Considerations historico-juridiques sur le regime politique haitien( Télécharger le fichier original )par Jhensly Endy Frederic Faculte de Droit et des Sciences Economiques, UEH - Droit 2014 |
ConclusionLe régime politique haïtien est cadré à la démocratie. Dans la volonté de rompre avec le passé terrifiant sous lequel le pays a vécu pendant environ trente ans, les constituants ont voulu doter le pays d'un régime politique démocratique. Et ce n'est pas raté constitutionnellement. La Constitution a établi un ensemble de mécanismes pouvant conduire à l'atteinte de l'idéal démocratique tant dans la relation des pouvoirs entr'eux que dans l'attribution des prérogatives à l'être haïtien. Cependant, le mode d'agencement de la relation existante entre les pouvoirs, déterminant pour trouver la nature du régime, est vraiment un maquis. Cette situation suscite beaucoup de recherches et de débats. Dès la naissance de ce régime, des travaux sont réalisés en la matière. A notre avis, même les constituants de 1987 ne connaitraient pas la vraie nature du régime ou ils pensaient lors de l'élaboration de la Constitution qu'ils allaient instituer tel ou tel régime mais au cours de route ou à la fin, ils ont perdu le contrôle de la nature de ce qu'ils voulaient faire127. Les questions ou les débats sur les régimes politiques sont loin d'être terminés et le régime politique haïtien n'en est pas exempt parce qu'il est une petite partie dans ce cadre général et universel. Autrement dit, autant qu'il y ait de débats sur les régimes politiques dans le monde, autant le régime politique haïtien offre de nouvelles pistes de réflexions. Donc, il est une question interminable à laquelle chacun peut apporter un élément de réponse dans le but de contribuer à son évolution. Le régime politique haïtien n'est pas semi-parlementaire semi-présidentiel. Il n'est non plus un régime parlementaire exacerbé ou absolu malgré la diminution considérable des pouvoirs du Président. A notre avis et dans la perspective de la constitutionnaliste, professeure agrégée de droit public à l'université Paris I, panthéon Sorbonne, Marie-Anne Cohendet, la Constitution de 1987 a instauré un régime parlementaire bi-représentatif. Il est parlementaire parce qu'il existe le Gouvernement, responsable devant le Parlement. Il est bi-représentatif parce que les membres du Parlement sont élus à la majorité des suffrages exprimés et le Président est élu au suffrage 127 Ce que Morin Edgar aurait appelé écologie de l'action. Voir https://www.youtube.com/watch?v=BMhL9CCRIb4, conférence donné par Morin Edgar et Ramadan Tariq l'Éthique aujourd'hui, entre théories et pratiques, université Georgetown, le 29 octobre 2013. 93 universel direct. Les deux sont élus aux suffrages directs. Donc, le peuple est doublement représenté, ce qui fait du régime politique haïtien un régime parlementaire bi-représentatif. Nous rejetons du même coup les arguments qui font de l'élection du Président de la République au suffrage universel direct un élément essentiel du régime Présidentiel. Dans le monde et dans le cas d'Haïti, en 2014, cet argument est tout à fait dépassé. L'élection du Parlement et du Président au suffrage universel fait que le peuple jouisse d'une double représentation politique. Il choisit à la fois les parlementaires et le Président pour le représenter et diriger à sa place. Dans les régimes parlementaires proprement dit ou classique, il n'existe pas forcément un Président élu au suffrage direct mais plutôt un roi ou une reine, le cas de l'Angleterre qui a un Parlement élu, et un Gouvernement responsable devant eux mais le Chef de l'État, la reine n'est pas élue par le peuple. Aux États-Unis, il s'agit d'un régime Présidentiel parce que fondamentalement il n'existe pas un gouvernement responsable devant le Congrès. Le régime politique haïtien n'est pas à notre sens une cause essentielle de la pérennisation de la transition démocratique. Il a prévu largement un ensemble de droits civils et politiques, sociaux, économiques et culturels dont la jouissance ferait réellement du citoyen haïtien un être humain. Néanmoins, ce régime a joué un rôle dans la misère du pays. La relation entre le Parlement et l'Exécutif est trop compliquée. Dans la majorité des cas, les acteurs fonctionnent comme si tout a été prévu d'avance. Ils ne tiennent pas compte de l'époque si tel acte serait déstructurant pour le pays ou pas. La ratification ou le renvoi du Gouvernement soulève trop de conjonctures de crises dans le pays. Autrement dit, quand le pays est sans Gouvernement, les affaires de l'État sont dysfonctionnelles et dérangent tout le programme politique sur la base duquel a été élu le Chef de l'État. En plus, le renvoi du Premier Ministre implique d'office la démission de tous les autres Ministres, ce qui conduit à un problème de continuités dans les projets de l'État. Loin de vouloir nier les contrepouvoirs, mais dans ce cas-ci, les moments de crise sont redoutables pour la stabilité politique. Un pays instable est un pays dysfonctionnel, car les principales activités de l'Administration Centrale sont quasiment boycottées. A l'époque moderne, il serait très considérable si tous les acteurs de ce pays décidaient de rejeter toutes les pratiques destructrices de la démocratie, et s'adonner à une politique de redistribution 94 des richesses accumulées depuis plus de deux siècles au profit de tous. Changer l'État, n'est pas un changement de gouvernement, ni de régime, mais il s'agit de la modernisation des institutions publiques pour surmonter le mode de fonctionnement féodal, patrimonial128 et archaïque où chaque branche de l'Administration Publique se trouve déconnectée des autres pour arriver dans les coins les plus reculés du pays. C'est ce niveau d'efficacité que doit atteindre l'Administration Publique haïtienne, pour apporter les biens et services le plus proche possible du peuple, et de le mettre dans une situation où il peut réellement participer et influencer sur les décisions politiques si l'on veut instaurer réellement un régime démocratique. Et c'est dans cet objectif que nous proposons un régime présidentiel à l'haïtienne. Lequel régime qui sera composé d'un Parlement, d'un Président élu au suffrage universel direct et d'un Administrateur Central. Ce dernier coiffera les autres Administrateurs Départementaux et sa nomination se fera par le Président de la République après avis facultatif des Présidents des deux Chambres mais ne peut être demis ou renvoyé que par la même autorité de nomination. Telles, ont été les raisons de ce long voyage dans l'univers scientifique. Toutefois, le meilleur des régimes politiques, n'est pas forcément le parlementarisme ou le présidentialisme, encore moins le parlementarisme bi-représentatif et tant d'autres mais celui qui puisse satisfaire au plus haut niveau les besoins vitaux de l'État et de l'être humain. 128 A l'instar de Hector Michel, in Crises et Mouvements Populaires en Haïti, 2éd. Presses nationales, P-au-P 2006, p100. 95 |
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