29
3. TROISIEME PARTIE
3.1. LIMITES ET FORCES DE L'ETUDE
Ce travail d'enquête n'est qu'un reflet de l'avis des
sages-femmes de la Clinique Jules Verne.
Une limite de ce travail résulte de la taille de
l'échantillon retenu pour l'étude qualitative. Bien que les cinq
sages-femmes aient été choisies en cohérence avec le
profil de l'équipe, il n'en demeure pas moins que cet échantillon
aurait pu être plus étoffé pour accentuer la communication
engageante.
Le taux de retour des questionnaires est certes satisfaisant
mais représente aussi une limite de ce travail d'investigation ce qui
biaise l'interprétation des résultats. Les enquêtes n'ont
pas été délivrées nominativement sous pli, ce qui
pourrait expliquer ce taux de retour inférieur à nos
prévisions.
Le contexte social actuel de la Clinique n'est pas non plus
propice pour une démarche participative des équipes sur un projet
de changement. Le plan de restructuration en cours crée un climat social
tendu et ne pas participer à une enquête était aussi une
manière de manifester contre l'institution dans la globalité.
Dans la fonction de cadre que j'occupe actuellement, j'ai en
charge les équipes des puéricultrices et des auxiliaires de
puériculture. Ma neutralité avec l'équipe des sages-femmes
dans ma fonction, combinée à des entretiens menés dans un
endroit neutre, vêtue en civil peuvent malgré tout avoir
créé un biais de désirabilité sociale lors de
l»enquête qualitative
Cependant la qualité des réponses aux
questionnaires, ainsi que la qualité des échanges lors des
entretiens, font la force de ce travail. Leur analyse peut amener des pistes de
réflexion sur la gestion de projet de changement et tendre vers un
recueil plus juste de l'activité propre des sages-femmes.
3.2. DISCUSSION
Cette étude en deux temps nous a permis
d'élargir notre réflexion sur la valorisation d'une
activité professionnelle en établissement de santé.
La problématique qui a été
identifiée à la clinique Jules Verne démontre une absence
de codage des actes délivrés par les sages-femmes ce qui
génère un manque d'exhaustivité et de qualité dans
le recueil de leur activité.
Notre étude nous donne des pistes pour mettre en
oeuvre un projet de conduite du changement dont l'objectif est de modifier le
comportement des professionnelles sages-femmes dans la cotation de leurs actes.
Ce projet allie une double optique : la valorisation professionnelle
recherchée par les sages-femmes et l'optimisation économique
recherchée par la Direction de l'établissement.
30
Ainsi nous avons constaté que les sages-femmes ne se
sentent pas justement reconnues dans leur exercice professionnel et qu'elles
mesurent peu le lien possible entre une amélioration de la
traçabilité de leur activité propre et la reconnaissance
attendue.
3.2.1. La nomenclature SF
Dans notre étude, les sages-femmes
méconnaissent leur nomenclature professionnelle et les modalités
de codage de leur activité.
Presque la moitié des professionnels répondants
ne savent pas ou n'ont pas répondu aux questions sur les acteurs du
codage des actes. Cela signe soit un désintérêt, soit cela
conforte l'idée de la méconnaissance de ce domaine par les
sages-femmes. Elles sont cependant intéressées pour la plus
grande majorité (22 professionnels sur 30) par une information sur le
codage des actes.
La connaissance partielle des actes de la nomenclature
professionnelle, marque le détachement des sages-femmes de la valeur
économique de leurs pratiques professionnelles
Les deux tiers des sages-femmes connaissent le coût
d'une consultation prénatale. Seulement deux sages-femmes sur 30
connaissent le tarif de la majoration d'une consultation réalisée
en urgence la nuit.
La problématique de la traçabilité est
ici bien significative car selon les données du contrôle de
gestion de l'établissement, il n'y aurait en moyenne qu'une consultation
par nuit en maternité. Cela semble bien peu sur le nombre de naissances
recensées par an.
Dans certains entretiens, certaines sages-femmes
reconnaissent qu'elles ne tracent pas toute cette activité nocturne :
par exemple une consultation pour un simple conseil ne sera pas tracée.
Ces pratiques de non-traçabilité représentent une perte
potentielle de recettes (majorée par les tarifs de nuit) mais aussi un
manque de lisibilité de l'activité réalisée.
