II-2 : Méthode d'estimation, présentation des
résultats et interprétations
Les différents tests effectués ci-dessus
permettent de choisir la méthode d'estimation appropriée.
II-2-1 : Méthode d'estimation
Pour les estimations, les variables ont été
exprimées en logarithme. Dans la mesure où les variables ne sont
pas stationnaires et sont intégrées de même ordre, les
procédures relatives à la méthode en deux étapes de
Engle et Granger, avec ses préalables (détermination du nombre de
relations de cointégration) et ses conséquences
éventuelles (utilisation d'un modèle vectoriel à
correction d'erreur (VEC), en cas d'existence de relation de
cointégration est > 1), sont souvent recommandées. Dans le
cadre de cette étude, la méthode d'estimation par les MCO en une
étape de Hendry, se révèle adaptée, du fait du
caractère stationnaire des résidus de l'équation de long
terme.
Ecriture de l'équation
L'équation du mécanisme de correction d'erreur
s'écrit :
D ( LNPIBR ) = â + â
1 D
0
|
(LNIVPR ) + â D ( LNPAC ) +
â 3 D ( LNDEPS )
2
|
+ â D ( HUM ) + â
5 LNPIBR (
4
|
-
|
1
|
) + â LNIVPR ( 1
6 -
|
) + â 7 LNPAC (
|
-
|
1
|
)
|
+ â LNDEPS ( - 1 ) + â
9 HUM (
8
|
-
|
1 )+å t
|
80
Dans cette expression, les coefficients
â1 à â4,
caractérisent la dynamique de court terme, tandis que les coefficients
â6 à â9 permettent
de dériver les comportements
81
d'équilibre de long terme de la croissance du PIB
réel. Le coefficient b5 est le coefficient de
correction d'erreur et et est le terme d'erreur.
II-2-2 : Présentation des résultats et
interprétations
Les estimations ont été effectuées
à l'aide du logiciel EVIEWS et on a les résultats suivants :
Tableau4.4 : Résultats de l'estimation du
MCE par la méthode des MCO.
Dependent Variable: D(LNPIBR)
Method: Least Squares
Date: 04/04/08 Time: 09:18
Sample(adjusted): 1976 2006
Included observations: 31 after adjusting endpoints
White Heteroskedasticity-Consistent Standard Errors &
Covariance
Variable
|
Coefficient
|
Std. Error t-Statistic
|
Prob.
|
C
|
-11.38710
|
8.685493 -1.311048
|
0.2040
|
D(LNIVPR)
|
0.520851*
|
0.064287 8.102029
|
0.0000
|
D(LNPAC)
|
1.515339
|
0.975838 1.552859
|
0.1354
|
D(LNDEPS)
|
-5.582109**
|
2.081861 -2.681307
|
0.0140
|
D(HUM)
|
0.000792
|
0.001217 0.650319
|
0.5225
|
LNPIBR(-1)
|
-0.225019**
|
0.112276 -2.004144
|
0.0464
|
LNIVPR(-1)
|
0.219396**
|
0.075421 2.908969
|
0.0084
|
LNPAC(-1)
|
2.280229
|
2.066175 1.103599
|
0.2823
|
LNDEPS(-1)
|
-4.712109**
|
2.160931 -2.180592
|
0.0407
|
HUM(-1)
|
0.002144
|
0.001693 1.266909
|
0.2191
|
R-squared
|
0.908312
|
Mean dependent var
|
0.068688
|
Adjusted R-squared
|
0.869017
|
S.D. dependent var
|
0.217058
|
S.E. of regression
|
0.078556
|
Akaike info criterion
|
-1.994301
|
Sum squared resid
|
0.129594
|
Schwarz criterion
|
-1.531725
|
Log likelihood
|
40.91167
|
F-statistic
|
23.11530
|
Durbin-Watson stat
|
2.190309
|
Prob(F-statistic)
|
0.000000
|
Source : Auteur
(*) Significatif à 1%, (**) significatif à 5% et
(***) significatif à 10%.
Interprétations des résultats
Le coefficient b5 (force de rappel vers
l'équilibre) dans l'équation d'équilibre de court
terme est le coefficient de correction d'erreur. On constate
que le coefficient associé à la force de rappel est
négatif (-0,225) et significativement différent de zéro au
seuil statistique de 5% (son t de Student est supérieur à 1,96 en
valeur absolue). Il existe donc un mécanisme à correction
d'erreur : à long terme les déséquilibres entre les
séries se compensent de sorte que ces séries ont des
évolutions similaires. Le modèle estimé a un bon pouvoir
explicatif car la Fisher vaut 23,115 et le coefficient de détermination
est égal à 0,9083. Ce qui signifie que
82
90,83% des fluctuations de la croissance sont
expliquées par l'investissement privé réel, la population
active, le capital humain et les dépenses de sécurité
sociale.
Les interprétations seront faites selon une vision de
court terme et de long terme.
