut pas étrangère à la tendance comme tient à nous le rappeler Pablo de Jevenois Acillona dans son ouvrage incontournable sur la Dirección General de Relaciones Culturales y Científicas2(*).

Par le décret du 5 août 1873, signé par le ministre d'État Santiago Soler y Pla, la Première République espagnole, sous la présidence de Nicolás Salmerón, décida de créer la Escuela española de Bellas Artes de Rome pour l'accueil des artistes3(*) à l'emplacement de l'ancienne église de Santiago sur la place Navonne. Mais la loi italienne de 1873, qui dissolvait les communautés religieuses et nationalisait leurs biens, permit au gouvernement espagnol de récupérer, après une longue bataille juridique, le couvent de San Pietro in Montorio, ancienne propriété de la couronne d'Espagne sur la colline du Janicule. Finalement la rénovation à partir de 1879 de ce couvent permit à la première institution culturelle espagnole à l'étranger de s'y établir4(*). La monarchie rétablie, le roi Alphonse XII inaugura ce projet républicain le 23 janvier 18815(*). En Espagne, les préoccupations des relations culturelles avec l'étranger naquirent au début du XXe siècle autour d'intellectuels associés à la Institución Libre de Enseñanza6(*). En 1907, ils fondèrent la Junta para Ampliación de Estudios e Investigaciones Científicas7(*) relevant du ministère de l'Instruction publique8(*), qui avait pour mission « de mettre fin à la ségrégation intellectuelle de l'Europe9(*) ». Cette institution organisait les échanges de professeurs et d'étudiants espagnols avec les pays voisins en fournissant des bourses de qualité et en favorisant la présence de professeurs espagnols dans différentes universités européennes1(*)0. Par ces missions, le milieu intellectuel espagnol devait préparer « la réforme éducative, le progrès scientifique, le développement économique et l'ouverture politique, avec en ligne de mire, la construction d'un pays moderne, cultivé, tolérant et dynamique, surmontant ainsi l'image oligarchique, arriérée et fanatique » de l'Espagne1(*)1. Le professeur Lorenzo Delgado Gómez-Escalonilla, dans un dossier sur la politique culturelle de l'Espagne, nous dit qu'entre 1910 et 1934, 95% des pensionnaires de la JAE entreprirent un voyage à l'étranger, notamment en Allemagne et en France1(*)2. Il explique également que les membres de la JAE furent aussi à l'origine de nombreux centres destinés à établir des relations culturelles avec les pays voisins tels l'Ecole d'Archéologie et d'Histoire à Rome, le Comité de rapprochement franco-espagnol ou encore le Comité hispano-anglais1(*)3. Bien que l'apport de la JAE dans les domaines scientifiques et culturels fut important, avec la création de plusieurs instituts nationaux comme le Centre d'Etudes historiques ou l'Institut national de Sciences physico-naturelles, le bilan fut plus mitigé dans les relations avec les universités qui voyaient en la JAE un concurrent1(*)4.

D'abord tournée vers l'Europe, l'Espagne comprit rapidement l'importance des relations avec l'Amérique latine pour accroître son expansion et son influence. Ainsi, dès 1910, il fut décidé de renforcer ces échanges avec l'Amérique latine1(*)5. Ils prirent l'aspect de relations entre certaines institutions espagnoles comme la JAE, l'Université d'Oviedo ou même le Musée pédagogique national et les centres culturels créés en Amérique latine par les exilés espagnols1(*)6. Par le biais de la JAE, l'Espagne renforça également les liens avec les États-Unis avec la création de l'Instituto de las Españas à New-York qui permit aux étudiants espagnols de venir étudier dans les universités américaines en échange de la formation de professeurs d'espagnol requis par ces dernières1(*)7. Ceci dit, l'ouverture des relations vers l'Amérique latine n'était pas seulement liée à des raisons historiques ; les intellectuels espagnols, regroupés autour du professeur Américo Castro, voulurent profiter de l'explosion démographique sur ce continent, du développement de l'hispanisme dans le monde, notamment en France1(*)8, et des vagues d'émigrations des populations hispanophones pour renforcer et amplifier l'influence de l'Espagne à l'étranger1(*)9 principalement à travers l'enseignement de la langue et le renforcement des liens atlantiques2(*)0. Cette « vitalité hispanique dispersée dans le monde », comme la désignait Américo Castro2(*)1, pouvait être accentuée par « les échanges culturels, artistiques, scientifiques avec les pays d'Amérique du Sud, les colonies d'émigrants dans divers pays, par le maintien de l'espagnol aux États-Unis, à Porto Rico et aux Philippines ou par sa récupération par les communautés séfarades dans les Balkans ou en Afrique du Nord2(*)2 ». Ainsi naquit en 1921 un premier bureau des relations culturelles avec l'extérieur, la Oficina de Relaciones Culturales Españolas, qui avait pour stratégie de renforcer la connaissance de la nation à l'étranger en renforçant les liens avec les hispanistes de nombreux pays, avec les communautés hispanophones réparties dans le monde et les liens avec les républiques latino-américaines. Ces missions consistaient également à envoyer des livres à diverses bibliothèques espagnoles à l'étranger, à créer des écoles pour les émigrés en France et en Afrique du Nord et à faciliter le travail des institutions culturelles en Amérique2(*)3.