Cette perte potentielle est difficile à estimer car
elle n'est pas tracée mais elle pourrait représenter une somme
pour l'acquisition de moyens supplémentaires (matériels et
ressources humaines ...)
La nomenclature professionnelle a été
valorisée en juillet 2014 (ANNEXE I), cette décision de l'UNCAM
signe une volonté politique de mettre en valeur l'activité des
sages-femmes et favoriser leur rôle sur le parcours des femmes
enceintes.
31
3.2.2. Le quizz SF
Dans une approche tri-componentielle [15], le quizz
permettait de cibler le niveau de connaissance des sages-femmes et les
questions sur le codage nous permettaient de percevoir leur niveau d'intention
de faire : dans quelle mesure les sages-femmes seraient-elles prêtes
à coder leurs actes ?
Nous apercevons un manque de cohérence dans leurs
réponses : 60% des sages-femmes pensent que le codage est un moyen de
légitimer leur exercice professionnel. Mais dans leurs intentions,
seulement 37% seraient prêtes à le faire, 30 % ne le souhaitent
pas et 30 % ne se prononcent pas.
Les sages-femmes sont partagées sur leur
légitimité à coder leurs actes : 43% pensent que c'est
légitime que ce soit d'autres professionnels qui codent à leur
place. Certaines disent « j'ai bien conscience que plus tu es proche
de l'acte et mieux tu peux le coder ».
Ces réponses signent des paradoxes dans leurs
approches mais aussi de la méconnaissance quant à leurs devoirs
et responsabilités en tant que profession médicale.
Conformément aux articles R.6113-1 et R.6113-4 du Code
de la Santé Publique, « les données recueillies pour
chaque patient [...] par le praticien ayant dispensé des soins, sont
transmises au médecin responsable de l'Information Médicale pour
l'établissement » [13].
La profession de sage-femme est une profession
médicale à compétences définies avec des droits et
des devoirs, notamment celui de transmettre l'information des actes et soins
produits au département de l'information médicale.
Transmettre leur activité comme tout professionnel
médical permettrait aux sages-femmes d'exercer en adéquation avec
les autres professions médicales, donnerait du poids à leur
exercice professionnel en établissement et induirait sûrement une
recette supplémentaire car leur activité codée à la
source serait exhaustive et d'une meilleure qualité de recueil.
3.2.3. La reconnaissance professionnelle
Les sages-femmes ressentent des niveaux de reconnaissance
bien distincts. La reconnaissance de la part de leur institution est
très faible (3/10), cependant cette valeur est à modérer
au regard du climat social ambiant à la clinique.
Dans l'ensemble les sages-femmes sont satisfaites de leur vie
professionnelle.
32
Il ressort trois thématiques des réponses aux
questions liées à la reconnaissance professionnelle :
· La valorisation salariale
Notre étude a été menée au sein
d'une clinique privée, où les salariés travaillent selon
la Convention Collective Nationale du 31 octobre 1951, dite convention
FEHAP.
Les grilles de salaires des sages-femmes n'ont pas
été revues depuis 2009.
Il existe des différences de salaire entre les
sages-femmes. Selon la DREES [16] le salaire annuel moyen des sages-femmes
salariées de la Fonction Publique Hospitalière était de 29
686 € en 2008.
Dans le secteur privé, les salaires de début de
carrière sont légèrement plus importants que dans le
secteur public mais l'évolution des salaires y est moins dynamique. Dans
le secteur public le salaire annuel moyen d'une sage-femme de plus de 40 ans
est compris entre 34 000 € et 42 300 €, alors que dans le
privé, il reste proche de 30 000 € entre 40 et 60 ans.
Ici les sages-femmes expriment leur demande de reconnaissance
par une revalorisation salariale en indexant le salaire des sages-femmes du
secteur privé sur celui du secteur public.
Des réflexions du Collectif des sages-femmes ont
germé suite au mouvement de revendications en 2013/2014, notamment sur
l'attribution de prime à la performance, moyen pour placer la sage-femme
au coeur du parcours de santé des femmes [17].
Mais, la « rentabilité » des femmes ne doit
pas être l'axe de prise en charge de leur suivi médical. Cependant
le rapport Cordier rappelle que « le paiement à l'acte par
construction rend plus aisée la valorisation du quantitatif, de l'acte
technique, et beaucoup moins le qualitatif, le temps d'observation clinique et
l'écoute de la souffrance du malade et de ses conditions de vie
» [18].
