Piraterie ou contrefaçon des oeuvres musicales: facteurs explicatifs, modes opératoires et impact sur les artistes-musiciens à Yaoundé( Télécharger le fichier original )par Joel Christian NKENG à NKENG Université de Yaoundé 1 - Master 2 en Sociologie 2010 |
I.1.2- Niveau micro-socialCe niveau de piraterie nous invite à considérer l'individu dans son contexte relationnel, ou mieux dans un réseau d'interactions. C'est précisément au sein de ce réseau que les actes délinquants s'inscrivent. Le pirate réalise des copies de CD à l'aide d'un graveur et les propose à son entourage contre rémunération. A terme, son activité donne lieu à la mise sur pied d'un véritable cercle commercial, où il réalise des commandes à la demande du client et à des prix modiques. Généralement, dans ce niveau de piraterie, l'étendue du marché est plus ou moins vaste et la finalité est clairement économique, car l'activité est source de revenus pour le pirate ; Une certaine organisation est mise en place, tant pour ce qui concerne la production que la distribution des supports musicaux. Les individus qui agissent dans ce cadre sont conscients de ce que leur pratique est illégale, mais ne savent pas souvent quelle(s) loi(s) ils violent. I.1.3- Niveau macro-social (global)C'est le niveau le plus élevé de la piraterie. Au-delà du réseau de relations, l'on est ici en présence de réelles organisations criminelles et mafieuses. Nous insistons sur les vocables criminelle et mafieuse, parce qu'au cours de notre enquête sur le terrain, nous sommes parvenus à pénétrer dans l'enceinte d'une usine dont la principale activité est la production des CD pirates. Ceci a été rendu possible par l'entremise d'un livreur avec qui nous entretenons une relation de familiarité. Etant devenu l'un de ses meilleurs clients, nous lui avons fait la proposition de vouloir étendre notre réseau de distribution dans les zones de la haute-Sanaga et la frontière entre le Cameroun, le Gabon et la Guinée Equatoriale. En lui proposant des prix très bas, il a plutôt souhaité que nous nous rapprochions de son patron pour en discuter. Après deux premiers contacts au téléphone, contacts au cours desquels il s'est véritablement assuré de notre sincérité, nous sommes convenus de nous rencontrer, surtout en raison de grandes quantités de marchandises que nous voulions acheter. Les portes de l'usine nous ont donc été ouvertes pour nous assurer que notre commande peut être entièrement livrée dans les délais. Cette visite a été l'occasion pour nous d'observer leur mode de fonctionnement et leur organisation. Ainsi, ils opèrent dans des entrepôts ou des usines bien clos. L'accès y est strictement prohibé aux personnes étrangères. Les CD pirates y sont produits de façon industrielle grâce à des graveurs de forte capacité (avec une production de 100 CD en 15 minutes), empaquetés dans des cartons et discrètement chargés dans des camions qui les acheminent dans la nuit vers les différentes villes du pays. Il est généralement difficile d'identifier les endroits où ces CD sont produits, car les pirates ont bien conscience de ce que leur activité est illégale. Le délit est donc commis en connaissance de cause du point de vue pénal. Mais, du fait de l'impunité, ils tirent profit de leur activité illégale, au détriment des véritables auteurs des oeuvres musicales qu'ils piratent. Ce niveau de piraterie se distingue nettement des deux niveaux précédents. MONET, J.C. dresse à ce propos un tableau révélateur de ce contraste en affirmant : Ce qui caractérise peut-être le mieux la différence de nature entre la délinquance individuelle et le crime organisé, c'est que la nature stratégique de l'action du premier est loin d'être toujours évidente. Par contre, dès qu'il y a crime organisé, c'est-à-dire qu'il y a dans un ensemble humain repérable : division des tâches, hiérarchisation des niveaux de compétence, procédures de coordination, contrôles et sanctions, et ce pour assurer la circulation de flux économiques illicites, la mise à profit de facilités fiscales, douanières, policières, politiques, etc. pour réaliser avec le minimum de risques de gains illégitimes au regard de la ``saine'' morale, sociale, il ya nécessairement, en oeuvre, rationalité instrumentale et conduite stratégique.129(*) * 129. Cité par GUILLOTREAU, G., op. cit., p.137. |
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