II.3-LES THEORIES EXPLICATIVES DES INNOVATIONS
FINANCIERES:
La spécificité des innovations
financières nécessite le développement des théories
appropriées (Geoffron, 1992). Selon une approche
empruntée à la théorie des cycles, le processus
d'innovation financière se compose de phases successives d' «
accélération » et de « digestion
». Si ces phases sont largement tributaires des changements dans les
conditions économiques et
19Globex est un système électronique
international et automatisé pour l'entrée et l'exécution
centralisée d'ordres sur produits dérivés dont le
fonctionnement effectif a débuté en 1992. Simple accord de
coopération au départ entre le Chicago Mercantile exchange (CME)
et l'agence Reuters, il permet aujourd'hui de relier le CME, Euronext. Liffe,
les marchés de produits dérivés de Montréal, Sao
Paolo, Madrid et Singapour.
Croissance et mutations du système financier
au Cameroun. IRIC/BMFI
financières, il n'existe pas de théorie
expliquant formellement l'incidence de la conjoncture sur l'incitation à
innover. L'histoire financière nous renseigne peu sur les raisons du
passage d'une phase à une autre. En revanche, les théories
dédiées plus spécifiquement aux innovations
financières ont permis d'appréhender certains facteurs
généralement reconnus comme ayant encouragé le processus
de l'innovation financière.
Les analyses de Silber (1975, 1983)
et Kane (1983, 1988) confèrent d'intéressants
fondements théoriques aux innovations de contournement, notamment celles
introduites par les institutions financières afin de relâcher la
contrainte de la réglementation. A côté de ces analyses
orientées du côté de l'offre, d'autres analyses comme celle
de Desai et Low (1987) mettent davantage en
avant le rôle de la demande, expliquant bien la recherche d'instruments
de placement et de financement destinés à satisfaire une demande
de combinaisons nouvelles des caractéristiques existantes en termes de
rendement, risque et liquidité (Romey, 2004).
II.3.1-La théorie de la contrainte et de la
dialectique réglementaire:
Innovation financière et réglementation
entretiennent une dynamique et des relations complexes. Leur dialectique
apparaît ainsi comme une conséquence de l'évolution des
marchés et, rend difficile de savoir si les mouvements observés
sont dus aux décisions des gouvernements ou à la dynamique des
marchés. Silber (1975) est le premier à avoir
élaboré un schéma interprétatif original, en
mettant l'accent sur trois types de contraintes qui ont joué un
rôle central dans l'accélération de l'innovation
financière. Il s'agit :
- Des contraintes réglementaires ;
- De l'intensification de la concurrence ;
- De la montée des risques liés à la
volonté accrue des taux d'intérêts et des taux de change
depuis les années 1970.
Ce modèle convient plus particulièrement
à l'étude des stratégies des intermédiaires
bancaires. Les contraintes subies par les institutions engendrent des
innovations destinées à gagner des degrés de
liberté. L'innovation financière est donc
considérée comme le produit d'une contrainte exogène qu'il
s'agit de contourner (Romey, 2004).
Cette idée était déjà
présente chez Gurley et Shaw (1960),
« dans toute économie, la structure financière est
continuellement remodelée par les efforts des agents économiques
pour
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Croissance et mutations du système financier
au Cameroun. IRIC/BMFI
échapper aux contraintes déjà existantes
». Mais la paternité de la dynamique
innovation-réglementation revient véritablement à Kane.
Autour de cette dynamique, il élabore le concept de dialectique
réglementaire réductible à deux enchaînements :
1) Réglementation Contournement par
l'innovation Adaptation de la réglementation.
2) Innovation Adaptation de la réglementation
Contournement par l'innovation.
Selon ce schéma, les agents sont incités
à contourner la réglementation dès lors que le solde
coût/avantage de l'adhésion de l'agent à la contrainte
réglementaire devient négatif. (Romey, 2004).
Cette dialectique met en lumière l'interaction entre deux types d'agents
: les agents privés assujettis à la réglementation et les
pouvoirs publics qui la mettent en oeuvre. Chacun modifiant son comportement en
fonction des actions constatées ou anticipées de la part de
l'autre. Les rapports de force sont toutefois inégaux. D'une part, il
faut moins de temps pour contourner la réglementation qu'il n'en faut
pour réglementer. Et d'autre part, plus la réglementation est
efficace, moins vite elle sera contournée.
