Considerations historico-juridiques sur le regime politique haitien( Télécharger le fichier original )par Jhensly Endy Frederic Faculte de Droit et des Sciences Economiques, UEH - Droit 2014 |
B.- Les défis juridiques du régime politique haïtienHaïti pays pauvre, a signé une multitude de textes internationaux à caractère contraignant. Elle fait de la DUDH une règle à part entière, laquelle déclaration contenant au moins trois générations109. Celle des droits civils et politiques que l'État ne peut se prévaloir d'aucune contrainte pour ne pas les accorder ; la deuxième, celle des droits sociaux économiques et culturels pour lesquels il peut ne pas avoir les moyens nécessaires110. Et la troisième génération qui est d'une portée nettement humanitaire c'est à dire qu'un agent de l'État ne peut poser des actions dégradantes à l'encontre de l'être humain. Les droits civils et politiques s'inscrivent donc dans un rapport dialectique entre l'État et l'individu111.Ces droits n'avaient à l'origine qu'une simple portée morale. De la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen consacrée par la révolution française de 1789 à la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme du 10 Décembre 1948 adoptée par les Nations Unies, ces droits n'ont pas été des règles juridiques proprement dites. « La DUDH ne fait pas l'objet d'un traité ou d'accord international entre États112». Il s'agit d'un idéal à atteindre par les États du 108 Le cas du Sénateur Beauplan, lors de la ratification, en juillet 2008, du Premier Ministre désigné, Mme Pierre Louis : « Mon vote ne va pas vous empêcher d'être Premier Ministre ce soir, mais vous l'aurez si vous avez répondu oui sénateur, je vous donnerai le pont des trois rivières ». Telle a été la déclaration du Sénateur. Ce n'était pas si mauvais le conditionnement de son vote, et il l'a fait publiquement. 109Lochak Danièle, Les droits de l'Homme, 3 éd. La découverte, Paris 2009, pp 38-41 110A nos yeux, il s'agit d'un véritable problème, le fait qu'un État ne peut pourvoir économiquement et socialement les activités de ses citoyens. 111Dorléans Henri M., les Droits économiques et sociaux, in Revue de Droit et d'Economie, FDSE, P-au-P, no 1, Janvier-Juin 2004. P68. 112Discours d'Eleanor Roosevelt à l'assemblée générale des Nations Unies, le 9 Décembre 1948 cité par Marc Gambaraza, dans le statut Juridique de la DUDH, in Droits fondamentaux, Janvier 2010-Décembre 2010, p1. 82 Monde. Toutefois, cette déclaration a fini par acquérir progressivement une force juridique relativement obligatoire en fonction de l'État en question. En Haïti, la DUDH fait partie de la Constitution de 1987. Elle est devenue une norme juridique interne de l'État haïtien. Elle est consacrée sous la dénomination « droits fondamentaux » prévus au titre II, chapitre II de la Constitution haïtienne de 1987. Haïti a ratifié le pacte de 1966 relatif aux droits civils et politiques parce qu'elle manifeste la volonté de garantir leur exercice, mais la pratique s'exprime autrement (a) et le second, relatif aux droits socio-économiques qu'elle avait laissés de côté par manque de moyens113. Mais le deuxième pacte n'est-il pas le moteur de garantie de la jouissance des droits du premier (b) ? a) Du non-exercice des droits civils et politiques La réunion des droits civils et politiques constitue la qualité du citoyen haïtien (art 16 de la Constitution de 1987) et dont leur exercice est fonction de l'âge de la majorité fixé à 18 ans (art 17). La compréhension de cet article nécessite une double interprétation. D'une part, le citoyen est celui en qui les droits civils et politiques sont réunis. Et pour les exercer, l'individu doit avoir au moins dix-huit ans accomplis. Autrement dit, la qualité de citoyen haïtien est la conciliation de l'âge de la majorité (18ans) avec l'exercice des droits civils et politiques. Si on n'a pas dix-huit ans, on ne peut jouir de ces droits et, jouir de ces droits implique l'âge de la majorité révolu. Toutefois, celui, qui à dix-huit et ne jouit pas de ces droits, a choisi de les nier ou a été frappé d'incapacité suivant les prescrits de la loi. D'autre part, l'utilisation du mot « réunion » au niveau de l'art 16, a une portée réductrice de la qualité de citoyen dans la mesure où le tout est plus que la somme des parties. L'article a parlé de la réunion et non l'exercice de ces droits comme qualité de citoyen. On peut réunir les droits civils et politiques, mais on ne les exerce pas en réalité. L'exercice d'un droit implique la mise en oeuvre de plusieurs facteurs, ajouté d'une pluralité de détails qu'il faut prendre en considération. L'exercice d'un droit civil sous l'empire de la contrainte n'implique pas la citoyenneté. Aussi bien moralement qu'économiquement, quand le « citoyen » a été contraint d'exercer son droit de vote au profit de celui-là et au détriment de celui-ci, existe un problème fondamental qu'il faut résoudre. 