Résumé
Contexte - Objectif : Malgré plus d'un
siècle d'investigation, les connaissances sur les maladies veineuses
thrombo-emboliques (MVTE) présentent encore des insuffisances.
Notamment, on observe encore une très grande disparité sur les
données épidémiologiques. Toutefois, l'identification de
divers facteurs de risque de ces affections a permis de définir des
moyens de prévention et/ou de traitement irréfutablement
efficaces. Malgré de nombreuses preuves d'efficacité de ces
mesures, des travaux contemporains signalent encore une faible utilisation par
les équipes hospitalières. Cette situation décrite dans
l'environnement occidental n'a jamais été évaluée
chez nous. Il est alors à redouter qu'elle y soit au moins transposable.
Le but de ce travail a été d'évaluer les pratiques des
équipes hospitalières de Yaoundé et Douala
vis-à-vis des MVTE.
Méthode et résultats : A l'insu des
équipes hospitalières, nous avons procédé à
un recrutement consécutif de 948 patients hospitalisés dans 5
hôpitaux de référence des 2 grandes métropoles du
Cameroun. Le travail de nos investigateurs a consisté (1) à
examiner les patients à la recherche de facteurs de risque de MVTE et
des signes cliniques de thrombose veineuse profonde (TVP) et d'embolie
pulmonaire (EP), (2) à observer de façon passive les pratiques
des équipes vis-à-vis de ces affections (consultations des
dossiers de patients) et enfin secondairement (3) à relever le nombre de
TVP et/ou EP effectivement identifiés, les durées
d'hospitalisation et le taux de mortalité toutes causes confondues.
Sur les 948 patients retenus (57 +/- 12 ans, 60.1% de
mâles), 853 (90%) avaient un risque de MVTE. Les facteurs de risque les
plus fréquents étaient l'âge > 40 ans (90%), l'alitement
prolongé (59%), les infections (39), l'obésité (22%), les
cardiopathies chroniques (17%), les accidents vasculaires
cérébraux (15%). 51% des patients cumulaient plus de 2 facteurs
de risque, 7% plus de 5. Le risque thrombo-embolique était
modéré à élevé chez 263 patients. Les
praticiens ont évalué ce risque uniquement chez 583 (61.5%)
patients.
Nos investigateurs ont retrouvé 104 patients
symptomatiques (101 évoquant une TVP et 10 une EP) avec une
probabilité clinique intermédiaire à forte dans 79 cas
(TVP) et 3 (EP). Pour leur part, les équipes hospitalières ont
signalé explicitement 53 patients symptomatiques (49 TVP et 6 EP). Ils
n'ont fait aucune référence à un score de
probabilité clinique. 39 suspicions de TVP ont
bénéficié d'un examen ultrasonographique (32 cas
confirmés). Aucun cas suspect d'EP n'a été
investigué.
Sur les 263 patients ayant une indication formelle
d'application de mesures anti-thrombotiques préventives (risque
modéré à élevé), 128 (49%) n'en ont pas
bénéficié ; 41% ont eu des mesures physiques ;
47% des anticoagulants. Ces mesures étaient concordantes aux guidelines
chez 447 (47.15%) patients.
Vingt-neuf (28%) patients symptomatiques ont été
traités en milieu hospitalier, la mise sous AVK n'ayant
été constatée que chez 3.
La durée d'hospitalisation (10 +/- 15) et la
mortalité toutes causes confondues s'accroissaient de façon
significative avec le nombre cumulé de facteurs de risque, le niveau de
risque et la présence de signes cliniques de TVP et EP.
Conclusion : Comme en occident, le risque
thrombo-embolique est important chez nos patients hospitalisés. Son
évaluation doit devenir un objectif proéminent pour les
praticiens en vue d'identifier les patients à soumettre aux mesures
préventives dont l'efficacité n'est plus à
démontrer.
Summary
Background - Objectives: venous thromboembolisms remain a
prime public health worry in western countries. Despite a more than
a century long-standing knowledge, epidemiological data on these affections are
still incomplete. Wide disparities are observed in their recorded annual
incidence (50-200 per 100,000). Until recent reports, they were said to be rare
in asian and african populations.
VTE appear to be the most preventable in-hospital acquired
disease with widely proven efficient preventive measures available. But several
studies mentioned their low application by physicians. These records in
developed countries have never been assessed among Cameroonian practitioners.
The aim of the present study was therefore to assess the awareness of
cameroonian physicians towards the DVT risk in the main hospitals of Yaounde
and Douala.
By a consecutive non probabilistic sampling, we recruited 948
patients admitted in 5 main hospitals of Yaounde and Douala. Investigators (1)
examined patients to collect risk factors of VTE and clinical signs of DVT and
PE ; (2) passively noticed the attitude of operating medical staffs
(without them being aware) vis-à-vis the VTE risk and DVT or PE
management.
Finally, primary and secondary outcomes could be determined.
(1)Primaries: presence of VTE risk factors, presence of DVT or PE clinical
signs, awareness of physicians towards VTE and its adequacy when balanced to
the American College of Chest Physicians (ACCP) recommendations;
(2)Secondaries: advent of DVT or PE, duration of hospitalization and all-cause
death among risk groups.
Of the 948 patients retained (57 +/- 12 years, 60.1% male),
853 (90%) had a risk of VTE. The most frequent risk factors included age >
40 years (90%), prolonged bedrest (59%), infections (39%), morbid obesity
(22%), chronic cardiac diseases (17%), strokes (15%). 51% patients cumulated 2
more than 2 risk factors, 7% more than 5. The risk was moderate-to-high 263
patients. It had been assessed by physicians in 583 (61.5%) patients.
Investigators found 104 symptomatic patients with 101
advocating DVT and 10 PE. Their clinical probability was intermediary-to-high
in 79 and 3 cases for DVT and PE diagnosis respectively. On their part,
physicians formally advocated DVT in 49 cases and PE in 6. They had not used
any validated clinical probability score. Only 39 of these symptomatic patients
undergone echo-Doppler; 32 DVT were confirmed; any suspected case of PE was
investigated.
Of the 263 patients with indication of preventive measures of
VTE (aggregated moderate-to-high risk group), 128 (49%) had not benefited; 41%
received physical measures and 47% anticoagulants. These preventive management
was concordant to ACCP guidelines in 447 (47.15) cases.
Twenty-nine symptomatic patients were put on enoxaparine, only
3 were put on acenocoumarol.
Mean hospital lenght of stay was 10 +/- 15 days and 79 (8.33%)
all-cause death occured. These factors were significantly increasing with the
cumulative number of risk factors, the level of the VTE risk and the presence
of VTE signs.
Conclusion: As described in western countries, the risk of VTE
does exist among in-patients of our hospitals. Its assessment may become an
important taste for physicians in order to identify patients with indication of
preventive measures or investigation for VTE.
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