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Le droit de l'environnement et les conflits armés

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par Karim KARIM KAPITENE
Université Catholique du Graben Butembo - Licence en faculté de droit public 2012
  

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INTRODUCTION

I. CONTEXTE ET ETAT DE LA QUESTION

Dans le monde fini qui est le nôtre, tout l'espace est partagé entre les Etats souverains qui prétendent exercer sur leur territoire les compétences plénières et exclusives, au point que l'on parle, pour les désigner, de « souveraineté territoriale ».1(*)

Ce partage du monde entre les Etats n'est cependant pas total : il ne concerne que des terres émergées, leur sol et leur sous-sol, l'espace aérien sur jacent et une frange maritime adjacente qui inclut la mer territoriale et se prolonge au-delà par la zone économique exclusive et le plateau continental sur lesquels l'Etat riverain exerce le droit souverain aux fins de l'exploration et de l'exploitation de leurs ressources naturelles2(*). Mais au-delà, les espaces internationaux et leurs ressources sont insusceptibles d'expropriation ou d'appropriation nationale y compris celles qui concernent la protection de l'environnement.

Si la nécessité de protéger l'environnement découle de l'intérêt commun de l'humanité, on peut aussi considérer que cet intérêt se reflète dans des droits reconnus aux individus. Restant dans cette optique, Alexandre Kiss écrit : « il n'y a pas d'antagonisme entre les deux méthodes d'envisager le problème : le respect universel des droits et libertés fondamentaux de tout individu a été précisément proclamé comme faisant partie de l'intérêt commun de toute l'humanité »3(*). On peut rappeler à cet égard le préambule de la Déclaration Universelle des Droits de l'homme lorsqu'il mentionne : «  La reconnaissance de la dignité inhérente à tous les membres de la famille humaine et de leurs droits égaux et inaliénables constitue le fondement de la liberté, de la justice et de la paix dans le monde »4(*). Ainsi, l'homme a un droit à la liberté, à l'égalité et à des conditions de vie satisfaisantes, dans un environnement dont la qualité lui permette de vivre dans la dignité et le bien-être.

L'environnement est devenu alors, selon Michel Prieur, une préoccupation majeure non seulement des pays riches mais aussi des pays pauvres car il n'a fait que faire éclater au grand jour ce qui résulte depuis fort longtemps des réflexions des naturalistes et écologues, à savoir que l'homme comme espèce vivante fait partie d'un système complexe de relations et d'interrelations avec son milieu naturel5(*). Depuis, la protection de l'environnement apparaît, d'après Roselyne Nerac-Croisier, essentielle et la législation tendant à réglementer les activités humaines susceptibles d'y porter atteinte devient pléthorique. La réglementation est d'autant plus complexe que les préoccupations environnementales sont les plus souvent universelles et ne connaissent pas de frontières. Cette spécificité explique la profusion de sources au niveau tant international qu'interne6(*).

Il en résulte que toute action humaine a des effets directs ou indirects insoupçonnés sur l'environnement. Sa protection se fait donc sur le plan international-convention ENMOD, protocole additionnel I de Genève de 1977, Directive de la Croix-Rouge- comme dans les ordres juridiques nationaux, par des mesures de protection ; encore que cette obligation de protection de l'environnement incombe au 1er plan aux Etats du fait d'être garants, acteurs principaux de protection des droits et libertés fondamentaux ; et au second plan à la population voire groupes sociaux.

Pour ce faire, la constitution de la RDC du 18 février 2006 dispose à son article 53 : « Toute personne a droit à un environnement sain et propre à son épanouissement intégral. Elle a le devoir de le défendre. L'Etat veille à la protection de l'environnement et à la santé des populations ». Et pour manifester la détermination, l'intérêt qu'a la RDC à promouvoir la protection de l'environnement, le législateur congolais a su mettre en jour une loi cadre pour assurer et compléter la constitution : la loi n°11/009 du 09 juillet 2011 portant principes fondamentaux relatifs à la protection de l'environnement ; avec comme but principal de faire face aux multiples défis et dommages causés à l'environnement, notamment la diminution de la diversité biologique, la pollution du sol, de l'air et de l'eau, la destruction de la couche d'ozone, la diminution de la fertilité du sol, la désertification, l'épuisement des ressources halieutiques et la détérioration du patrimoine naturel et culturel ; de contribuer à l'atténuation des dommages constatés en définissant les grandes orientations en matière de protection de l'environnement et de gestion de l'immense potentiel dont dispose la RDC en ressources dans la perspective d'un développement durable au profit de sa population ; en prévenant les risques tout en luttant contre toutes formes de pollution et nuisances ; et en servant de socle aux législations spécifiques régissant la conduite des acteurs certes distincts de l'environnement mais dont les incidences directes ou indirectes sont indéniables7(*).

