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Croissance et mutations du système financier au cameroun

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par Yves Lionel MEFO'O NGO'O
Université de Yaoundé II - Master Professionnel II en Relations Internationales 2012
  

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II.3-LES THEORIES EXPLICATIVES DES INNOVATIONS FINANCIERES:

La spécificité des innovations financières nécessite le développement des théories appropriées (Geoffron, 1992). Selon une approche empruntée à la théorie des cycles, le processus d'innovation financière se compose de phases successives d' « accélération » et de « digestion ». Si ces phases sont largement tributaires des changements dans les conditions économiques et

19Globex est un système électronique international et automatisé pour l'entrée et l'exécution centralisée d'ordres sur produits dérivés dont le fonctionnement effectif a débuté en 1992. Simple accord de coopération au départ entre le Chicago Mercantile exchange (CME) et l'agence Reuters, il permet aujourd'hui de relier le CME, Euronext. Liffe, les marchés de produits dérivés de Montréal, Sao Paolo, Madrid et Singapour.

Croissance et mutations du système financier au Cameroun. IRIC/BMFI

financières, il n'existe pas de théorie expliquant formellement l'incidence de la conjoncture sur l'incitation à innover. L'histoire financière nous renseigne peu sur les raisons du passage d'une phase à une autre. En revanche, les théories dédiées plus spécifiquement aux innovations financières ont permis d'appréhender certains facteurs généralement reconnus comme ayant encouragé le processus de l'innovation financière.

Les analyses de Silber (1975, 1983) et Kane (1983, 1988) confèrent d'intéressants fondements théoriques aux innovations de contournement, notamment celles introduites par les institutions financières afin de relâcher la contrainte de la réglementation. A côté de ces analyses orientées du côté de l'offre, d'autres analyses comme celle de Desai et Low (1987) mettent davantage en avant le rôle de la demande, expliquant bien la recherche d'instruments de placement et de financement destinés à satisfaire une demande de combinaisons nouvelles des caractéristiques existantes en termes de rendement, risque et liquidité (Romey, 2004).

II.3.1-La théorie de la contrainte et de la dialectique réglementaire:

Innovation financière et réglementation entretiennent une dynamique et des relations complexes. Leur dialectique apparaît ainsi comme une conséquence de l'évolution des marchés et, rend difficile de savoir si les mouvements observés sont dus aux décisions des gouvernements ou à la dynamique des marchés. Silber (1975) est le premier à avoir élaboré un schéma interprétatif original, en mettant l'accent sur trois types de contraintes qui ont joué un rôle central dans l'accélération de l'innovation financière. Il s'agit :

- Des contraintes réglementaires ;

- De l'intensification de la concurrence ;

- De la montée des risques liés à la volonté accrue des taux d'intérêts et des taux de change depuis les années 1970.

Ce modèle convient plus particulièrement à l'étude des stratégies des intermédiaires bancaires. Les contraintes subies par les institutions engendrent des innovations destinées à gagner des degrés de liberté. L'innovation financière est donc considérée comme le produit d'une contrainte exogène qu'il s'agit de contourner (Romey, 2004).

Cette idée était déjà présente chez Gurley et Shaw (1960), « dans toute économie, la structure financière est continuellement remodelée par les efforts des agents économiques pour

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échapper aux contraintes déjà existantes ». Mais la paternité de la dynamique innovation-réglementation revient véritablement à Kane. Autour de cette dynamique, il élabore le concept de dialectique réglementaire réductible à deux enchaînements :

1) Réglementation Contournement par l'innovation Adaptation de la
réglementation.

2) Innovation Adaptation de la réglementation Contournement par
l'innovation.

Selon ce schéma, les agents sont incités à contourner la réglementation dès lors que le solde coût/avantage de l'adhésion de l'agent à la contrainte réglementaire devient négatif. (Romey, 2004). Cette dialectique met en lumière l'interaction entre deux types d'agents : les agents privés assujettis à la réglementation et les pouvoirs publics qui la mettent en oeuvre. Chacun modifiant son comportement en fonction des actions constatées ou anticipées de la part de l'autre. Les rapports de force sont toutefois inégaux. D'une part, il faut moins de temps pour contourner la réglementation qu'il n'en faut pour réglementer. Et d'autre part, plus la réglementation est efficace, moins vite elle sera contournée.

