II. DESCRIPTION DES INDICATEURS DU
GUIDE DE L'UICN
La Commission mondiale des aires marines
protégées de l'UICN et le Fonds mondial pour la nature (WWF) ont
lancé ensemble en 2000 un grand projet sur la gestion efficace des AMPs.
Leur objectif était de développer un guide reprenant un ensemble
d'indicateurs naturels et sociaux destinés à évaluer
l'efficacité de la gestion des AMPs. A cette fin, des dizaines de
personnes dans le monde entier se sont mises au travail pendant trois ans. Au
départ, une étude sur les buts et objectifs des AMPs dans le
monde a été menée. Ensuite, des recherches ont
été effectuées sur 130 indicateurs pour finalement en
retenir 44. Enfin, les 44 indicateurs ont été testés sur
des sites pilotes afin d'être améliorés et
présentés de manière pratique dans un guide à
l'usage des gestionnaires et praticiens.
Dans un premier temps, j'ai choisi de baser mon travail
exclusivement sur ce guide, intitulé : "Comment va votre AMP ? Guide
sur les indicateurs naturels et sociaux destinés à évaluer
l'efficacité de la gestion des aires marines
protégées" (Pomeroy et al. 2006).
Malheureusement, n'ayant disposé du plan de gestion de
l'AMP de Joal-Fadiouth que durant mon stage, je n'ai pas pu utiliser les
objectifs spécifiques de l'AMP de Joal-Fadiouth pour sélectionner
des indicateurs tel qu'il est préconisé dans le guide. Cependant,
les buts et objectifs auxquels sont associés les indicateurs
présentés dans le guide, regroupent des buts et objectifs
couramment associés à l'utilisation d'AMP. Nous pouvons donc nous
permettre, dans un premier temps, de considérer ces objectifs comme des
objectifs de l'AMP de Joal-Fadiouth.
Je vais présenter dans ce chapitre les indicateurs du
guide de l'UICN (Pomeroy et al. 2006) qui m'ont servi de
référence pour préparer mon travail de terrain et sur base
desquels j'ai pu ensuite adapter une méthode d'évaluation
à l'AMP de Joal-Fadiouth. Chaque indicateur sera présenté
de manière succincte. Certains indicateurs qui ont dès le
départ été écartés - pour des raisons qui
seront expliquées en temps voulu - ne seront pas
présentés.
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II.1. Indicateurs biophysiques
? Indic. B1 : Abondance des espèces
focales
Cet indicateur mesure le nombre d'individus de chaque
espèce particulière relevé à l'intérieur de
l'AMP. C'est l'une des mesures les plus fréquemment utilisée pour
évaluer la réussite biologique de l'efficacité de la
gestion. Il représente l'état d'une population d'espèces
dans un milieu donné à un moment donné.
La première étape, avant la collecte des
données est de dresser une liste des espèces focales9.
Ensuite, diverses techniques existent pour mesurer l'abondance d'une population
d'espèces focales (L'évaluation du nombre d'individus
observé in situ, la télédétection ou
l'évaluation des quantités débarquées des
espèces focales capturées dans le site concerné).
Cet indicateur permet ainsi de mesurer si la population des
espèces focales s'accroît au fil du temps ou si elle est plus
importante à l'intérieur de l'AMP qu'à
l'extérieur.
? Indic. B2 : Structure des populations d'espèces
focales
La structure de la population représente "la
probabilité que des individus de taille et âge différent
soient rencontrés au sein d'une espèce focale donnée"
(Pomeroy et al., 2006).
Les données concernant la taille et l'âge peuvent
être collectées simultanément aux données pour
l'indicateur précédent ; la taille peut être
déterminée par une estimation de la longueur in situ ou par
mesure directe de la longueur d'individus capturés. On peut
fréquemment déterminer l'âge approximatif des individus
directement à partir de leur taille ou d'autres caractéristiques
physiques.
Cet indicateur permet d'établir la distribution des
individus d'une espèce par taille et/ou par âge. Grâce
à ces données, si la taille/ l'âge de première
reproduction de l'espèce est connu, il est possible d'évaluer son
potentiel reproducteur.