Cette première sous-partie nous a permis de connaître les fondements de la politique culturelle à l'extérieur de l'Espagne. Basé sur le modèle français, le réseau d'instituts culturels espagnols originel avait pour principales missions la rénovation des élites intellectuelles et scientifiques de l'Espagne pour changer l'image négative que renvoyait le pays à cette époque. Cette mission passait aussi par le renforcement des liens avec les communautés hispanophones à l'extérieur et par le profit de l'expansion rapide de l'espagnol dans le monde et ainsi accroître le poids international de l'Espagne. Mais à partir des années 1920 et jusqu'aux années 1970, la politique culturelle extérieure servit de moyen de propagande aux dictatures de Primo de Rivera puis de Franco.

B) La politique culturelle extérieure au service des dictatures

L'instrumentalisation de la culture au service de la politique fit son apparition sous la dictature de Primo de Rivera entre septembre 1923 et janvier 19302(*)4. Suite au coup d'État de Barcelone, de nombreux intellectuels démissionnèrent de la Oficina de Relaciones Culturales Españolas qui fut remodelé au sein d'un « plan d'expansion culturelle et de propagande politique » destiné à changer l'image des Espagnols considérés comme « un peuple de clergé et de combattants où l'inculture et le fanatisme possède son siège naturel et une chambre confortable »2(*)5. En 1926, le ministre des Affaires étrangères, M. Yanguas, en énumérait les missions :

Maintenir, renforcer et accroître les contacts avec les républiques hispano-américaines, dispenser un enseignement de la langue et de la culture espagnole aux nombreuses communautés d'Espagnols réparties dans des pays distincts, entre autres, en France, en Italie, au Maroc, en Algérie et en Tunisie, et la nécessité de syncrétisme, d'harmonisation et de mise en évidence des traits communs de la culture espagnole2(*)6.