Ce type d'analyse est particulièrement bien adapté au cas des pays anglo-saxons où l'initiative des innovations financières a surtout appartenu aux agents privés de la sphère financière, lesquels ont trouvé par l'innovation les moyens de desserrer certaines contraintes pesant sur eux. Des contraintes d'ordre réglementaire ont amené les banques à développer des formules leur permettant de contourner par exemple les interdictions ou les plafonnements de taux créditeurs ou bien encore de créer de nouveaux produits échappant à l'assiette des réserves obligatoires. Dans le cas des États-Unis par exemple, l'écart croissant entre les taux d'intérêt administrés (réglementation Q) et le taux de marché a été le principal déterminant de l'innovation financière au début des années 1970. La titrisation est une autre illustration du contournement de la réglementation. Elle consiste à transformer des actifs ou des créances peu ou pas négociables (crédits bancaires) en titre aisément négociable sur des marchés secondaires. Par l'intermédiaire d'une entité juridique (ou véhicule) ad hoc (Romey 2004) les établissements de crédit peuvent alors améliorer la liquidité de leur bilan et réduire leurs besoins en capitaux propres.

La concurrence entre institutions constitue un autre type de contrainte. Même si on ne peut breveter un produit financier, l'innovation assure à son créateur un bénéfice en termes d'image de

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marque. Éventuellement, le temps d'adaptation des concurrents peut procurer à l'entreprise innovante un monopole de courte durée et stimuler l'investissement en recherche et développement. Cette concurrence amène également les établissements bancaires à compresser au maximum les coûts subis par leurs clients, notamment grâce au retour à Internet, donnant lieu au développement de la banque directe. Cette dernière permet d'effectuer toutes les opérations bancaires courantes (gestion de moyens de paiement, crédits, épargne) en remplaçant la relation bancaire en agence par une relation avec une plate-forme téléphonique associée à un système d'information performant.

Un troisième type de contrainte, est la montée des risques et la nécessité d'y parer. Ceux-ci expliquent par ailleurs le développement par les banques de produits dérivés (contrats à termes fermes, optionnels SWAPS) négociés dans un premier temps de gré à gré sur des marchés organisés.

L'initiative de l'innovation n'appartient pas toujours à la sphère privée (Artus et de Boissieu, 1995 ; de Boissieu, 1998). Ainsi dans les pays Européens, en situation de rattrapage par rapport aux pays anglo-saxons, l'initiative a plutôt appartenu aux pouvoirs publics qui, aux moyens d'importantes réformes financières, ont d'eux-mêmes créé de nouveaux marchés ou introduit de nouveaux produits. Les contraintes à l'origine de ces innovations d'origine publique étaient essentiellement de deux ordres : le financement des déficits aux entreprises nationales ; la compétitivité externe des places financières.

L'innovation financière française par exemple, a ainsi été conduite par l'initiative des pouvoirs publics, soucieux de moderniser la gestion des déficits publics et de rattraper le retard notable du pays en matière de développement financier.

On peut également retenir dans le cas français l'importance de l'incitation fiscale comme déclencheur d'innovations financières au cours des années 1980. Les produits issus de ces innovations ont permis de répondre aux contraintes de financement spécifiques des entreprises françaises, encore largement dominées dans les années 1980 par de nombreuses PME à caractère familiale et par de grandes entreprises nationalisées, et à qui, il fallait donner un accès aux capitaux tout en garantissant le maintien de la structure du pouvoir dans l'entreprise.

En définitive, l'innovation financière n'est pas seulement orientée du côté de l'offre. Elle peut également être appréhendé vers la recherche d'instruments de placement et de financement destinés

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à satisfaire une demande de combinaisons nouvelles des caractéristiques existantes en termes de rendement, risque et liquidité, qu'il convient maintenant d'analyser.

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"Il faudrait pour le bonheur des états que les philosophes fussent roi ou que les rois fussent philosophes"   Platon