I.2- UN SYSTÈME BANCAIRE
INTERNATIONALISÉ:
Une des conséquences de la globalisation des
marchés est l'intégration financière. Cette globalisation
a entraîné un vaste marché financier mondial dont les
parties sont solidaires et interdépendantes. La finance s'étant
globalisée, le mouvement va se répercuter dans les
systèmes bancaires. C'est dans cette optique que le système
bancaire camerounais s'est également internationalisé. Cette
internationalisation peut s'apprécier à travers deux
critères principaux. Il y a, d'une part, l'implantation bancaire
étrangère au Cameroun, et d'autre part, le développement
de l'activité bancaire à l'étranger.
I.2.1- L'implantation bancaire étrangère au
Cameroun:
La présence des banques étrangères au
Cameroun est très ancienne et remonte à la période
coloniale. Les premières banques à s'installer étaient la
Banque d'Afrique Occidentale (BAO) et la Banque Commerciale Africaine (BCA).
Les banques étaient pour la plupart françaises, et leur
rôle était de prendre en main le développement des
échanges commerciaux avec la métropole. C'est du
développement de ces échanges que dépendra le rythme
d'installation des banques qui n'étaient que des filiales des banques
étrangères. Au moment où le Cameroun accède
à la reconnaissance internationale, on s'attendait à ce que cette
logique soit infléchie ou alors totalement renversée ; mais il
n'en ait rien été parce que, la structure de l'économie
des colonies n'avait pas elle-même changé. Dans la période
d'euphorie qui a suivie les indépendances, notamment à partir du
milieu des années 1970, avec le boom des prix des matières
premières (pétrole, cacao, café), les banques
américaines, italiennes, espagnoles, vont également s'implanter.
Une majorité se retirera progressivement par la suite au moment
où, le Cameroun rentre dans une phase de récession à
partir du milieu des années 1980.
MEFO'O NGO'O Yves Lionel ~ 91 ~
Croissance et mutations du système financier
au Cameroun. IRIC/BMFI
Aujourd'hui, après les restructurations et les
mutations qu'il a connu depuis le début des années 1990 et le
retour à la croissance qui a suivi, on observe un léger mouvement
de retour des banques étrangères vers le Cameroun à
travers une prise de participation dans le capital social de plusieurs banques
en activités.
I.2.2- L'implantation des banques camerounaises à
l'étranger:
Pour ce qui concerne l'implantation des banques camerounaises
à l'étranger, deux banques en effet sont concernées par ce
mouvement. Il s'agit d'Afriland First Bank48 et de la Commercial
Bank of Cameroon. La première est la plus dynamique dans cette
stratégie. Elle a en effet ouvert à la fin des années 1990
deux agences bancaires en Guinée-équatoriale et en France, puis
en 2002, une succursale dans le port Congolais de Pointe Noire, ainsi
qu'à Sao Tomé et Principe. Cette stratégie s'est
poursuivie en 2003, par une prise de participation dans le capital de la banque
omnifinance en Côte d'Ivoire. Bien plus, des nouveaux partenariats ont
été mis en place dans trois pays d'Afrique. Il s'agit de la
Banque de Développement du Tchad, de la Société Marocaine
de Dépôts et de Crédit et enfin de la First Bank of South
Africa. Ainsi, après la France, puis la Chine plusieurs autres
partenariats lui assurent une représentation en Amérique et en
Europe Occidentale (Avom, 2004).
La deuxième est beaucoup plus timide, et n'est
présente qu'en République Centrafricaine à travers
l'ouverture d'une agence.
Au total, l'internationalisation se traduit par une
présence moins importante de l'Etat dans le capital social des banques
(contrairement à la période précédent la crise
où sa participation excédait 35%).
Dans l'ensemble du système bancaire, l'État
n'est présent que dans trois banques, dont la BICEC où
l'État est représenté à hauteur de 80% dans le
capital ; c'est la participation la plus importante.
Les données du tableau 14 ci-après
amènent deux observations importantes. Elles permettent
d'apprécier l'important recul de l'État dans le capital social
des banques et la forte présence du
48Ancienne caisse commune d'épargne et
d'investissement (CCEI) qui devient Afriland First Bank en 2002.