Les missions restaient sensiblement les mêmes mais, la même année, le Bureau des relations culturelles devint un Conseil des relations culturelles (Junta de Relaciones Culturales) accordant des subventions à des initiatives culturelles principalement tournées vers l'Amérique du Sud où se consacraient toutes les politiques de renforcement du prestige de l'Espagne. Dans ce sens, ce nouveau conseil réforma également institutionnellement et pédagogiquement la Cité universitaire de Madrid, « conçue comme une future enclave culturelle hispano-américaine » ou encore l'Exposition Universelle ibéro-américaine de 1929 à Séville2(*)7. Toutefois, l'action de la Junta de Relaciones Culturales concrétisa quelques projets en Europe comme la création d'un centre culturel à Bologne en 1927 ou l'ouverture du Collège d'Espagne à la Cité internationale universitaire de Paris en 1935 grâce, en particulier à la Junta para Ampliación de Estudios e Investigaciones Científicas2(*)8. Malgré ces réalisations, les chercheurs espagnols parlent, aujourd'hui, d'une seule voix pour affirmer que l'action de la Junta de Relaciones Culturales resta invisible jusqu'à la Seconde République et se développa rapidement pendant les années 19402(*)9. Après la démission de Primo de Rivera en 1930 et l'exil du roi Alphonse XIII suite aux élections municipales de 1931 remportées par les Républicains, la Seconde République fut proclamée. Ce système politique rencontra la faveur des intellectuels et accueillit plus ouvertement les modèles politiques de l'étranger se traduisant par une politique renforcée dans le domaine culturel et la projection internationale3(*)0. Par le décret du 27 octobre 1932, la Seconde République dicta les premières normes sur l'enseignement de l'espagnol à l'étranger3(*)1, ainsi la Junta de Relaciones Culturales concentra sa politique culturelle extérieure sur l'éducation des émigrés afin de préserver leur identité culturelle. Cette orientation se traduisit par la création de nouvelles écoles espagnoles en Andorre et au Portugal ainsi que l'ouverture de vingt et une classes d'espagnol dans les écoles en France et en Algérie3(*)2. Cependant la politique culturelle extérieure de la Seconde République ne se focalisa pas seulement sur l'éducation des émigrés mais aussi sur l'ouverture de centres culturels espagnols à l'étranger. En 1932, l'ambassadeur d'Espagne à Paris, Salvador de Madariaga, était persuadé que la culture pouvait donner à l'Espagne un rang de premier ordre dans le monde et souhaitait développer un centre d'expansion de la culture espagnole sur le modèle de l'Alliance française3(*)3. Même si un tel modèle n'existait pas avant l'Instituto Cervantes, la Seconde République inaugura, en 1935, l'Académie des Beaux-Arts de Rome et le Collège d'Espagne à Paris puis, en 1936, lança le projet d'un collège d'Espagne à Londres3(*)4. Quatre instituts d'enseignement furent également ouverts, deux en France (à Marseille et Saint-Denis) et deux au Portugal (à Lisbonne et Porto)3(*)5, ainsi que de nombreuses écoles en France3(*)6. L'action culturelle de la Seconde République fut importante car elle détacha également les premiers attachés culturels auprès des ambassades en France, aux États-Unis et en Argentine, accentua les échanges d'étudiants avec la France, l'Allemagne et le Royaume-Uni et augmenta les subventions accordées aux académies et associations qui diffusaient la culture espagnole à l'étranger3(*)7.

Après le désastre de la Guerre civile, la politique culturelle fut relancée par Franco pour montrer une plus belle image de la dictature. Mais le régime franquiste dut faire face à une pénurie de professeurs qui avaient fui le pays pour s'exiler à Paris, Londres ou encore Bruxelles et au sentiment anti-franquiste qui se faisait sentir en Europe3(*)8. Ainsi, Franco mit fin à l'expansion culturelle entamée en Amérique latine et aux échanges culturels avec les États-Unis et se tourna, peu avant la Seconde Guerre mondiale vers les régimes fascistes allemand et italien. Les échanges culturels et techniques avec les pays de l'Axe s'intensifièrent et l'Allemagne, comme l'Italie, ouvrirent leur premier centre culturel à Madrid à ce moment-là3(*)9. Pour autant, les puissances alliées n'abandonnèrent pas leur politique culturelle envers l'Espagne, un institut britannique et un centre étasunien ouvrirent dans la capitale espagnole pour contrer l'influence fasciste. Toutefois, la diplomatie culturelle fut soumise à la politique étrangère du régime et la germanophilie initiale laissa la place à un rapprochement avec les États-Unis et l'Amérique latine autour du concept « d'Hispanité4(*)0 ». En 1946, pour « maintenir les véhicules spirituels entre tous les peuples qui composent la communauté culturelle de l'Hispanité4(*)1 », fut inauguré l'Instituto de Cultura Hispánica sous la présidence de Joaquín Ruiz-Giménez Cortés. Cet organisme autonome dépendant du ministère des Affaires étrangères consistait en une politique de bourses et d'échanges inter-universitaires entre l'Espagne et l'Amérique latine4(*)2. Cette politique fut très active et renforça les liens entre l'Espagne et ses anciennes colonies. L'Espagne accorda de très nombreuses bourses aux étudiants sud-américains qui venaient ensuite étudier en Espagne et rapportaient leurs expériences en Amérique latine permettant à l'Espagne d'influer sur les décisions économiques et politiques de ces pays4(*)3. Les autorités françaises furent d'ailleurs très inquiètes de la perte d'influence de la France face « à la dynamique de la technique anglo-saxonne et à l'offensive culturelle espagnole4(*)4 ». En 1968, Gregorio Marañon, le directeur de l'Institut à l'époque, accorda un entretien à la revue l'Européen et revint sur la réussite de son institution4(*)5. L'Instituto de Cultura Hispánica avait créé une cinquantaine d'organismes en Amérique rapprochant l'Espagne de ses anciennes colonies. De plus, d'abord orientée vers les échanges culturels, la politique de cet organisme se tourna vers un rapprochement économique et l'idée d'un marché commun entre l'Espagne et l'Amérique latine4(*)6. Les populations d'Amérique latine accueillirent avec ferveur ce rapprochement ibéro-américain comme le firent remarquer les ambassades de France au Panama et au Salvador lors de la visite, en 1975, du duc de Cadix Alphonse de Bourbon alors directeur de l'Institut4(*)7. Par l'Instituto de Cultura Hispánica, nous pouvons déjà constater le désir de Franco et de l'Espagne de jouer le rôle de passerelle entre l'Amérique du Sud et l'Europe.