1) A court terme
D'après les résultats des estimations de
l'équation de court terme, il ressort qu'à court terme les
dépenses de sécurité sociale ont impact négatif et
significatif sur la croissance. Ce qui conduit à dire qu'une
augmentation des dépenses de protection sociale entraîne une
baisse de la croissance. De plus, l'élasticité de court terme de
la demande de protection sociale par rapport au PIB réel est
égale à -5,58 ce qui signifie que si les dépenses de
protection sociale augmentent de 1% alors le PIB réel sera réduit
de 5,58%. Toutefois, la variable qui apparaît avoir l'impact positif le
plus significatif sur la croissance est l'investissement privé
réel. Car son t-Student est le plus élevé, il vaut 8,102
et l'élasticité de court terme de l'investissement par rapport au
PIB réel est de 0,520 donc à court terme, si l'investissement
augmente de 10%, alors le PIB réel augmentera de 5,20%. Le capital
humain et la population active semblent ne pas avoir un impact significatif sur
la croissance, mais les signes sont conformes avec les prédictions
théoriques.
Une façon d'interpréter ces résultats
consiste à dire que l'effet sur la croissance ne résulte pas de
la protection sociale à court terme, mais plutôt des
prélèvements opérés pour pouvoir financer les
dépenses de protection sociale. Les prélèvements sociaux
sont la cause de l'alourdissement de la fiscalité. De plus, la prise en
compte des dépenses de retraite, qui correspondent à des
prestations versées à la tranche de la population non active
rentre dans la catégorie des dépenses improductives de l'Etat.
Ces dépenses qui sont élevées dans les budgets de la
sécurité sociale, affecteraient donc négativement la
croissance à court terme.
2) A long terme
Les estimations de l'équation de long terme
présentent des résultats qui sont presque identiques de ceux de
la dynamique de court terme. Ici, les dépenses de sécurité
sociale ont aussi un impact négatif et significatif sur la croissance
car le coefficient de long terme associé à ces dépenses
est négatif et significativement différent de zéro au
seuil de 5%. Ce qui rejoint les résultats trouvés dans certaines
études antérieures sur la relation (Tabellini (2000), Arjona, et
al. (2002), par exemple). Toutes les autres variables semblent avoir
un effet positif sur la croissance. Mais même à long terme, la
population active et le capital humain ont des effets moins significatifs sur
la croissance. Ce qui conduit à une certaine prudence dans
l'interprétation de ces résultats. Etant donné que
d'après les nouvelles théories de la
83
croissance endogène (Guellec et Ralle, 2001), ces deux
variables sont pertinentes à l'explication de la croissance et donc
devraient être significatives.
En somme, il ressort des estimations effectuées
ci-dessus qu'à court terme et long terme les dépenses de
protection sociale paraissent exercer des effets négatifs
considérables sur la croissance de l'économie camerounaise. Si
les résultats peuvent paraître conformes avec ceux de certains
auteurs qui ont trouvé une incidence négative (Bassanini et
Sarpetta, 2001, Arjona et al., 2001, par exemple), ils contredisent
cependant les résultats de Gwartney, Lawson et Holcombe (1998),
Cassamatta, Cremer et Pestieau (2000) qui ont trouvé une incidence
positive de ces dépenses sur la croissance et surtout d'Arjona, Ladaique
et Pearson (2002) qui plaident pour la différenciation à
instaurer entre les effets des dépenses sociales actives et les
dépenses sociales passives sur la croissance. Puisque selon les auteurs,
les dépenses sociales actives auraient un effet positif sur la
croissance et ce sont les dépenses passives qui sont néfastes
à la croissance.
Par ailleurs, la question relative à la destination
effective des dépenses de sécurité sociale engagées
par les représentants des pouvoirs publics mérite d'être
posée, en liaison avec l'impact négatif à court et
à long terme. Ainsi, soit les dépenses de sécurité
sociale ont le plus souvent été faites pour payer les
retraités qui sont peu productifs en terme de contribution à la
croissance économique, au détriment des indemnisations des
accidents de travail ou de l'assurance maladie pour les travailleurs. Soit,
elles ont été détournées de leur destination
initiale, ce qui pose donc dans ce cas la question de la bonne gouvernance
économique au Cameroun. En effet, Rajkumar et Swaroop
(2002)42 ont montré, à partir d'une comparaison
internationale et d'une estimation sur données de panel couvrant la
période 1990-1997, que la bonne gouvernance (mesurée par le
degré de corruption et la qualité de la bureaucratie) a un impact
positif sur l'efficacité des dépenses publiques. Cette
efficacité est mesurée par le gain sur la croissance du PIB, de
l'augmentation des dépenses publiques de santé.
En outre, autant que le montant des dépenses de
protection sociale, le mode de financement de celles-ci joue un rôle
crucial dans la détermination de l'impact global de la protection
sociale sur la croissance. Le taux de cotisation sociale prélevé
par la CNPS doit être celui qui n'alourdit pas le coût du travail
pour ne pas contribuer à l'augmentation du taux de chômage, qui a
une incidence négative sur la croissance et le bien-être
social.
Les résultats trouvés dans cette étude
semblent rejeter l'hypothèse H2 selon laquelle
une augmentation des dépenses de protection sociale
accélère la croissance. Les coefficients
42 Cités par Nubukpo (2003) dans «
Dépenses publiques et croissance des économies de l'UEMOA »,
CIRAD, Montpellier (France).
84
associés aux dépenses de sécurité
sociale étant négatifs à court et à long terme cela
traduit une diminution de la croissance consécutive à une
augmentation des dépenses de protection sociale.
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