La valorisation des salaires ne peut passer que par une
meilleure lisibilité de l'activité produite par les sages-femmes
et par un positionnement politique de notre profession sur le parcours de
santé des femmes.
· Accès à la formation
Selon l'enquête de conjoncture Opcalia, la formation
jouit d'une image positive auprès des salariés d'une entreprise
[19] ; Elle représente un levier positif pour la performance de
l'entreprise et le développement des compétences des
salariés.
La réforme de la formation professionnelle modifie le
financement et le contrôle de celle-ci [20]. Cette loi qui porte
réforme incite les employeurs à passer d'une obligation de «
financer » à une obligation de « former ». Les OPCA* ne
sont plus obligés de contribuer au « plan de formation ».
33
La Clinique Jules Verne voit ainsi ses budgets pour la
formation diminuer. Par conséquent, les sages-femmes se sentent moins
reconnues dans leur exercice professionnel car cet accès à la
formation est moins fréquent.
· Le temps
Les sages-femmes estiment qu'ajouter une activité telle
que le codage de leurs actes est difficile puisque le facteur temps manque
déjà à leur exercice quotidien.
Depuis plusieurs années, les sages-femmes font de la
saisie de données à partir des dossiers médicaux. Cette
pratique de saisie avait été mise en place il y a plusieurs
années par manque d'indicateurs d'activité institutionnels et un
désintérêt du DIM pour l'activité ESPIC*.
Un document est généré à partir du
dossier médical pour chaque accouchement. Dans un deuxième temps,
une sage-femme prend du temps pour retranscrire ces données sur un
tableur.
Des données et indicateurs sont extraits de ce tableur
et permettent de visualiser l'évolution des pratiques en
maternité (évolution du taux d'épisiotomies chez la
primipare, évolution du taux d'accouchements voie basse après
césarienne, ...). La majorité de ces indicateurs sont des
dénominations de diagnostics issus de la CIM 10 et de la CCAM. Ce suivi
d'indicateurs pourrait être fait par le statisticien du DIM et ainsi
« économiser » du temps aux sages-femmes au profit du codage
en obstétrique.
Les sages-femmes privilégient la sécurisation de
la prise en charge des femmes et mettent au second plan le dossier-patient. En
parlant du recueil de l'activité, une sage-femme dit « quand il
y a beaucoup de travail, c'est le premier truc que je vais zapper parce que,
c'est terrible de dire ça, mais j'ai plus important à faire
».
Selon Christophe DEJOURS, la reconnaissance passe par deux
grandes formes de jugement [21]:
- Le jugement d'utilité sur le service rendu
- Le jugement de beauté qui confirme que le travail
accompli respecte les règles.
La reconnaissance professionnelle est une thématique
difficile car autant l'évaluation des compétences
professionnelles et des pratiques professionnelles est courante, la
reconnaissance professionnelle fait rarement partie des champs de recherche
[22].
3.2.4. La singularité
Des entretiens auprès des sages-femmes, il ressort un
fort sentiment d'appartenance à la maternité
dénommée « Maison de la Naissance ». Dans l'historique
de cette clinique, figurent des praticiens et professionnels enclins à
cet accompagnement global des couples parents-enfants et non
systématisé.
34
Cette éthique du soin motive les équipes depuis
de nombreuses années. Certains professionnels à l'origine de
cette maternité sont d'ailleurs toujours en exercice.
Il existe cependant une difficulté à perdurer
une prise en charge holistique face à une contrainte sécuritaire
et budgétaire qui impose une segmentation. Ce sont des enjeux majeurs de
coordination pour « gérer la singularité à grande
échelle » [23]. Comment maintenir une forme de singularité
au sein d'une maternité alors que presque 3300 accouchements y ont lieu
chaque année ?
La stratégie de la résilience serait possible :
elle permettrait tout à la fois de répondre aux imprévus
lorsqu'ils se présentent et d'apprendre des expériences
passées de façon à améliorer les défenses du
système [24]. La communication et le partage des informations sont
majeurs pour accroître la vigilance collective du groupe.
3.2.5. Place de l'hospitalisation privée
à but non-lucratif
Lorsqu'une sage-femme dit « on ne change pas nos
pratiques pour de l'argent ! », cela nous amène à
réfléchir sur la place de l'hospitalisation à but
non-lucratif.
