SECTION II: L'ACCELERATION DES INNOVATIONS
FINANCIERES.
La mondialisation des marchés et la globalisation
financière, ont pour conséquence le prodigieux
développement de l'innovation financière. Libres et
mondialisés, les marchés sont en effet devenus
particulièrement concurrentiels, ce qui les a engagés dans une
course constante à l'innovation. Ces innovations ne se sont pas
développées partout au même rythme. Les pays anglo-saxons
(États-Unis, Canada, Angleterre) ont d'abord été leaders
en la matière avec notamment la création du Nasdaq en 1971, celle
des marchés organisés d'option à Chicago en 1973 et
à Londres en 1978. Ensuite ont suivi les pays Européens dans les
années 1980, puis enfin les pays émergents dans les années
1990. A mesure que les innovations se développent, leur diffusion
s'accélère. Les pays suiveurs ont de ce fait pu facilement
rattraper leur retard (Romey, 2004).
L'objet de cette section est triple. D'abord donner une
justification des innovations financières (1), ensuite
faire leur typologie (2), enfin présenter les
théories explicatives de l'innovation financière
(3).
II.1-DEFINITION ET JUSTIFICATION DES INNOVATIONS
FINANCIERES:
Dans économie sans système financier, chaque
agent ne pourrait investir son épargne que dans ses propres projets, et
dans ses projets que sa propre épargne : l'économie
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Croissance et mutations du système financier
au Cameroun. IRIC/BMFI
MEFO'O NGO'O Yves Lionel ~ 24 ~
serait « cloisonnée ». Ainsi des
projets d'investissement pourraient ne pas voir le jour alors même qu'une
épargne existante serait inutilisée. Certains agents pourraient
accumuler une épargne « dormante » alors même
que l'exécution d'investissements rentables serait repoussée. De
plus, en l'absence de possibilité de transférer l'épargne
d'un agent à un autre, rien ne garantirait que ce soient les projets les
plus rentables qui soient financés. Enfin, l'impossibilité de
répartir l'épargne d'un agent entre plusieurs projets
diversifiés accroitrait le risque et dissuaderait donc l'investissement.
Le système financier sert à remédier à ces
problèmes. Les intermédiaires financiers peuvent
sélectionner les bons projets parmi l'ensemble ceux devant être
financés. En ce domaine, la division du travail a une influence
bénéfique : elle permet à des agents de se
spécialiser et de développer leur capacité d'expertise.
Cette expérience acquise et la taille des intermédiaires
financiers sont deux atouts essentiels dans un domaine où l'information
n'est pas accessible de manière égale entre tous les agents :
entre préteurs et emprunteurs, il existe bien souvent des
asymétries d'information. L'emprunteur connaît
généralement mieux la profitabilité et le risque d'un
projet que le préteur et il a souvent des raisons de ne pas communiquer
les informations dont il dispose. Dès lors, le système financier
permet de rendre les placements moins risqués. D'une part, les
placements sont plus liquides : un agent peut se retirer d'un projet (en
vendant directement ou indirectement ses parts) sans le compromettre (donc sans
réduire sa rentabilité). Les agents peuvent ainsi s'engager
à moindre risque dans des projets plus durables. D'autre part, le
système financier gère le risque : les agents peuvent constituer
des portes-feuilles diversifiés qui réduisent les risques
encourus. L'épargne peut ainsi s'orienter plus aisément vers des
projets dont la rentabilité est longue et risquée (par exemple,
les investissements en recherche dont le rôle dans le processus de
croissance est crucial.
Par ailleurs, l'innovation financière désigne la
nouveauté dans la production sous forme de produit nouveau, de
procédé de fabrication nouveau, de l'usage de nouveaux produits
financiers (Lexique d'économique, 2002).
Depuis les années 1980, l'innovation financière
connaît un développement fulgurant, élargissant
considérablement le menu des instruments financiers à la
disposition des acteurs, investisseurs, spéculateurs ou
trésoriers d'entreprises. Parallèlement au mouvement de
libéralisation et aux mutations des régimes de change, le
progrès des technologies de l'information et de la communication
facilite de plus en plus les montages et les transferts financiers
internationaux. La finance est en effet liée au traitement et à
la collecte de l'information.
Croissance et mutations du système financier
au Cameroun. IRIC/BMFI
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L'innovation financière se développe d'abord
pour attirer la clientèle en mettant à sa disposition des
instruments supposés correspondre au plus près à ses
besoins. Ainsi sont apparus une panoplie d'instruments qui d'ailleurs ont
accéléré le décompartimentage des marchés.
La sophistication de ces instruments et produits offerts est en effet telle que
le même instrument peut revêtir des caractéristiques aussi
bien du compartiment court, que du compartiment long du marché
(Bekolo-Ebé, 1998).
L'innovation se développe ensuite pour permettre aux
clients de faire face aux risques attachés à l'incertitude
grandissante, liées à la levée des contrôles et
règlements. Il en est particulièrement ainsi de tous ces
instruments destinés à couvrir les intervenants des risques
liés à la mobilité des taux et à la
possibilité désormais offerte d'opérer dans une optique
multidevise.
Les nouveaux produits, dont la plupart doivent d'ailleurs leur
existence à des mutations souvent faites in fine, ont ainsi une triple
vocation :
- gérer l'instabilité des taux et des changes ;
- permettre le passage facile et rapide d'un compartiment
à l'autre du marché (taux variables, taux fixes, comptant, terme)
;
- permettre facilement et rapidement le passage d'une devise
à l'autre (Bourguinat, 1992).
L'innovation financière facilite ainsi l'activité
économique et l'allocation des ressources.
Si l'innovation financière joue un rôle central
dans l'analyse de la mutation financière, sa description est rendue
pénible par les nombreuses formes qu'elle peut prendre. La typologie
généralement adoptée est basée sur celle
utilisée par J.A. Schumpeter pour les innovations industrielles.
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