II.1.1- Initiatives prises par l'Etat
L'Etat camerounais, à travers son ministère de
la Culture, a entrepris de prêter main forte aux artistes dans leur
combat contre la piraterie. Le Décret n°2005/177 du 27 mai 2005
organise les missions du Ministère de la Culture. Il a pour missions,
entre autres, d'élaborer, de mettre en oeuvre et d'évaluer la
politique du gouvernement en matière de promotion et de
développement culturel, ainsi que de l'intégration nationale. A
ce titre, la lutte contre la piraterie incombe au premier chef à ce
département ministériel, car la promotion et le
développement de la culture nationale ne sont possibles que dans un
environnement sain ; ce qui n'est pas encore le cas au Cameroun.
Pour marquer son engagement en faveur de la lutte contre la
piraterie, le ministère de la Culture a créé un
Comité national de lutte contre la piraterie qui a pour vocation de
définir les actions à mener, afin de freiner la persistance de ce
phénomène et surtout d'utiliser les moyens de l'Etat pour mener
ce combat qui n'est pas du tout facile. Aussi, a-t-on souvent vu ce
comité s'investir aux côtés des artistes sur le terrain.
Toutefois, il faut reconnaître que l'action du Comité national de
lutte contre la piraterie n'est pas satisfaisante jusqu'ici. On entend à
peine parler de lui, sinon généralement pour dénoncer son
inertie. C'est pour cette raison que certaines initiatives sont prises par les
artistes eux-mêmes, pour venir à bout du phénomène.
II.1.2- initiatives prises par les artistes-musiciens
Le constat parle de lui-même : la piraterie des
oeuvres musicales a déjà atteint des proportions
inquiétantes. Dans les rues de Yaoundé, les CD de
contrefaçon se vendent sans aucune restriction des pouvoirs publics.
Fort de cela, la loi camerounaise dit clairement en son article 2 que tout
artiste ou groupe d'artistes ou ayant-droits, peuvent se plaindre si leurs
intérêts sont menacés ou en passe de l'être. Dans le
cas d'espèce, il n'y a qu'une seule structure réglementaire au
niveau de l'Etat camerounais et reconnue officiellement, qui lutte contre la
piraterie. Cette structure est le Comité national de lutte contre la
piraterie qui est sous la tutelle du ministère de la culture. Les
responsables de la société de gestion collective des droits
d'auteur ont donc invité les artistes eux- mêmes à prendre
résolument en main leur destin, par des actions concertées pour
venir à bout de cette gangrène qui les clochardise au fil du
temps. Il est question pour ces artistes de rehausser l'image de la musique
camerounaise. Aussi, organise-t-ils régulièrement au siège
de la SOCAM à Bastos, des réunions pour trouver des voies et
moyens susceptibles d'éradiquer ce phénomène Au cours d'un
point de presse accordé par la PCA de la SOCAM, Odile NGASKA
déclare que : « la piraterie est un fléau ; il
faut lutter main dans la main avec les associations, les syndicats et les
pouvoir publics pour pouvoir l'éradiquer ». L'action
des artistes-musiciens porte prioritairement sur la téméraire
décision d'aller affronter les pirates dans la rue, à travers des
descentes sur le terrain. Cette action est à mettre à l'actif des
Brigades de répression mises sur pied par le Comité musical de
lutte contre la piraterie (CMLCP), une ONG dirigée par
l'artiste-musicien PAPILLON. Ces descentes musclées conduisent à
des saisies et même à la destruction d'oeuvres pirates. Toutefois,
au regard des dispositions de la loi de 2000, il faut dire que de telles
actions sont illégitimes, car l'article 81 en son alinéa 1
dispose que :
Lorsque leurs droits sont violés ou menacés
de l'être, les personnes physiques ou morales ou leurs ayants droit ou
ayant cause, titulaires des droits visés par la présente loi,
peuvent requérir un officier judiciaire ou un huissier de justice pour
constater les infractions et au besoin, saisir, sur autorisation du Procureur
de la République ou du juge compétent, les exemplaires
contrefaisants, les exemplaires et les objets importés illicitement et
le matériel résultant, ayant servi ou devant servir à une
représentation ou à une reproduction, installés pour de
tels agissements prohibés.
En choisissant de faire régner la justice par
eux-mêmes, sans contrôle judiciaire, ces artistes-musiciens foulent
aux pieds les dispositions de l'article 81, alinéa 1.
A côté des descentes musclées sur le
terrain, il y a aussi des actions beaucoup plus pacifiques, notamment :
des marches de sensibilisation contre la piraterie, des tables-rondes, des
conférences, des spectacles. La dernière en date remonte au mois
de juin 2009, lors de la journée mondiale de la musique. Elle a
été initiée par l'Association camerounaise des
métiers de la musique (ACM). A cette occasion, près de 300
personnes, au rang desquels l'artiste-musicien DONNY El Wood. Pendant la
marche, les pancartes étaient brandies par des gens solidaires à
l'initiative, avec des messages aussi évocateurs les uns que les autres.
On pouvait par exemple lire des messages tels que :
« Attention pirates, épervier arrive ; La piraterie
tue la production musicale, mélomanes, non aux CD piratés ;
La culture vaincra la piraterie, etc. ». Une action qui n'a
toutefois pas permis d'endiguer le phénomène, car les pirates
restent toujours à l'oeuvre et des albums de musique à peine
sortis sont déjà disponibles à des prix dérisoires.
D'autres actions sont orientées vers la
possibilité de proposer des oeuvres musicales à des prix qui
pourraient amener les mélomanes à se détourner de la
piraterie. C'est le cas notamment du projet Culture MBOA, avec pour têtes
de proue, des artistes comme Ruben BINAM et Manuel WANDJI qui, depuis quelques
années, rend des CD originaux disponibles dans la ville de Douala et
Yaoundé. A côté des points fixes, des vendeurs ambulants de
CD originaux d'artistes camerounais sont désormais sur le terrain. Et
ceux-ci, on peut les acquérir à un prix qui ne va pas
au-delà de 4 500 francs.
En dépit de tous ces efforts cumulés, le
phénomène de la piraterie va grandissant ; ce qui suscite
des interrogations : Qu'est-ce qui favorise la persistance de ce
phénomène ? À quoi est due l'inefficacité des
efforts mis en place pour l'éradiquer ?
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