Si l'environnement est devenu, aujourd'hui une préoccupation majeure de tous les Etats du monde, son contenu reste, certes, opaque, difficile à appréhender, imprécis ; et l'on ne sait toujours quel droit lui appliquer.

L'environnement est, pour Michel Prieur, « l'ensemble d'éléments qui, dans la complexité de leurs relations, constituent le cadre, le milieu et les conditions de vie de l'homme, tels qu'ils sont ou tels qu'ils sont ressentis »8(*). Selon Albert Muluma Munanga, « l'environnement est un ensemble de milieux d'influences-milieux humains, naturels, économiques-qui agissent sur l'individu à tous les instants de sa vie quotidienne et détermine, en grande partie son comportement dans toutes les dimensions de l'être sociale, intellectuelle, affective, spirituelle, culturelle »9(*).

Dans la sentence relative au « Rhin de fer » du 24.05.2005, le tribunal constitué dans le cadre de la Cour permanente d'arbitrage a remarqué que, d'une manière générale, le terme environnement englobe l'air, la terre, la faune et la flore, les écosystèmes et les sites naturels, la santé et la sécurité humaine ainsi que le climat 10(*).

Plus systématiquement, l'environnement peut être défini comme l'ensemble des éléments nécessaires à la vie donc étant circonscrit aux éléments nécessaires à la vie des êtres humains. C'est dans ce sens que la Cour Internationale de Justice, dans l'affaire relative à la licéité de la menace d'emploi d'armes nucléaires souligne : « l'environnement n'est pas une abstraction mais bien l'espace où vivent les êtres humains et dont dépendent la qualité de leur vie et de leur santé y compris pour les générations à venir 11(*)». Se basant sur cette idée, le législateur congolais définit l'environnement à l'article2 litera 16 de la loi n°11/009 du 09 juillet 2011 en ces termes : « L'environnement est l'ensemble des éléments naturels ou artificiels et des équilibres biologiques et géochimiques auxquelles ils participent, ainsi que des facteurs économiques, sociaux et culturels qui favorisent l'existence, la transformation et le développement du milieu, des organismes vivants et des activités humaines ».

De ce fait, l'environnement est l'ensemble des facteurs qui influent sur le milieu dans lequel vit l'homme. C'est l'ensemble d'éléments naturels ou artificiels qui conditionnent la vie de l'homme. Voilà une approche systémique de l'environnement qui met tous les éléments en interaction.

A l'aube du 21e siècle, la protection de l'environnement apparaît comme un enjeu prioritaire. Le cri d'alarme lancé par les scientifiques et quelques amoureux de la nature - citons Green Peace, les Amis de la terre, les Associations Alsaciennes et Badoises- réclamant l'application d'un droit particulier et spécifique visant cette protection commence à être entendu et à mobiliser les instances nationales et internationales jusqu'à parvenir et à conduire à la mise en place d'un droit purement technique pouvant régir l'écosystème et la biosphère. Maljean- Du Bois, préoccupé par le souci de voir un droit spécifique à l'environnement, pose la question de savoir si on peut envisager et appliquer quel type de droit à l'environnement et il met en jour, pour ce fait un ouvrage intitulé : « Quel droit pour l'environnement »13(*). La réponse vient de Jerôme Lassere Capdeville lorsqu'il écrit : « L'environnement est objet de droits et obligations. Il est donc visé par une discipline juridique particulière : le droit de l'environnement »14(*).

Cependant, la notion même d'environnement étant variable, selon que l'on y inclut ou que l'on en exclut l'intervention humaine, il n'est pas surprenant que le droit de l'environnement soit lui-même peu aisé à délimiter. Néanmoins, d'une façon générale, ce dernier peut se définir comme l'ensemble de règles relatives à la protection de la nature contre les pollutions et les nuisances15(*). Il a donc pour objet l'étude ou l'élaboration de règles juridiques traitant de la compréhension, de la protection, de l'utilisation, de la gestion ou de la restauration de l'environnement sous toutes ses formes : terrestres, aquatiques et marines, naturelles et culturelles voire non terrestres (droit spatial) ; en quelque sorte le milieu où vit l'homme, la flore et la faune. Le droit de l'environnement est un « droit touche à tout » parce qu'ayant un caractère horizontal.