Une population ne subissant pas ou peu la pression humaine
à davantage de chance de comporter un nombre suffisant d'individus en
âge de se reproduire. On considère donc que
9 Une espèce focale
est "un organisme ayant de la valeur sur le plan
écologique et/ou humain et qui présente un intérêt
prioritaire pour la gestion par l'intermédiaire de l'AMP" (Pomeroy
et al., 2006). Divers types d'espèces focales sont
détaillés dans le guide tels que les espèces
cibles (présentant un intérêt en raison
de leur utilisation) ou les espèces vedettes
(espèces charismatiques ayant une importance sociale
et culturelle)
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dans une AMP efficacement gérée, les individus
doivent être répartis entre les différentes classes
d'âge. Cependant, beaucoup d'espèces côtières
changent de milieu selon leur stade de développement. Dans ce cas,
l'absence de reproducteurs n'est pas nécessairement signe d'un mauvais
état de la population. Une bonne connaissance de la biologie des
espèces évaluées parait donc primordiale.
La comparaison des distributions de taille à
l'intérieur et à l'extérieur de l'AMP peut suggérer
un effet de propagation de certaines classes de taille particulière.
? Indic. B3 : répartition et complexité de
l'habitat
L'habitat est défini comme "l'espace occupé
par un organisme, une population ou une communauté pour y vivre, et
caractérisé à la fois par ses propriétés
biotiques et physiques" (Pomeroy et al. 2006). La
répartition de l'habitat dans un espace donné est
représentée par la localisation, la configuration et
l'étendue des divers types d'habitats. La complexité de l'habitat
représente la diversité des types d'habitat sur l'espace
considéré.
Les organismes sont inféodés à un certain
habitat. L'apparition d'une perturbation qui entrainerait un changement de la
structure de l'habitat peut avoir un impact sur certaines espèces et
modifier l'équilibre écologique.
La collecte des données nécessite d'effectuer un
inventaire complet des habitats de l'AMP - au minimum sur 20 à 30 % de
la superficie totale de l'AMP. Il est nécessaire de collecter trois
types de données des données sur la composition des habitats
(caractéristiques biotiques et abiotiques), l'état des habitats
et la répartition physique des habitats.
Les données recueillies permettront de réaliser
une cartographie des habitats. Les changements dans la répartition et la
complexité de l'habitat peuvent avoir une origine naturelle ou
anthropique. L'estimation de l'étendue des activités humaines
mise en relation avec les changements de l'habitat peuvent aider à
comprendre l'origine de ces derniers.
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? Indic. B4 : composition et structure de la
communauté
La communauté représente "l'ensemble de
toutes les populations d'organismes d'une zone géographique
donnée, qu'ils soient indigènes ou exotiques"(Pomeroy et al.
2006). La composition de la communauté correspond à la nature de
toutes les espèces qui forment cette communauté. La structure de
la communauté est définie par l'abondance relative des
espèces, leur répartition et la manière dont elles sont
organisées.
Les méthodes de collecte des données sont
similaires à celles employées pour les indicateurs B1, B2 et B3.
Cependant, celui-ci nécessite de répertorier absolument tous les
organismes vivants observés sur le site échantillonné.
Cet indicateur permet d'acquérir une connaissance
approfondie des espèces et de leur organisation, connaissance qui peut
être mise à profit afin de mieux cibler les actions de gestion.
? Indic B7 : Type, niveau et rentabilité de
l'effort de pêche
Le type d'effort "décrit la nature et le
degré de la force d'extraction déployée lors des
activités de pêche, à la fois en termes de technologie et
de main d'oeuvre qualifiée.".
Le niveau d'effort "permet de mesurer la quantité
des forces de travail (nombre de personnes) et le temps (nombre d'heures/
jours) utilisés lors des activités de pêche."
L'efficacité ou la rentabilité de l'effort de
pêche "est mesurée à travers le nombre (d'individus) ou
le poids (biomasse) d'une espèce capturée par unité
d'effort (jour ou heure par personne ou équipe de personnes) en fonction
de la méthode de pêche et de la technologie
utilisées." (Pomeroy et al. 2006)
L'effort de pêche doit être évalué
pour chaque espèce séparément parce qu'il est
différent pour chacune. Si on l'évalue de manière globale
pour toute une série d'espèces, la raréfaction d'une
espèce risque d'être masquée par d'autres espèces
qui se portent bien.
