Dans le graphique (2.1), l'évolution de la
productivité du travail par secteur d'activité laisse
présager que durant la période 1993 à 2002, la
productivité du travail dans le secteur informel a été
très faible. Le secteur informel inclut « les entreprises
individuelles privées (sauf les quasi-sociétés), qui
produisent au moins une partie de leurs biens et services destinés
à la vente ou à l'échange, possèdent moins de 5
employés, ne sont pas enregistrées, et sont impliquées
dans les activités non-agricoles (y compris les activités
professionnelles ou techniques), les domestiques sont exclus.31 Sur
le plan national, d'après la définition officielle, le taux
d'informatisation représente le rapport entre le nombre d'actifs dans le
secteur informel ou ayant une activité précaire et le nombre
total d'actifs occupés. Il est important de préciser que cette
définition nationale du secteur informel inclue aussi les travailleurs
agricoles du milieu rural. Il s'avère donc que le faible niveau de
productivité du travail de ce secteur est dû à la faible
couverture sociale que connaissent les travailleurs exerçant dans ce
milieu. Car ceux-ci sont exposés à d'énormes risques ce
qui fait qu'ils adoptent des comportements sous-optimaux en termes de
capacités de production. Les taux d'accidents sont bien plus
élevés parmi les travailleurs qui ont peu de moyens d'en
être indemnisés.
Toutefois, les traitements dans le secteur formel sont
différents de celui présenté ci-dessus. Dans ce secteur,
on trouve généralement des normes de travail, l'existence de
syndicats qui négocient des traitements des travailleurs dans les
différentes structures. Les travailleurs de ce secteur, se sentant bien
traité, adoptent une stratégie coopérative. On constate
une hausse de l'intensité et de la qualité de travail, qui a pour
effet d'élever les gains de productivité dans le secteur formel
comparé à ceux observés dans le secteur informel. Cela
peut être confirmé par l'allure de la courbe de la
productivité dans le secteur formel qui croit de façon
remarquable depuis 1996 jusqu'à 2000, année où la
politique sociale devient une préoccupation des décisionnaires
avec l'éligibilité du Cameroun à l'initiative des Pays
Pauvres Très Endettés (PPTE). La courbe de la productivité
dans le secteur informel connaît une évolution plus
modérée durant toute la période.
Le graphique présente par ailleurs, la courbe de
productivité du travail dans le secteur formel largement au dessus de
celle du taux de productivité du travail dans le secteur informel. On
peut donc dire que la différence de productivité entre les deux
secteurs est
31 D'après le Groupe International des Experts
su les Statistiques du Secteur informel.
imputable à une différence des politiques de
protection sociale pratiquées dans ces secteurs. Durant toute la
période, la productivité totale du travail a évolué
de façon plus ou moins constante. Cette évolution est semblable
à celle dans le secteur informel, ce qui signifie que ce secteur exerce
une très grande influence sur l'ensemble de l'économie.
Les données utilisées pour représenter
ce graphique, sont issues de l'Institut National de la Statistique : les
comptes nationaux du Cameroun32.
Graphique 2.1 :

productivité
9000
8000
6000
5000
4000
2000
7000
3000
1000
0
1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002
ANNEES
EVOLUTION DE LA PRODUCTIVITE DU TRAVAIL PAR SECTEUR
D'ACTIVITE AU CAMEROUN
PRODUCTIVITE TOTALE DU TRAVAIL PRODUCTIVITE DU TRAVAIL DU
SECTEUR FORMEL
PRODUCTIVITE DU TRAVAIL DU SECTEUR INFORMEL
Source : INS-Annuaire Statistiques de l'économie
camerounaise 2004.
On peut trouver une explication à ces écarts de
productivité en se référant à la théorie du
salaire d'efficience.
I-2-2 : Comment expliquer les écarts de
productivité pour les individus identiques ?
Une application assez directe des idées de la
théorie du salaire d'efficience concerne la description dite dualiste du
marché du travail (voir Cain, 1976, pour un exposé complet). En
résumé, elle regroupe l'ensemble des entreprises autour de deux
secteurs, appelés primaire et secondaire, et
correspondant chacun à un mode de fonctionnement différent du
marché du travail.
39
32 Voir tableau 2.1 dans ce chapitre.
40
Les emplois dans le secteur primaire se caractérisent
par des hauts salaires, d'une plus grande sécurité sociale et des
possibilités de promotion. A l'inverse, les emplois du secteur
secondaire sont associés à des bas salaires, offrent peu de
sécurité sociale et des promotions limitées. Les
travailleurs du secteur secondaire préféreraient être
employés dans le primaire, mais les salaires de ce secteur sont peu
flexibles et les emplois s'y trouvent rationnés. Cette
description s'accorde bien avec les théories du
salaire d'efficience. En
contrôlant
l'hétérogénéité des
employés, il apparaît que les firmes à hauts salaires ont
une productivité supérieure aux autres. Autrement dit, avec une
main-d'oeuvre identique, les firmes offrant une couverture sociale plus
élevée ont une productivité plus forte.
Une évaluation statistique peut permettre de mieux
cerner l'incidence des politiques de protection sociale sur la
productivité de la main d'oeuvre.
SECTION II : EVALUATION STATISTIQUE DE LA
RELATION ENTRE LA PROTECTION SOCIALE ET LA PRODUCTIVITE DU TRAVAIL
L'objectif de cette section est de tester l'hypothèse
H1 selon laquelle, une hausse de la
couverture sociale entraîne une augmentation de la
productivité de la main d'oeuvre. On analysera l'évolution de la
productivité du travail et des mesures de protection sociale (II-1), et
on déterminera le lien entre une variable de protection sociale et une
variable de productivité du travail (II-2).
II-1 : Evolution de la productivité du
travail, des cotisations sociales et des prestations sociales
reçues
Cette évolution sera appréhendée, d'une
part à travers une analyse du tableau présentant la
productivité du travail et des cotisations sociales (II-1-1) et d'autre
part, graphiquement, à travers l'évolution des courbes de
productivité du travail et des prestations sociales reçues par
les ménages (II-1-2).