Mais la politique culturelle de Franco ne se tourna pas seulement vers l'Amérique latine. En effet, par le biais de la Dirección General de Relaciones Culturales y Científicas4(*)8, créée par la loi organique du ministère des Affaires étrangères du 31 décembre 1945, l'Espagne entreprit l'ouverture de centres culturels en Europe et en Afrique du Nord : l'Institut d'Espagne à Londres (1946), l'Institut Polytechnique de Tanger (1946), la Bibliothèque espagnole de Paris (1951) et l'Institut d'Espagne à Munich (1956). En décembre 1953, la DGRCC eut à sa charge les instituts d'Espagne de Rome, Londres, Naples, Lisbonne et Tanger, ainsi que le Collège d'Espagne à Paris et l'Académie des Beaux-Arts de Rome, ajoutés à diverses écoles en Andorre, en France et en Afrique du Nord4(*)9. Franco dirigea sa politique culturelle également vers les pays arabes grâce à l'action de l'Instituto Hispano-Árabe de Cultura, ouvert en 1954. Ainsi, il fut possible d'ouvrir des instituts au Caire (1954), à Alexandrie (1955), Beyrouth (1955), Tunis (1957), Damas et Bagdad (1959), sans oublier la Casa de Santiago de Jérusalem (1956) et les renforcements des liens avec le Maroc nouvellement indépendant5(*)0. Dans les années 1950, les relations culturelles avec l'Espagne se normalisèrent après son entrée au sein de l'UNESCO en 1952 puis à la Convention Culturelle Européenne en 19575(*)1. Les échanges de professeurs accrurent et les ouvertures de Casas de España, orchestrées par le Direction générale de l'émigration du ministère du Travail et des Affaires sociales en liaison avec l'Institut espagnol d'émigration, se multiplièrent pour répondre aux demandes éducatives des émigrants5(*)2.

Cette seconde sous-partie nous a montré l'importance de la diplomatie culturelle dans les relations extérieures pour les dictateurs, notamment Franco qui multiplia les créations pour développer la présence espagnole dans le monde. Avec la normalisation progressive des relations extérieures de l'Espagne, l'action culturelle perd de son ampleur et il faudra attendre la mort de Franco en 1975 pour que l'Espagne remodèle son action culturelle à l'étranger.

C) La politique culturelle de l'Espagne à l'extérieur depuis les années 1980

L'ouverture de centres culturels continua dans les années 1970, à Amman en 1971, à Dublin en 1974 et à Copenhague en 1974, encore à Asunción et Athènes en 1975 et à Vienne en 19765(*)3. A partir de 1977, l'Espagne entreprit une refonte de son modèle d'action culturelle à l'étranger, l'Instituto de Cultura Hispánica devint un centre de coopération puis un institut de coopération entre l'Amérique latine et l'Espagne jusqu'à ce que finalement, en 1988, l'agence fusionne avec l'Agence espagnole de coopération internationale (Agencia Española de Cooperación Internacional), dépendant du Secrétariat d'État à la Coopération internationale et ibéro-américaine, à laquelle fut également intégré l'Instituto Hispano-Árabe de Cultura5(*)4. Dans les années 1980, le dynamisme des instituts culturels à l'extérieur poussa les ambassades et les consulats à ouvrir, au sein même de leurs bâtiments, des centres culturels. Ainsi apparut en 1981, la Casa de Goya de Bordeaux, des centres culturels liés aux ambassades espagnoles furent ouverts à Bucarest, Sofia et Abidjan en 1985 et à Yaoundé en 1989. Cette même année, la DGRCC affichait un total de trente-quatre institutions culturelles à l'extérieur, soit trente-deux centres culturels qui enseignaient la langue et la culture espagnoles et deux instituts spéciaux (Académie espagnole d'Histoire, d'Archéologie et des Beaux-Arts de Rome et la Bibliothèque espagnole de Tanger). Seize se trouvaient en Europe, onze en Afrique, six en Asie et un en Amérique5(*)5 :

