II.2.3- Les mesures juridico-institutionnelles
Une fonction essentielle des banques est de contrôler le
comportement des emprunteurs. Mais qui contrôle le contrôleur ? Les
déposants n'en ont pas la compétence. C'est pourquoi la fonction
de contrôle doit être déléguée à un
organisme supra national.
La réglementation et la supervision des banques sont
considérées comme les deux instruments fondamentaux pour
prévenir ou tout au moins limiter les dommages qu'entraîne une
mauvaise gestion de ces instruments. La réglementation bancaire
définit les « règles du jeu » tandis que la
supervision permet de s'assurer du respect de ces règles.
Ces réformes ont à ce niveau, consisté
à faire le toilettage des textes de base, en particulier, les divers
textes qui, dans les pays de la CEMAC, fixent les conditions d'exercice de la
profession bancaire et le fonctionnement des établissements de
crédits (Bekolo-Ebé, 2001, P12). De nouveaux
seuils minima ont été fixés, s'agissant du capital minimum
requis pour la création d'une banque. Dans la réglementation
bancaire, le capital social des banques au Cameroun a été
relevé à un minimum de 1 milliard contre 300 millions par le
passé, pour permettre aux banques de posséder un niveau de fonds
propres appréciables.
Croissance et mutations du système financier
au Cameroun. IRIC/BMFI
Concernant la supervision bancaire, sa nécessité
tient au fait qu'elle commande l'efficacité de la réglementation
bancaire. La supervision des banques a pour objectif de faire en sorte que les
institutions financières gèrent leurs prêts et leurs bilans
de manière prudente. Cette volonté de supervision a
consacré la création le 16 Octobre 1990 de la Commission bancaire
d'Afrique Centrale (COBAC) dont les attributions sont de quatre sortes :
- Attribution administrative : elle délivre les
agréments aux établissements de crédit ;
- Attribution normative : elle définit les
procédures comptables et les règles prudentielles ;
- Attribution de contrôle : elle contrôle les
établissements assujettis ;
- Attributions juridictionnelle : elle peut retirer les
agréments aux établissements de crédit et prendre des
sanctions contre les dirigeants des banques et les commissaires aux comptes.
La COBAC est opérationnelle depuis 1992, et elle s'est
dotée en Mars 1993 de deux instruments ; des normes de
solvabilité et des normes de liquidité34. La
solvabilité s'entendant comme l'aptitude d'un établissement de
crédit à faire face en toutes circonstances à ses
engagements au moyen de ses ressources propres. Tandis que la liquidité
d'un établissement de crédit est sa capacité à
honorer ses engagements à vue ou à très court terme. Ainsi
une banque doit être en mesure de restituer à la première
demande les dépôts de la clientèle (rapport
d'activité 1992/1993 de la COBAC).
La plupart des études théoriques menées
sur le développement financier depuis Goldsmith (1969)
portent à croire que celui-ci constitue une variable déterminante
dans l'explication de la croissance économique. Dans le cadre du
Cameroun, très peu d'études ont essayé de valider ou
d'invalider cette assertion. Une analyse graphique conjointe des deux
phénomènes dans ce pays nous permettra probablement
d'émettre quelques hypothèses quant à l'existence d'un
lien de corrélation entre les deux types de variables.
A la suite des deux chocs pétroliers, les pays en
développement lourdement endettés voient leur service de la dette
extérieure augmenter de façon exponentielle en raison de la mise
en oeuvre
34Ces normes remplacent les ratios suivants : -le
coefficient de liquidité, c'est-à-dire le rapport des actifs
mobilisables aux exigibilités à court terme (fixé à
un minimum de 70%) ;
-le ratio des fonds propres c'est-à-dire le rapport
entre le montant minimum des fonds propres et l'encours des crédits
réescomptables (tous les deux fixés à 5%).
MEFO'O NGO'O Yves Lionel ~ 55 ~
Croissance et mutations du système financier
au Cameroun. IRIC/BMFI
de la nouvelle politique anti-inflationniste
américaine. La chute des cours des produits de base vient s'ajouter
à cette situation déjà déplorable pour un pays
comme le Cameroun. Le début des années 1980 est marqué par
une allocation totale des fruits de la croissance au remboursement du service
de la dette. A partir de 1983, l'État réduit ses avoirs bancaires
et augmente son endettement intérieur et ceci jusqu'en 1987, date
à laquelle le gouvernement camerounais décrète de
façon officielle la crise économique. A cette date, l'État
est asphyxié et n'arrive plus à honorer ses engagements.
Le retrait des fonds publics et l'accumulation des
créances compromises déstabilisent le système financier
déjà très fragilisé par la fermeture de quelques
grandes banques commerciales et des petites banques financièrement peu
structurées qui survient quelques années avant la crise
systémique de 1989. Cette crise est caractérisée par une
généralisation dans le système d'une mauvaise position
bilancielle bancaire. Ainsi, sur les 7 banques encore en activité en
1989, seules les grandes multinationales à savoir SGBC, BIAO, BICIC et
SCB Crédit Lyonnais subissent des restructurations, toutes les autres
sont liquidées. La crise du système bancaire est à
l'origine de la création de la SCR (Société Camerounaise
de Recouvrement) dont la mission principale est le recouvrement des
créances douteuses et dans une moindre mesure la liquidation des banques
en difficulté.
La crise du système bancaire qui survient au lendemain
de la récession économique démontre bien combien le
système financier camerounais est fragile et instable. Cette
instabilité se perçoit aussi bien à travers les effets
positifs et négatifs que peuvent avoir les chocs extérieurs sur
l'évolution des agrégats du développement financier.
Tout comme la crise économique influence le
système financier, les politiques libérales mises en oeuvre
à la suite de la dépression survenue dans le système
affectent son évolution. Au lendemain de la libéralisation et
surtout à l'issue de la restructuration, le système financier
camerounais s'est enrichi. Les dépôts et les placements bancaires
ont tous augmenté ; et ceci conformément à une
évolution positive du PIB. Au total, l'évaluation du
développement financier mesuré par le ratio, crédit au
secteur privé sur PIB, n'est pas corrélée à la
croissance économique. Ce résultat empirique souffre quelque peu
de robustesse. Pour cette raison, cette analyse doit être
complétée par une étude plus approfondie sur la
causalité entre l'amélioration du système financier et le
développement de l'activité réelle dans notre
troisième chapitre. Cette étude nous permettra de vérifier
de façon statistique et empirique les résultats de nos
observations.
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Croissance et mutations du système financier
au Cameroun. IRIC/BMFI
A l'inverse, le développement financier mesuré
par le taux de liquidité de l'économie est négativement
corrélé avec la croissance du produit par tête. Il faut
néanmoins noter que ce résultat est donné « ceteris
paribus ». En effet, l'analyse de la corrélation n'intègre
pas la simultanéité de l'évolution des variables
considérées. Tout se passe comme si seul le PIB à
l'instant « t » se modifie. Son incidence est par la suite
mesurée sur le taux de liquidité et vice-versa.
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