MEFO'O NGO'O Yves Lionel ~ 92 ~
Croissance et mutations du système financier
au Cameroun. IRIC/BMFI
capital privé national et étranger. Il
apparaît que l'État49 représente
désormais en moyenne 20.31% contre 31.20% pour les privés
nationaux et 46.49% pour les privés étrangers.
Tableau 16 : Répartition du
capital social des banques en activité au Cameroun (en %)
Banques
|
Amity B
|
Bicec
|
Cbc
|
Citi Ba
|
Cl
|
Ecobk
|
Sgbc
|
Hcb
|
Std bk
|
Afbk
|
État
|
0
|
80
|
0
|
0
|
35
|
0
|
25.6
|
0
|
0
|
0
|
Privé N*
|
53.28
|
20
|
100
|
0
|
0
|
0
|
16.1
|
100
|
0
|
75
|
Privé E*
|
46.72
|
0
|
0
|
10
|
65
|
100
|
58.3
|
0
|
100
|
25
|
Source : Rapport d'activité
COBAC, 1998/1999, P. 73 N* = Nationaux, E* = Étrangers.
I.3- INSUFFISANCE DE PROFONDEUR ET D'INNOVATIONS
FINANCIÈRES : I.3.1- La faible profondeur financière
:
Le terme profondeur financière renvoie
généralement à la taille du secteur financier. Ainsi,
l'appréciation de la taille du secteur bancaire dans une économie
se fait à travers le ratio M2 / PIB en raison de sa
simplicité, et sans qu'il soit l'indicateur le plus
approprié50. Ce ratio mesure le pourcentage de la masse
monétaire dans la richesse totale dans l'économie.
L'interprétation de ce ratio est cependant biaisée par
l'importance de la thésaurisation. En effet, dans la plupart des pays
sous-développés, une partie non négligeable de la
quantité de monnaie en circulation échappe au circuit
bancaire.
Le système bancaire camerounais malgré la
restructuration est demeuré « frileux » et très peu
développé du fait notamment de la répression
financière, et du renforcement du dualisme financier. Cette faiblesse de
la taille, peut être appréciée en observant
l'évolution du ratio M2/PIB. Il ressort que le ratio M2/PIB est
resté relativement stable et faible entre 1970 et 1975. Il a ensuite
connu une évolution progressive jusqu'en 1985, consécutive au
rythme de croissance de l'économie qui s'emballait pour atteindre les
24%, avant de connaître une baisse progressive,
accélérée par la
49Il important de signaler que cette
présence demeure importante dans les autres pays de la CEMAC en raison
du retard, pris dans le processus de libéralisation et de privatisation.
Par exemple, au Congo, l'État est présent dan trois banques sur
quatre en activité, avec une part moyenne de 84.30% (COBAC, 1999)
50D'autres indicateurs sont aussi utilisés
pour mesurer la profondeur financière. On peut citer M1 / PIB, (M2 - M1)
/ PIB, M3 / / PIB.
MEFO'O NGO'O Yves Lionel ~ 93 ~
Croissance et mutations du système financier
au Cameroun. IRIC/BMFI
crise économique pour se situer en dessous de 20% en
1987 année officielle d'entrée du Cameroun dans la crise. Il y a,
cependant, une reprise entre 1987 et 1989 portant le ratio au-dessus de
20%,suite à un léger choc d'une hausse défavorable des
prix des matières premières qui est resté très peu
perceptible, à cause de l'ampleur de la crise dans laquelle se trouvait
l'économie camerounaise. Après cette période, le ratio va
connaître une évolution en dents de scie et relativement faible
jusqu'en 1996. Une reprise relativement plus importante s'observera
l'année d'après, pour atteindre le niveau jamais
égalé en 2002. Cela peut s'expliquer par l'émergence de la
microfinance qui s'est institutionnalisée et réduisant par
là même la thésaurisation.
Mais paradoxalement le Cameroun reste encore un peu en marge
de l'évolution des systèmes financiers internationaux, car
l'intermédiation financière donne l'impression au Cameroun de
ramer à contre-courant, pour rechercher la petite taille et limiter le
développement des opérations (Bekolo-Ebé,
1998).
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