Les données sont récoltées auprès
des services de pêche, à travers des enquêtes auprès
des pêcheurs et par des observations lors des activités de
pêche.
L'évolution au cours du temps peut être
observée. Il est intéressant également de calculer
l'efficacité de l'effort de pêche à proximité de
l'AMP et dans des zones plus éloignées afin d'évaluer
l'effet de propagation.
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? Indic. B8 : Qualité de l'eau
La qualité de l'eau est "une mesure abiotique et
biotique (en cas de pollution bactérienne) des paramètres
environnementaux ambiants présents dans la colonne d'eau" (Pomeroy
et al. 2006). Ces paramètres sont la température, la
salinité, la teneur en oxygène, la turbidité, le taux de
sédimentation, la charge nutritive et également la concentration
en toxines et en certains types de bactéries.
Il existe des techniques simples de collecte des
données pour chaque paramètre. Il est préférable
d'évaluer régulièrement les différents
paramètres physicochimiques (toutes les semaines ou tous les mois).
Notons que la qualité de l'eau à tendance à varier selon
les saisons.
Les divers paramètres physico-chimiques de l'eau sont
des facteurs limitant pour les organismes. La qualité de l'eau renseigne
donc sur la santé de l'écosystème. Un grand nombre
d'activités anthropiques peuvent influencer la qualité de l'eau
(déversement dans la mer ou à proximité de déchets,
de pétrole ou de substance toxiques, érosion terrestre, etc.). La
réduction des activités réputées polluantes devrait
donc faire partie des activités du plan de gestion. Cependant, la
qualité de l'eau étant influencée par des sources
extrêmement variées, l'évolution de cette dernière
n'est pas nécessairement attribuable à la gestion de l'AMP.
Malgré qu'une relation entre qualité de l'eau et réussite
de l'AMP soit délicate à établir, cet indicateur parait
important à suivre étant donné son influence sur les
objectifs déclarés de l'AMP.
? Indic. B9 : Zone présentant des signes de
rétablissement
Cet indicateur mesure la superficie qui a été
"restaurée" sur la superficie totale de l'AMP ou les populations
d'espèces focales "restaurées".
L'évaluation de cet indicateur, nécessite
d'avoir défini au préalable des objectifs de
"rétablissement" sous forme de seuils mesurables. Cet indicateur peut
donc être considéré comme une manière d'analyser les
autres indicateurs biophysiques. Il s'agit alors d'évaluer si le "seuil
de rétablissement" est atteint pour les différents
indicateurs.
Remarquons que la définition du "seuil de
rétablissement" est très subjective et peut donc être
sujette à des controverses.
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? Les indicateurs suivants sont particulièrement
complexes à évaluer ; par conséquent il n'y a pas de
données disponibles à leur sujet et il n'est pas possible dans le
cadre d'un mémoire de les collecter.
Il s'agit des indicateurs :
- B5 : succès du recrutement au sein de la
communauté pour lequel l'auteur précise: "Cet
indicateur figure parmi les indicateurs d'efficacité de la gestion les
plus complexes et les plus avancés de ceux présentés dans
ce guide. [...] la mesure de cet indicateur ne doit être effectuée
que par des individus hautement qualifiés [...]."
- B6 : Intégrité du réseau
trophique pour lequel il est noté : "La collecte des
données permettant de mesurer cet indicateur avec précision n'est
pas une tâche simple ou facile. [...] l'équipe devra mener des
entretiens et organiser des groupes de réflexion avec des
spécialistes (chercheurs, pêcheurs, personnel scientifique de
l'AMP par exemple) afin de dégager et de caractériser (sur le
plan fonctionnel) les divers rôles et niches connus qu'occupent les
organismes au sein des différents niveaux trophiques, y compris leurs
multiples relations prédateur-proie ainsi que la façon dont ces
relations évoluent dans le temps et les raisons de cette
évolution."
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