Le statut des sages-femmes salariées dans un
établissement de santé privé à but non-lucratif
leur donnerait un regard particulier sur la culture de l'entreprise. Seulement
5% des sages-femmes en exercice en France sont salariées du secteur
non-lucratif [25][26].
Une entreprise à but lucratif est une entreprise dont
l'objectif principal est la réalisation de bénéfices. Par
opposition, une entreprise à but non lucratif convient à des
personnes qui souhaitent se regrouper autour d'un projet dans un but autre que
le partage de bénéfices. La réalisation de profits est
possible mais cela ne doit pas être l'objectif principal de
l'entreprise.
Dans l'idée de l'organisation à but
non-lucratif, cela peut sembler particulier de définir un statut
d'établissement par la négative, en indiquant un but qui n'est
pas le sien.
Le Rapport de la Cour des Comptes et de la
Sécurité Sociale de 2013 sur la place de l'hospitalisation
privée à but non lucratif nous éclaire sur ce secteur qui
représente un champ sanitaire limité en France [27]. Elle
représente 14% des capacités d'hospitalisation, loin
derrière l'hospitalisation publique (62%) ou des cliniques commerciales
(23%). Fortement hétérogènes (offre de soins, taille,
résultats, ...), les ESPIC doivent relever le défi de la
modernisation du secteur hospitalier dans une situation financière
très souvent fragile. Ce secteur d'hospitalisation pourra voir des
perspectives de développement au prix d'animation de réseaux et
de mise en oeuvre d'actions transversales basées sur l'optimisation du
parcours de soins. Ces établissements restent soucieux de
préserver leur modèle combinant une gestion privée et un
souci d'intérêt général. La Cour des Comptes
formule
35
des recommandations notamment celle de s'inscrire dans des
expérimentations de mise en place de parcours de soins de patients.
3.3. SOLUTIONS DEJA APPORTEES 3.3.1. Au niveau
national
3.3.1.1. Programme SIMPHONIE
Le programme de SIMplification du Parcours administratif
Hospitalier du patient et Numérisation des Informations Echangées
est porté depuis 2013 par la DGOS* et la DGFIP* [28].
Il vise à simplifier le parcours administratif depuis
l'accueil du patient jusqu'à la facturation, le recouvrement et à
en dématérialiser tous les échanges entre les
différents acteurs. Ce programme orienté usager et parcours
administratif hospitalier fait espérer d'importants gains d'efficience
pour l'ensemble des acteurs. L'enjeu consiste à permettre aux
établissements de santé publics de fluidifier leur
trésorerie au plus proche de leurs dépenses, cela
nécessite un recueil exhaustif de toute l'activité auprès
de la CPAM.
Actuellement le projet FIDES est encore en phase
d'expérimentation sur la clinique Jules Verne. Ce projet prévoit
que la facture soit établie sur la base des tarifs en vigueur, au " fil
de l'eau " c'est-à-dire rapidement à l'issue des hospitalisations
ou des soins externes. Ce modèle est à l'image des
établissements de santé privés lucratifs qui
réalisent cette facturation directe depuis 2005.
Des programmes d'accompagnement au changement sont
proposés par l'ANAP* pour aider les Directions des établissements
à mettre en oeuvre ce projet.
3.3.1.2. Nomenclature professionnelle des
sages-femmes
La nomenclature des actes professionnels des sages-femmes a
été valorisée il y a un an (ANNEXE I).
Cette décision de l'UNCAM du 14/04/2014 qui modifie la
nomenclature fait suite aux revendications de la profession pendant les
grèves de 2013/2014. La valeur du SF est désormais de 2,80€
et celle du KE de 2,65€. Il s'agit essentiellement de mesures
d'évolution des cotations NGAP pour les actes à compétence
partagée avec les médecins afin de tenir compte de la
revalorisation des tarifs médicaux pour ces actes.
3.3.1.3. Projet de CCAM maïeutique
Actuellement, les sages-femmes doivent utiliser la NGAP pour
leurs cotations car elles n'accèdent pas aux cotations CCAM.
36
Les syndicats professionnels (UNSSF et ONSSF) revendiquent la
possibilité d'appliquer les cotations définies en CCAM pour les
actes à compétence partagée et la création d'une
CCAM maïeutique pour les actes propres à leur exercice. Des
négociations sont en cours depuis décembre 2013, ceci bien que la
majorité des actes à compétence partagée avec les
médecins soit déjà présente dans la NGAP. La
parution au Journal Officiel d'un avenant à la Convention Nationale est
attendue à l'automne 2015.