Le droit de l'environnement est né suite à l'adoption des premières politiques publiques de protection de l'environnement au début des années 70- années mondiales de l'environnement-à l'échelon international, communautaire et national. Ce droit fait partie aujourd'hui de l'ensemble des instruments juridiques destinés à réguler les impacts du développement scientifique, économique et technique sur la nature de l'homme16(*). Il a pour fonction d'agir à la fois sur les causes de destruction de l'environnement comme sur leurs conséquences. C'est un droit technique et complexe en pleine expansion, dont les champs tendent à ses densifier au fur et à mesure des avancées sociales, scientifiques et techniques. De même, il est conçu non seulement comme un droit défensif, un droit de protection de l'environnement, mais également offensif, c'est-à-dire de nature à permettre la lutte contre les atteintes dont il peut être victime et plus particulièrement la pollution.

L'expression, la détermination de tendances générales de développement du droit de l'environnement et l'harmonisation ou l'unification de ce droit nécessite l'existence d'une organisation internationale universelle s'occupant de préoccupations environnementales pour chercher en commun des solutions, dans un esprit de coopération internationale, à tout problème qui peut en subvenir.

Voilà le mérite de la toute première conférence sur l'environnement tenue à Stockholm suivie de celle de Rio de Janeiro17(*), de Copenhague et de Kyoto. La conférence des Nations Unies tenue à Stockholm, en juin 1972, considérée comme marquant le point de départ de la reconnaissance du droit à la protection de l'environnement tout en plaçant les questions écologiques au rang des préoccupations internationales. Elle a été suivie par la conférence des Nations Unies sur l'environnement et le développement (CNUED) de Rio de Janeiro de juin 1992 au cours de laquelle a été adoptée une déclaration faisant progresser le concept des droits et des responsabilités des pays dans le domaine de l'environnement, même en temps de guerre lorsqu'elle annonce dans les termes de son principe 24 que, « la guerre exerce une action intrinsèquement destructrice sur le développement durable. Les Etats doivent donc respecter le droit international relatif à la protection de l'environnement en temps de conflit armé et participer à son développement selon que de besoin ».

Vient ensuite la conférence de Kyoto qui fixe de nouveaux objectifs concernant les émissions de gaz à effets de serre, dans un protocole dit de Kyoto.

En décembre 2009, est organisé un sommet à Copenhague, appelé COP15, avec comme objectif de remplacer le protocole de Kyoto et de fixer de nouveaux objectifs contraignants pour 2012 et au-delà. La COP15 a trois ambitions principales :

1° parvenir à des accords juridiquement contraignants ;

2° financer une solution permanente ;

3° s'étendre sur un système de surveillance des émissions18(*) ;

En novembre 2011, c'est le sommet de Durban qui axe ses recommandations sur la réduction des émissions des gaz à effet de serre.

La protection de l'environnement s'oppose à des intérêts divergents. Le nécessaire développement des activités humaines notamment la production ou la consommation des biens et services, la guerre ou conflit armé, sont souvent difficilement compatibles avec la protection de l'environnement.

* 1 O. MAZADUDAUX, Droit International Public et droit de l'environnement, Limoges, Pulin, 2008, p.140.

* 2 Cf. A. KISS, Droit international de l'environnement et le droit international, Sijthoff, Leyde, 1973, p.30.

* 3 A. KISS, Droit international de l'environnement, Pedone, Paris, 1989, p.20.

* 4 Le préambule de la DUDH proclamé par l'Assemblée Générale des Nations-Unies le 10 décembre 1948.

* 5 M. PRIEUR, Droit de l'environnement, Dalloz, Paris, 1984, p.2.

* 6 R. NERAC-CROISIER, Sauvegarde de l'environnement et droit pénal, harmattan, paris, 2005, p.7.

* 7 Cf. Exposé des motifs de la loi n°11/009 du 09 juillet 2011 portant principes fondamentaux relatifs à la protection de l'environnement.

* 8 M. PRIEUR, op cit., p.3.

* 9 A. MULUMA MUNANGA, Guerres et problèmes de l'environnement en Afrique, cas de la RDC, in Développement et coopération, n°3, Mai-juin 2002, p.19.

* 10 Affaire Rhin de fer, recueil, 2006, pp205-210.

* 1112 Avis consultatif du 08.07.1996, Licéité de la menace ou de l'emploi d'arme nucléaire, recueil 1996, pp.241-242, §29.

* 13 S. MALJEAN-DUBOIS, Quel droit pour l'environnement, Hachette, Paris, 2008, p.6.

* 14 J. LASSERE- CAPDEVILLE, « Le droit pénal de l'environnement :un droit encore à l'apparence redoutable

et à l'efficacité douteuse», in R. NERAC-CROSSIER, op cit., p.15.

* 15 cf. Ibidem

* 16 Simon CHARBONNEAU, Droit communautaire de l'environnement, Harmattan, Paris, 2006, p.5.

* 17 M. PRIEUR, op.cit., p.21.

* 18 Revue Réveillez-vous, op.cit., pp.12-13.

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