Ce type d'analyse est particulièrement bien
adapté au cas des pays anglo-saxons où l'initiative des
innovations financières a surtout appartenu aux agents privés de
la sphère financière, lesquels ont trouvé par l'innovation
les moyens de desserrer certaines contraintes pesant sur eux. Des contraintes
d'ordre réglementaire ont amené les banques à
développer des formules leur permettant de contourner par exemple les
interdictions ou les plafonnements de taux créditeurs ou bien encore de
créer de nouveaux produits échappant à l'assiette des
réserves obligatoires. Dans le cas des États-Unis par exemple,
l'écart croissant entre les taux d'intérêt
administrés (réglementation Q) et le taux de marché a
été le principal déterminant de l'innovation
financière au début des années 1970. La titrisation est
une autre illustration du contournement de la réglementation. Elle
consiste à transformer des actifs ou des créances peu ou pas
négociables (crédits bancaires) en titre aisément
négociable sur des marchés secondaires. Par
l'intermédiaire d'une entité juridique (ou véhicule) ad
hoc (Romey 2004) les établissements de crédit
peuvent alors améliorer la liquidité de leur bilan et
réduire leurs besoins en capitaux propres.
La concurrence entre institutions constitue un autre type de
contrainte. Même si on ne peut breveter un produit financier,
l'innovation assure à son créateur un bénéfice en
termes d'image de
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marque. Éventuellement, le temps d'adaptation des
concurrents peut procurer à l'entreprise innovante un monopole de courte
durée et stimuler l'investissement en recherche et développement.
Cette concurrence amène également les établissements
bancaires à compresser au maximum les coûts subis par leurs
clients, notamment grâce au retour à Internet, donnant lieu au
développement de la banque directe. Cette dernière permet
d'effectuer toutes les opérations bancaires courantes (gestion de moyens
de paiement, crédits, épargne) en remplaçant la relation
bancaire en agence par une relation avec une plate-forme
téléphonique associée à un système
d'information performant.
Un troisième type de contrainte, est la montée
des risques et la nécessité d'y parer. Ceux-ci expliquent par
ailleurs le développement par les banques de produits
dérivés (contrats à termes fermes, optionnels SWAPS)
négociés dans un premier temps de gré à gré
sur des marchés organisés.
L'initiative de l'innovation n'appartient pas toujours
à la sphère privée (Artus et de
Boissieu, 1995 ; de Boissieu, 1998). Ainsi
dans les pays Européens, en situation de rattrapage par rapport aux pays
anglo-saxons, l'initiative a plutôt appartenu aux pouvoirs publics qui,
aux moyens d'importantes réformes financières, ont
d'eux-mêmes créé de nouveaux marchés ou introduit de
nouveaux produits. Les contraintes à l'origine de ces innovations
d'origine publique étaient essentiellement de deux ordres : le
financement des déficits aux entreprises nationales ; la
compétitivité externe des places financières.
L'innovation financière française par exemple, a
ainsi été conduite par l'initiative des pouvoirs publics,
soucieux de moderniser la gestion des déficits publics et de rattraper
le retard notable du pays en matière de développement
financier.
On peut également retenir dans le cas français
l'importance de l'incitation fiscale comme déclencheur d'innovations
financières au cours des années 1980. Les produits issus de ces
innovations ont permis de répondre aux contraintes de financement
spécifiques des entreprises françaises, encore largement
dominées dans les années 1980 par de nombreuses PME à
caractère familiale et par de grandes entreprises nationalisées,
et à qui, il fallait donner un accès aux capitaux tout en
garantissant le maintien de la structure du pouvoir dans l'entreprise.
En définitive, l'innovation financière n'est pas
seulement orientée du côté de l'offre. Elle peut
également être appréhendé vers la recherche
d'instruments de placement et de financement destinés
Croissance et mutations du système financier
au Cameroun. IRIC/BMFI
à satisfaire une demande de combinaisons nouvelles des
caractéristiques existantes en termes de rendement, risque et
liquidité, qu'il convient maintenant d'analyser.
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