Centres culturels dépendant de la DGRCC en 1989

Continent

Centre

Europe

Athènes

Bucarest

Bordeaux

Copenhague

Dublin

Lisbonne

Liverpool

Londres

Milan

Munich

Naples

Rome

Paris

Porto

Sofia

Vienne

Afrique

Abidjan

Alexandrie

Alger

Casablanca

Fès

Le Caire

Rabat

Tanger

Tétouan

Tunis

Yaoundé

Asie

Amman

Bagdad

Beyrouth

Cébu

Damas

Manille

Amérique

New-York

Fait par Julien Jacques d'après Pablo de Jevenois Acillona, « Los Centros Culturales y Educativos en el exterior », op.cit. p.201.

Dans les années 1990, l'Espagne accéléra le remodelage de sa politique culturelle, d'abord en 1991 avec la création de l'Instituto Cervantes5(*)6 qui remplaça la DGRCC disparue en 1996, dans un contexte international favorable à l'image de l'Espagne car, en 1992, eurent lieu les Jeux Olympiques à Barcelone et l'Exposition Universelle à Séville. L'Espagne intensifia la coopération culturelle avec l'Asie, le monde arabe ou l'Amérique latine en ouvrant des institutions spécialisées. La Casa de América, en 1992, puis la Fundación Carolina, créée en 2000, renforcèrent davantage les liens culturels avec l'Amérique du Sud5(*)7. Cette fondation a l'ambition de promouvoir les relations culturelles et la coopération en matière éducative et scientifique entre l'Espagne et l'Amérique du Sud, intégrant même le Brésil, en proposant des bourses et des échanges de professeurs et d'étudiants5(*)8. Dans les mêmes ambitions, l'Espagne créa une Casa Asia en 2001, une Casa Árabe et une Casa África en 2006 et une Casa Sefarad Israel en 2007 pour développer les relations culturelles avec toutes les régions du globe5(*)9. Nous devons également rappeler qu'en 1977, l'État espagnol se dota d'un ministère de la Culture qui, bien que portant principalement sur les questions nationales (patrimoine, musées, bibliothèques ou encore propriété intellectuelle), acquit également une dimension internationale recoupant en partie les responsabilités confiées au ministère des Affaires étrangères6(*)0. En développant ses activités dans l'Union européenne, aux États-Unis et en Amérique latine, le ministère de la Culture entra en conflit direct avec l'Instituto Cervantes. Par souci d'homogénéité et de donner à la politique culturelle espagnole une orientation claire, en 2009, un accord de coopération fut signé entre le ministère des Affaires étrangères et celui de la Culture pour créer en 2010 l'Acción Cultural Española (AC/E), société dépendante de l'État6(*)1. La principale mission de cette institution est de défendre « les différentes réalités culturelles » de l'Espagne à la fois à l'intérieur et à l'extérieur des frontières du pays6(*)2. L'autre part de cette coopération consista en l'édification d'un Plan national d'action culturelle extérieure, élaboré en 2011, établissant les grands axes qui doivent guider les objectifs et les stratégies de la diplomatie culturelle : la promotion du patrimoine et des expressions culturelles, l'internationalisation des industries culturelles et créatives, le dialogue interculturel et la coopération culturelle pour le développement6(*)3 en accentuant ses missions en Europe, en Amérique latine, aux États-Unis et aux pays méditerranéens sans toutefois négliger les attentes d'apprentissage de la langue et de la culture espagnoles en Asie et en Afrique subsaharienne6(*)4. Cette homogénéisation des acteurs culturels espagnols permettent à l'Espagne de ne pas se précipiter dans la prise de décisions afin de proposer des offres culturelles efficaces et de qualité. Lorenzo Delgado Gómez-Escalonilla se montra d'ailleurs favorable à l'édification d'un Livre blanc de l'action culturelle extérieure6(*)5 qui aiderait « à détecter avec plus de clarté les terrains de convergence et de dysfonctionnement, en plus de fournir un répertoire de tous les acteurs qui interviennent dans ce domaine ainsi que leurs initiatives de différente nature6(*)6 ».