113 Le parlement haïtien l'a ratifié le 31 Janvier 2012, mais il est encore conservé dans les tiroirs. 83 Le fait de se mettre dans un isoloir pour choisir un candidat, par exemple, est loin d'expliquer le secret et la liberté du choix. Impressionné par la conjoncture électorale, succombé devant les offres mesquines lors des campagnes électorales, le citoyen a été en effet considérablement contraint de voter en faveur de tel ou tel candidat. Ces cas constituent une sorte « d'interdiction implicite » de la jouissance de la qualité de citoyen. Pas d'exercice normal et volontaire de son droit sous l'empire de la contrainte et de la violence symbolique. Des cas pareils ne peuvent être considérés que comme des violations de la constitution, loi mère du pays. b) Une citoyenneté handicapée Un régime démocratique n'est fort que quand « il soumet le pouvoir politique à respecter les droits civiques114», socio-économiques et culturels. Au niveau de l'ordre interne, l'État haïtien a créé le Ministère des Affaires Sociales et du Travail et le Tribunal spécial du travail. Une simple énumération d'institutions laisserait voir une jouissance apparente des droits socio-économiques et culturels du citoyen haïtien. Mais nous n'allons pas nous accrocher à cette vision simpliste de la question. En effet, nous intéressent d'une façon particulière ici, le taux de chômage, le taux d'individus de la population active, le taux d'alphabétisation, car il s'agit d'une question complexe dont la compréhension nécessite l'application d'un système simple de compréhension. « Pour comprendre le simplifié, il faut le compliquer et pour comprendre le compliqué, il faut le simplifier 115». Ce qui veut dire que nous n'allons pas rester sur le chômage dans le pays, ce serait trop à notre travail mais, le mentionner faciliterait la compréhension des défis du régime politique haïtien. Haïti est un pays dans lequel le taux de chômage est de 35% sur les 2.9 millions de personnes de la population active116. Ce qui nous a retenu l'attention c'est que le taux de chômage avancé ici est réalisé sur la population active. La population active est celle qui, est en âge de travailler, a une profession et recherche un emploi. Nous avons donc une idée de la quantité de personnes qui n'ont pas pu assurer leur survie en Haïti. 114Touraine Alain, Critique de la Modernité, 1992, chapitre V- Qu'est-ce que la démocratie. P 375. 115Rochet Claude, professeur à l'université Paris Nord. Manager dans la complexité. P3 116 LOUIS Fritz-Gérald, un expert en analyse économique et développement international au cours de l'atelier de travail sur la problématique de la mesure de l'emploi, la semaine écoulée, Le Nouvelliste, [En Ligne]. In : http://www.lenouvelliste.com disponible sur http://lenouvelliste.com/lenouvelliste/article/124222/Le-chomage-evalue-en-chiffres.htm , novembre 2013, (page consultée le 15 janvier 2014) 84 La Constitution garantit la gratuité de l'éducation pour permettre à tous de jouir d'une certaine égalité, mais le taux d'alphabétisme de la population de dix ans et plus est de 61.0% sur l'ensemble du pays. Et ce pourcentage est plus élevé chez les hommes que les femmes : 63.8% contre 58.3%. Le taux d'alphabétisme est de loin acceptable en milieu urbain qu'en milieu rural (80.5% contre 47.1%)117. Dans un pays où la population est dans l'impossibilité de se débarrasser des contingences matérielles et ne peut prendre conscience de sa situation, il ne faut pas s'attendre à la jouissance consciente et effective des droits civils et politiques. Tout développement est une suite de libertés ou de droits. Le premier droit donne la possibilité d'accéder à un second et ainsi de suite. La première capacité de l'individu lui donne les moyens d'en développer une deuxième. Ce n'est pas le cas du citoyen haïtien qui ne peut se débarrasser de la nourriture et de sa santé précaire. Il se trouve alors dans l'impossibilité de jouir de ses droits politiques. Tout cela constitue un ensemble de défis juridiques auxquels le régime politique haïtien s'affronte. |
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