Comme les syndicats professionnels et comme la CNAMTS s'y
était engagée, la CCAM mise en place pour les médecins et
les chirurgiens dentistes doit s'ouvrir maintenant aux sages-femmes à
compter du 1er janvier 2016 pour tout type d'exercice. Cette codification sera
plus précise et plus juste [29].
Cependant les médecins contestent l'accès
à la CCAM aux sages-femmes [30].
La Fédération des Médecins
Français parle de « nivellement par le bas », le
Président de la branche spécialiste dit « un
accouchement fait par une sage-femme ne vaut pas le même prix qu'un
accouchement réalisé par un chirurgien-obstétricien. S'il
y a un problème en cours de parcours, le chirurgien est tout de suite
apte à intervenir pour faire sortir le bébé, tandis que la
sage-femme doit appeler le médecin ».
L'enjeu de cette CCAM Maïeutique est important pour
reconnaître les missions des sages-femmes et mieux connaître les
pratiques pour les valoriser. Par-delà, ce projet permettra de favoriser
le bon usage des ressources de notre système de soins.
3.3.2. Au niveau local
3.3.2.1. Système informatique
Le logiciel Crossway® a été mis en place en
juin 2014, les sages-femmes reconnaissent que cette application pour
accéder au dossier administratif a amélioré la
traçabilité de leurs actes de consultations.
Elles sont tenues de coder directement leur acte sur le
serveur pour qu'il se déverse sur Sigems® afin d'en établir
la facturation. Le parcours des actes est désormais plus
sécurisé.
MainCare® est le fournisseur du logiciel Crossway®
et un partenaire pour l'expérimentation FIDES [31].
3.3.2.2. Projet de soins
Le projet d'établissement 2014/2018 se décline
sous plusieurs formes : le projet médical, le projet social et le projet
de soins.
37
Dans ce projet de soins, figure le projet d'augmentation de
l'activité prénatale des sages-femmes, autrement dit que le
nombre de vacations de sages-femmes dédiées aux consultations
prénatales soient augmenté. Cela permettra de recentrer les
médecins sur leur activité propre.
Ce projet se construit avec des travaux d'extension sur
l'établissement et de redistribution de locaux sur la maternité
au profit de consultations prénatales.
Ce positionnement de sages-femmes sur des vacations
supplémentaires signe la volonté de l'établissement
d'améliorer le suivi prénatal, ceci en cohérence avec les
politiques de tutelles axées sur l'efficience des parcours de soins des
usagers. C'est aussi une forme de valorisation de l'activité des
sages-femmes en permettant le développement de celle-ci.
3.3.2.3. La formation continue
De 2012 à 2014, trois groupes de douze sages-femmes ont
bénéficié d'une formation intra-établissement sur
les compétences et les responsabilités de la sage-femme. Celle-ci
n'abordait pas les responsabilités de la sage-femme quant à la
transmission de l'information.
Le renouvellement et des compléments à cette
formation pourraient être proposés étant donné les
connaissances actuelles de l'équipe sur leur responsabilité
médicale envers le DIM.
3.4. APPROCHE DE SOLUTIONS ET ACTIONS
ENVISAGEES
Notre étude nous a permis de réfléchir
à des pistes et des leviers pour conduire un changement culturel
auprès de la population des sages-femmes.
Inspirés des travaux de John Paul Kotter, nous avons
identifié quatre leviers [32] :
- L'organisation
- La communication
- L'implication - La formation
3.4.1. Organisation
Un des leviers au changement de culture est penser l'approche
systémique du changement. Pour répondre à une demande de
changement, on doit s'appuyer sur les composants fondamentaux des
systèmes afin de mobiliser les acteurs concernés dans une
direction précise.
Afin d'organiser avec efficience le parcours de soins, nous
avons réalisé une cartographie représentant les
macro-processus, ceci afin de coordonner les services aux patients à
l'intérieur de
38
l'établissement. « L'hôpital doit
fonctionner de façon plus collaborative et allouer, de manière
plus efficace, les ressources du système global » [33].
