II.2.2- Le changement de politique monétaire
Les restructurations bancaires de la fin des années
quatre-vingt ont été accompagnées d'une modification de la
politique monétaire régionale. Les mesures monétaires
entreprises devaient permettre de combattre les distorsions structurelles de
l'économie. Ces mesures s'inscrivent dans le cadre d'une
libéralisation financière, aspect fondamental des programmes
d'ajustement structurel du FMI. La politique monétaire d'inspiration
keynésienne appliquée avant 1990 a été
remplacée par une politique fondée sur les théories
de McKinnon et Shaw (1973). Il ne s'agit plus
d'impulser la collecte de l'épargne, étape préalable
à l'investissement.
Ces mesures constituent l'ossature de la nouvelle politique
monétaire de la BEAC et peuvent être regroupées en trois
groupes. D'abord la programmation monétaire, ensuite la
libéralisation des taux d'intérêt et, enfin la mise en
place du marché monétaire.
Croissance et mutations du système financier
au Cameroun. IRIC/BMFI
a) Adoption de la programmation monétaire et
suppression du plafond de refinancement
des crédits
L'adoption de la programmation monétaire aligne en
effet la nouvelle politique sur la politique des normes de progression de la
monnaie en fonction du taux de croissance de l'économie
(Bekolo-Ebé, 2001, p.16). Depuis Septembre 1991, la
détermination des plafonds de réescompte n'est plus uniquement
fondée sur les besoins prévisionnels des banques : elle
procède de la programmation monétaire. Lors de la première
phase de cette programmation, les autorités monétaires
prévoient l'évolution du PIB, des finances publiques et de la
balance des paiements. Dans une deuxième phase, elles établissent
en fonction des agrégats précédents, les objectifs
monétaires : masse monétaire, avoirs extérieurs,
crédit intérieur et refinancement de la Banque Centrale. Les
plafonds de réescompte des banques auprès de la BEAC ont
été maintenus jusqu'à la création du marché
monétaire en juillet 1994. Cependant, leurs seuils ont été
abaissés pour qu'ils puissent jouer véritablement leur
rôle. Le plafond de réescompte à court terme est
passé de 258 milliards de FCFA en 1990 à 276 en 1991. Il a
ensuite été abaissé à 71 milliards de FCFA en 1992
et 1993. Depuis 1994, le plafond de réescompte maximum a
été remplacé par un objectif de refinancement. Ce dernier
ne devient impératif que lorsque le taux de couverture extérieur
des engagements à vue de la Banque Centrale est inférieur au
minimum statutaire de 20%. Par ailleurs, un nouveau système d'accord de
classement a été mis en place. Il ne fait plus l'objet de limites
individuelles et permet à la BEAC de sélectionner les signatures
sur la base d'un système de cotation.
b) La libéralisation des taux
Depuis 1990, la politique des taux bas et
différentiés a été abandonnée au profit
d'une gestion plus souple et plus rationnelle. Le niveau des taux
d'intérêt est désormais fixé de manière
à maintenir un différentiel de taux favorable avec la France,
afin d'éviter les sorties de capitaux. Le taux d'escompte
préférentiel a été supprimé et le taux des
avances au trésor a été relevé progressivement pour
égaliser le TEN en 1993. Le gouverneur de la BEAC a désormais les
compétences pour modifier les taux d'escompte. De ce fait, il n'y a pas
unicité des taux d'intérêt dans la zone BEAC.
Au niveau des banques, les taux ont été
libéralisés, seuls restent fixés un taux débiteur
maximum et un taux créditeur minimum. Le taux créditeur minimum
ne concerne que les petits épargnants : il s'applique uniquement aux
dépôts d'épargne ou aux livrets dont le montant est
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inférieur à 5 millions de FCFA. Quant au taux
débiteur maximum, depuis novembre 1995, il est égal au taux de
pénalité des banques majoré d'une marge de 7%.
c) La mise en place du marché
monétaire
L'instauration du marché monétaire en juillet
1994 constitue l'aboutissement des réformes de la politique
monétaire. Les opérations sur ce marché sont les demandes
de refinancement des crédits à court et à moyen terme. Ce
marché est composé de deux compartiments ; le premier est un
marché interbancaire, le second permet à la BEAC de ponctionner
ou d'injecter les liquidités.
Les banques interviennent sur le premier compartiment pour
échanger des liquidités à des conditions de montant, de
taux et de durée librement définies. A partir des interventions
sur le marché monétaire, la BEAC calcule quotidiennement le taux
d'intervention moyen pondéré (TIMP). En raison du manque de
confiance entre les banques, en1997, les montants échangés sur ce
marché sont pratiquement nuls. Les banques possédant des
liquidités excédentaires préfèrent les placer
à la BEAC (en 1997, les dépôts spéciaux
représentent en moyenne 45 milliards de FCFA par mois).
Le guichet A est le canal principal du deuxième
compartiment du marché monétaire. Il est constitué
d'appels d'offres à l'instigation de la BEAC et de prise en pension
à la demande des banques. Pour les appels d'offres, la BEAC sert
à la limite du volume de monnaie centrale tout une partie des demandes
à un taux unique. Celui-ci est arrêté par le gouverneur de
la Banque Centrale en fonction de la conjoncture interne et externe. Les prises
en pension à l'instigation des banques concernent une période de
deux à sept jours. Le taux d'intérêt des prises en pension
(TIPP) est égal au TIAO majoré de 1.5 à 2 points. Le TIMP
fluctue entre le TIAO et le TIPP. Aux appels d'offres et aux prises en pension,
il convient d'ajouter les interventions ponctuelles de la BEAC. Celle-ci peut
effectuer des avances lorsque les montants injectés sur le guichet A
excédent l'objectif de refinancement maximum de ce guichet. Si une
banque a des difficultés à rembourser les échéances
sur le guichet A, si elle a enfreint la législation, la BEAC lui consent
des avances au taux de pénalité.
Le guichet B se situe hors marché. Il a
été maintenu pour le refinancement des anciens crédits
à moyen terme (dits irrévocables), et pour les nouveaux
crédits d'investissement du secteur productif, suivant la
procédure de mobilisation en compte courant.
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au Cameroun. IRIC/BMFI
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Afin de ponctionner la liquidité excédentaire
des banques, des dépôts spéciaux avaient été
instaurés en 1994. Ils étaient rémunérés et
ouverts à la demande des banques. Ils ont été
supprimés le 08/02/01996 et remplacés par les appels d'offres
négatifs prenant la forme de placement à 7 ; 28 et 84 jours. Les
trésors nationaux sont autorisés à soumissionner aux
appels d'offres négatifs. Tout comme les établissements de
crédit, ils, ne peuvent soumissionner que s'ils sont au préalable
désendettés vis-à-vis de la BEAC. Les placements sont
effectués sous la forme d'acquisition de certificats de placements qui
sont négociables librement sur le marché interbancaire, mais
uniquement entre les banques titulaires d'un compte à la BEAC. Le taux
servi cherche à fixer les liquidités dans la zone BEAC sans
gêner les placements sur le marché interbancaire.
Cependant, même dans le cas où les deux
premières mesures parvenaient au redressement du système
bancaire, il convient de se demander pourquoi les organismes de contrôle
bancaire n'ont pas détecté les signes de détresse plus
tôt. D'où les mesures juridico-institutionnelles qu'il convient
d'étudier maintenant.
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