Dans cette troisième sous-partie, nous avons étudié la politique culturelle de l'Espagne depuis la mort de Franco et nous nous apercevons que dans tous les cas, la finalité de tous ces remodelages de la politique culturelle extérieure de l'Espagne coïncide avec sa fonction historique de montrer une image favorable et moderne du pays6(*)7 en diffusant la Marca España6(*)8.

Ce quatrième chapitre était consacré à la politique culturelle extérieure de l'Espagne de la fin du XIXe siècle à aujourd'hui qui s'inscrit dans la continuité des puissances européennes pour développer l'image et l'influence de leur pays hors de leurs frontières. La particularité de l'Espagne se trouve dans le fait que son éternelle ambition est de véhiculer une image favorable du pays. Au XIXe siècle pour briser la « légende noire », puis au XXe pour légitimer les dictatures avant de poursuivre cette volonté à travers la Marca España. Après ce point de vue général, nous devons revenir au coeur de notre sujet, la politique culturelle espagnole en France.

* 1 p.4 de ce mémoire ; Jean-Marc Delaunay, « La recherche archéologique, une manifestation de puissance ? L'archéologie et les archéologues au coeur des relations internationales contemporaines. L'École d'Athènes, un haut-lieu du nationalisme français ? », Actes du 150e anniversaire de l'École française d'Athènes (1996), « Les politiques de l'archéologie du milieu du XIXe siècle à l'orée du XXe », Bulletin de Correspondance Hellénique, n°2, Athènes, 2000, p.125-153.

* 2 Pablo de Jevenois Acillona, « Los Centros Culturales y Educativos en el exterior », in Pablo de Jevenois Acillona Pablo (coord.), La Dirección General de Relaciones Culturales y Científicas 1946-1996, Madrid, Ministerio de Asuntos Exteriores, 1996, p.165-207.

* 3 L'Académie espagnole des Beaux-Arts.

* 4 Pablo de Jevenois Acillona, « Los Centros Culturales y Educativos en el exterior », op.cit. p.165-166.

* 5 Ibid. p.167.

* 6 L'Institution libre d'Enseignement est créée en 1876 par plusieurs professeurs d'université républicains, comme Nicolás Salmerón ou Emilio Castelar, qui furent évincés de l'Université centrale de Madrid au retour de la Monarchie en 1875. Partisans de l'explication rationnelle du christianisme du philosophe allemand Krause, ces universitaires voulurent défendre la liberté d'enseignement loin des dogmes religieux ou politiques. Monique Morazé, « Enseignement et culture en Espagne au XIXe siècle », in Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 19e année, n°4, 1964. p.768-776.

[en ligne] http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ahess_0395-2649_1964_num_19_4_421212 (consulté le 2 avril 2015).

* 7 Le Conseil d'études avancées et de la recherche scientifique, [ci-après JAE].

* 8 José Andrés Fernández Leost, Acción cultural exterior: informe de situación para el sistema español, La balsa de piedra n°1, 2012, p.5.

* 9 « [...] la Junta para Ampliación de Estudios e Investigaciones Científicas (JAE), cuya misión consistía en acabar con la segregación intelectual de Europa [...] », Lorenzo Delgado Gómez-Escalonilla, Un siglo de diplomacia cultural española: de la Junta para Ampliación de Estudios al Instituto Cervantes, Real Instituto Elcano, DT 12/2014, Madrid, 2014, p.4.

* 10 Pablo de Jevenois Acillona, « Los Centros Culturales y Educativos en el exterior », op.cit. p.168.

* 11 « [...] la reforma educativa, el progreso científico, el desarrollo económico y la apertura política, con las miras puestas en construir un país moderno, culto, tolerante y dinámico, superando así el corsé oligárquico, atrasado y clerical de entonces », Lorenzo Delgado Gómez-Escalonilla, Un siglo de diplomacia cultural española..., op.cit.

* 12 Ibid. p.5.

* 13 Ibid. p.6.

* 14 Id.

* 15 José Andrés Fernández Leost, Acción cultural exterior: informe de situación para el sistema español, op.cit.

* 16 Lorenzo Delgado Gómez-Escalonilla, Un siglo de diplomacia cultural española..., op.cit. p.8.

* 17 Id.