Une cartographie de processus représente un outil de
management et de communication car il synthétise l'organisation et le
fonctionnement d'une prise en charge pour la femme enceinte en
maternité. (ANNEXE IV)
3.4.2. Communication
Pour adhérer à un projet de changement et s'y
engager, les professionnels ont besoin de visualiser la cible. La communication
participe à la construction du changement et doit permettre aux agents
de décider objectivement. Une sage-femme dit « En fait, si on
nous explique pourquoi et l'intérêt que ça peut avoir, je
pense qu'on est toutes prêtes à faire un effort ».
Lors de la présentation des tableaux de bord par la
direction des affaires médicales et de la production des soins, les
sages-femmes de l'équipe pourraient être conviées une
à deux fois par an. Leur présence permettrait d'améliorer
l'information sur les indicateurs et leur utilisation dans les choix de
l'établissement.
La communication est un levier essentiel du changement.
Conduire ces entretiens semi-directifs auprès d'un échantillon de
sages-femmes sous une forme de communication engageante a permis d'amorcer un
des leviers au changement de culture et de faire prendre conscience aux
sages-femmes interviewées de la nécessité de s'impliquer
au sein du système de santé pour être valorisée dans
leur exercice professionnel.
Dans une visée préparatoire au changement de
culture, réaliser cette interview et sensibiliser les individus rend le
professionnel plus actif, sensible et réceptif aux informations
diffusées dans le cadre de l'étude. La méthode augmente la
probabilité que le professionnel accepte le changement.
Le principe de la communication engageante est
d'établir un pont entre la persuasion et l'engagement afin d'optimiser
une campagne d'informations et de sensibilisation [15].
L'approche tri-componentielle employée dans nos
entretiens tend à engager l'individu vers une prise de conscience et de
sensibilisation pour une prise en charge plus efficiente en
maternité.
Une autre forme de « coup de pouce » en
communication émerge aujourd'hui dans des milieux bien
éloignés de la santé : le nudge [34].
Le nudge, c'est créer une architecture de choix qui
encourage les individus à adopter le comportement souhaité, sans
contraindre. Le principe du « coup de pouce » de Thaler et Sunstein
est de nous remettre dans le droit chemin sans nous y obliger [35]. Le nudge
permet d'activer un levier, une capacité à se projeter. Il fait
appel à la psychologie positive pour influencer les
39
comportements. En organisant l'environnement, l'enjeu consiste
à décider de la façon dont on va proposer aux personnes
certains choix afin de les inciter à choisir ce qui est mieux pour eux,
individuellement et/ou collectivement. Le nudge les incite à opter pour
le bon choix en le rendant plus accessible et moins coûteux.
Pour notre projet de changement de culture, un nudge incitatif
mais sans contrainte est à réfléchir pour que les
sages-femmes tendent vers ce comportement souhaité plus responsabilisant
quant aux retombées de leur activité.
A la Clinique, le contexte historique est lourd et les
résistances nombreuses ; compte tenu de l'enjeu, cela nécessite
une approche novatrice pour conduire ce changement de culture.
Selon la démarche de l'école de Palo Alto, il
est nécessaire d'adopter un point de vue plus interactionnel,
d'être dans une logique plus circulaire. Birdwhistell, contributeur
à la fondation de la démarche, dit « on ne communique
pas, on prend part à une communication ».
Le « coup de pouce » au changement pourrait
être un appui extérieur au regard de la complexité de la
démarche. Cet appui pourrait être un consultant spécialiste
dans la conduite du changement : en qualité d'intermédiaire, la
prise de connaissance de l'état des lieux et la neutralité du
personnage aideront à la conduite de changement pérenne.
3.4.3. Formation
Pour conduire ce changement de culture et faire adhérer
les équipes, il est nécessaire d'informer et de former les
professionnels pour les sensibiliser aux enjeux
médico-économiques actuels et les impacts pour la profession de
sage-femme.
Dans notre étude, les sages-femmes qui ont
répondu à l'enquête : 20 d'entre elles souhaiteraient une
mini-formation interne à la Clinique auprès des sages-femmes, 10
d'entre elles envisageraient un module de formation interprofessionnel avec le
DIM pour échanger et confronter leurs points de vue.
Nous pourrions proposer un premier module de formation pour
les TIM. Certains établissements ou groupe d'établissement
choisissent de former leurs équipes de TIM par des sages-femmes. Ces
formations permettent des échanges pluridisciplinaires et
améliorent la cohésion entre les secteurs d'activité.
Nous pourrions proposer un autre module de formation aux
sages-femmes.