* 18 Voir la sous-partie consacrée à l'hispanisme français de ce mémoire, p.33-37.

* 19 Lorenzo Delgado Gómez-Escalonilla, « La acción cultural exterior de España : trayectoria reciente y retos pendientes », in Elvira Marco et Jaime Otero (dir.), El discreto encanto de la cultura, nuevas estrategias para la proyección exterior de la cultura: un enfoque práctico, Real Instituto Elcano, Ariel, Madrid, 2012, p.15-36.

* 20 José Andrés Fernández Leost, Acción cultural exterior: informe de situación para el sistema español, op.cit., p.6.

* 21 « la vitalidad hispánica dispersa por el mundo », Lorenzo Delgado Gómez-Escalonilla, Un siglo de diplomacia cultural española... op.cit., p.10.

* 22 « los intercambios culturales, artísticos y científicos con los países de América del Sur; las colonias de emigrantes en diversos países; el mantenimiento del español en territorios de EEUU, Puerto Rico y Filipinas, o su recuperación entre las comunidades sefardíes de diversos puntos de los Balcanes y el norte de África »., Id.

* 23 Ibid. p.11.

* 24 Id. note 14 du chapitre I. Dans les années 1920, l'Espagne connaît une forte instabilité ministérielle et plusieurs attentats anarchistes. En 1923, le général Primo de Rivera réalise un coup d'État à Barcelone. Dans la confusion, le gouvernement abdique laissant à Primo de Rivera, avec le soutien du roi Alphonse XIII, le soin de constituer un nouveau gouvernement. Face aux mauvais résultats, l'armée laisse tomber le général qui est contraint de donner sa démission en 1930.

* 25 « pueblo de clérigos y toreros, donde toda incultura y fanatismo tiene su natural asiento y cómoda habitación », Lorenzo Delgado Gómez-Escalonilla, Un siglo de diplomacia cultural española... op.cit., p.11.

* 26 « Mantener, estrechar y aumentar los contactos con las Repúblicas hispanoamericanas ; proporcionar enseñanza de lengua y cultura españolas a las numerosas colectividades de españoles repartidas por distintos país, entre ellos Francia, Italia, Marruecos, Argelia y Túnez, y la necesidad de sincretizar, armonizar y destacar los rasgos comunes de la cultura española », Pablo de Jevenois Acillona, « Los Centros Culturales y Educativos en el exterior », op.cit. p.167.

* 27 Lorenzo Delgado Gómez-Escalonilla, Un siglo de diplomacia cultural española... op.cit., p.12.

* 28 Pablo de Jevenois Acillona, « Los Centros Culturales y Educativos en el exterior », op.cit. p.167-168.

* 29 Ibid. p.168 ; Lorenzo Delgado Gómez-Escalonilla, « La acción cultural exterior de España : trayectoria reciente y retos pendientes », op.cit.

* 30 Lorenzo Delgado Gómez-Escalonilla, Un siglo de diplomacia cultural española... op.cit., p.12.

* 31 Pablo de Jevenois Acillona, « Los Centros Culturales y Educativos en el exterior », op.cit. p.167-168.

* 32 Id.

* 33 Yves Denéchère, La politique espagnole de la France de 1931 à 1936, une pratique française de rapports inégaux, L'Harmattan, Paris, 1999, p.82.

* 34 Lorenzo Delgado Gómez-Escalonilla, Un siglo de diplomacia cultural española... op.cit., p.13.

* 35 Pablo de Jevenois Acillona, « Los Centros Culturales y Educativos en el exterior », op.cit. p.167-168.

* 36 Consulter le chapitre VI de ce mémoire.

* 37 Lorenzo Delgado Gómez-Escalonilla, Un siglo de diplomacia cultural española... op.cit., p.13.

* 38 Ibid. p.15.

* 39 Ibid. p16.

* 40 José Andrés Fernández Leost, Acción cultural exterior: informe de situación para el sistema español, op.cit., p.6.

* 41 « mantener los vínculos espirituales entre todos los pueblos que componen la comunidad cultural de la Hispanidad », Pablo de Jevenois Acillona, « Los Centros Culturales y Educativos en el exterior », op.cit. p.170.

* 42 José Andrés Fernández Leost, Acción cultural exterior: informe de situación para el sistema español, op.cit., p.6.

* 43 Lettre de R. de Boisseson, ambassadeur de France en Espagne au ministre des Affaires étrangères sur l'activité de l'Institut de Culture hispanique, AMAE Nantes, Série F 1943-1978, 396PO/F, Sous-série I Affaires politiques en Espagne et situation de la représentation française, n° 208 relatif aux centres culturels et instituts entre 1951 et 1978, 2 février 1970.

* 44 Id.

* 45 Interview de Gregorio Marañon, L'Européen, AMAE Nantes, Série F 1943-1978, 396PO/F, Sous-série I Affaires politiques en Espagne et situation de la représentation française, n° 208 relatif aux centres culturels et instituts entre 1951 et 1978, 7 janvier 1968.

* 46 Id.

* 47 Dépêches d'actualité du 26 juin 1975 et du 13 juin 1975, venant respectivement de l'ambassade de France du Panama et l'ambassade de France en El Salvador, AMAE Nantes, Série F 1943-1978, 396PO/F, Sous-série I Affaires politiques en Espagne et situation de la représentation française, n° 208 relatif aux centres culturels et instituts entre 1951 et 1978.

* 48 Direction générale des relations culturelles et scientifiques, [ci après DGRCC]. Pour ces questions, consulter l'indispensable ouvrage coordonné par Pablo de Jevenois Acillona, La Dirección General de Relaciones Culturales y Científicas 1946-1996, Madrid, Ministerio de Asuntos Exteriores, 1996.

* 49 Pablo de Jevenois Acillona, « Los Centros Culturales y Educativos en el exterior », op.cit. p.178-179.

* 50 Ibid. p.179.

* 51 Lorenzo Delgado Gómez-Escalonilla, Un siglo de diplomacia cultural española... op.cit., p.32.

* 52 Id.

* 53 Pablo de Jevenois Acillona, « Los Centros Culturales y Educativos en el exterior », op.cit. p.199.

* 54 José Andrés Fernández Leost, Acción cultural exterior: informe de situación para el sistema español, op.cit., p.6.

* 55 Pablo de Jevenois Acillona, « Los Centros Culturales y Educativos en el exterior », op.cit. p.201. Il n'en compte que trente-deux mais nous en comptons trente-quatre qui dépendent de la DGRCC donc du ministère des Affaires étrangères.

* 56 Cette institution est le coeur de la IIIe partie de ce mémoire.

* 57 José Andrés Fernández Leost, Acción cultural exterior: informe de situación para el sistema español, op.cit., p.7.

* 58 < http://www.fundacioncarolina.es/la-fundacion/mision-y-valores/>

* 59 Lorenzo Delgado Gómez-Escalonilla, Un siglo de diplomacia cultural española... op.cit., p.36-37.

* 60 José Andrés Fernández Leost, Acción cultural exterior: informe de situación para el sistema español, op.cit., p.7.

* 61 Lorenzo Delgado Gómez-Escalonilla, Un siglo de diplomacia cultural española... op.cit., p.36-37.

* 62 Notamment en soutenant les projets de créateurs, d'artistes et de scientifiques espagnols. < http://www.accioncultural.es/>

* 63 José Andrés Fernández Leost, Acción cultural exterior: informe de situación para el sistema español, op.cit., p.7.

* 64 Lorenzo Delgado Gómez-Escalonilla, Un siglo de diplomacia cultural española... op.cit., p.40.

* 65 Sur la question des livres blancs, nous pouvons consulter : Laurence Badel, « « Les «livres blancs », une méthode de réforme dans le sillage de la RGPP ? A propos du « Livre blanc sur la France et l'Europe dans le monde » », Revue française d'administration publique, 2010/4 n° 136, p. 969-982. DOI : 10.3917/rfap.136.0969.

* 66 « No habría estado de más una suerte de Libro Blanco de la Acción Cultural Exterior, que ayudase a detectar con mayor claridad los terrenos de convergencia y las disfunciones, además de proporcionar un repertorio del conjunto de actores que intervienen en este ámbito y sus iniciativas de diferente índole », Lorenzo Delgado Gómez-Escalonilla, Un siglo de diplomacia cultural española... op.cit., p.41.

* 67 José Andrés Fernández Leost, Acción cultural exterior: informe de situación para el sistema español, op.cit., p.8.

* 68 Politique étatique initiée en 2012 pour promouvoir l'image extérieure de l'Espagne dans les dimensions économique, culturelle, sociales, scientifique et technique.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984