Ce type de formation permettrait de sensibiliser les
sages-femmes au codage et de les sensibiliser aux fonctions-supports
nécessaires dans un établissement de santé. Ces modules
sont proposés par
40
certains cabinets de conseil et audit pour améliorer le
système de codage et permettre une meilleure valorisation des
séjours.
Pour des coûts moindres, le département du DIM
pourrait aussi proposer ce type de module plus personnalisé et
adapté, avec des échanges constructifs, pérennes et
pluridisciplinaires entre des secteurs de l'établissement.
3.4.4. Implication
Les formes d'implication sont multiples et reliées aux
situations singulières des individus. Afin de limiter et prévenir
des blocages, quelques outils inspirés de l'Ecole de Palo Alto
pourraient nous aider à impliquer les professionnels [36] :
- L'utilisation d'un langage analogique : anticiper, envisager
les concepts et utiliser des
métaphores, plutôt que le langage digital et sa
dynamique d'argumentation
- Donner le temps aux salariés de faire le deuil de
leur attitude devenue obsolète vis-à-vis des évolutions
économiques en santé. Ici l'historique de la maternité de
la Clinique est bien présent dans les discours. Il est nécessaire
de le reconnaître pour le soutenir et le laisser opérer
- Laisser s'exprimer les résistances ; celles-ci
peuvent aussi alerter le manager sur les dysfonctionnements potentiels
D'une façon générale, « on ne peut
pas impliquer les personnes, ce sont elles qui s'impliquent ».
L'implication des professionnels représente un levier mais n'est pas
l'unique clef de réussite du changement. Elle demande du temps, mieux
vaut adopter la politique des petits pas pour conduire tout changement.
Selon le principe de rationalité, qui considère
que si les personnes disposent d'une quantité d'information et de
capacités cognitives limitées cela ne leur permet pas d'optimiser
leurs choix [37]. Les choix des individus sont toujours rationnels, et la
sélection faite est celle la plus subjectivement possible, mais cette
rationalité est limitée par l'environnement. Par
conséquent, pour influencer un individu au sein d'une organisation, il
faut parvenir à aménager son environnement de telle sorte que
celui-ci ne constitue plus une limite, mais devienne l'outil de son
dépassement.
3.5. POSITIONNEMENT DE LA SAGE-FEMME
COORDINATRICE
Selon le référentiel métier de la
sage-femme cadre, « la sage-femme cadre doit promouvoir la gestion de
l'activité médico-économique et financière. Ses
compétences et son expertise lui permette d'analyser l'activité
en participant à l'élaboration d'indicateurs pertinents du suivi
des tableaux de
41
bord. Elle met en place et participe à l'analyse
des tableaux de bords de suivi des services et du pôle. Elle participe
également à l'étude et à la valorisation des
coûts (T2A, CCAM). Elle analyse la charge de travail en regard de
l'activité et met en place les mesures correctives en accompagnant ses
équipes dans le changement » [38].
Désormais, la sage-femme manager d'unité doit
intégrer des savoir-faire tant politiques que stratégiques pour
agir sur le processus de décision du pôle. Le cadre doit
être capable de passer d'une logique de mise en oeuvre des
décisions à celle de responsabilité où il est le
décisionnaire.
La politique de la T2A constitue un véritable
défi pour les cadres des établissements de santé. Ceux-ci
doivent anticiper l'activité pour organiser les ajustements
nécessaires au maintien d'une rentabilité. Le travail d'un cadre
en santé est de savoir anticiper l'activité pour disposer des
ressources nécessaires, ce qui se transcrit par une action quotidienne
sur la régulation des lits et des équipes.
Créer des ponts avec les fonctions supports et les
départements fonctionnels d'un établissement est un atout pour le
cadre pour créer un terrain propice et favorable pour l'efficience de
projets. Plus les cadres sages-femmes nourriront ces liens et
décloisonneront les secteurs, plus la maternité sera
intégrée dans les prises de décisions stratégiques
et organisationnelles d'un établissement.
Une des missions de la sage-femme coordinatrice est de
favoriser les évolutions, d'évaluer l'efficience de ces
stratégies organisationnelles et d'accompagner les équipes pour
limiter les résistances au changement. Au regard des objectifs de
productivité, les sages-femmes coordinatrices se doivent d'adapter sans
cesse les organisations du travail.
42
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