II.2-LES REFORMES FINANCIERES AU CAMEROUN
Les banques de la sous-région en général,
et celles du Cameroun en particulier ont été profondément
touchées par la crise économique qui a frappé les
états au milieu des années quatre-vingt. A cet effet, même
les banques de développement créées pour assurer la
gestion des fonds venant de l'extérieur destinés au financement
des projets nécessaires au développement économique n'ont
pas résisté au désastre et se sont trouvées dans
une situation de totale illiquidité (A. Lenoir,
1989).
Dans cette situation asphyxiante, les banques ne pouvaient
plus assurer leur rôle d'intermédiation financière,
compromettant ainsi le processus de croissance et de développement
économique. Pour éradiquer cette crise financière, les
pouvoirs publics en collaboration avec les bailleurs de fonds internationaux ;
Banque Mondiale (BM), Fonds monétaire international (FMI) et la Banque
des États de l'Afrique Centrale (BEAC) ont mis en place des
réformes financières. Elles peuvent être regroupées
en trois catégories. D'abord la restructuration du système
bancaire, ensuite la mise en oeuvre des mesures monétaires, et enfin les
mesures juridico-institutionnelles.
II.2.1- Ra restructuration bancaire
Afin d'éviter l'effondrement du système bancaire
camerounais, un plan de restructuration fut élaboré en 1989.
Théoriquement, l'objectif de ces mesures financières était
de résoudre les problèmes d'illiquidité et
d'insolvabilité. La première tâche des experts fut de
réécrire les bilans bancaires. Les créances douteuses
égalant 253 milliards de FCFA au 30 juin 1988, selon les documents
comptables produits par les banques, ont été
réévaluées à 489 milliards. Par conséquent
les 104 milliards de provision pour dépréciation ont dû
être multipliés par trois. De ce fait, les créances saines
à l'économie furent réduites de 823 à 588
milliards. La totalité des actifs bancaires
Croissance et mutations du système financier
au Cameroun. IRIC/BMFI
diminua passant de 1400 à 1150 milliards de
FCFA31. Quant aux capitaux propres qui valent -26 milliards de FCFA
selon les états fournis par les banques, représentaient en fait
-282 milliards de FCFA. Le résultat net, déjà
négatif selon les résultats fournis par les banques (-150
milliards de FCFA), a été revu à la baisse (-14.5
milliards de FCFA). Car les provisions ont augmenté et les
intérêts fictifs n'ont plus été
comptabilisés. En fonction de leur situation, les banques ont
été recapitalisées, liquidées ou fusionnées.
Pour récupérer les créances, le gouvernement créa
en août 1989 la Société de Recouvrement des Créances
(SRC) dont l'objet principal est la reprise de l'actif et du passif de la
partie obérée de la Société Camerounaise de
Banque32. Elle est également en charge du recouvrement des
créances douteuses des banques liquidées et d'une partie des
créances des banques restant en activité. Elle est aussi
chargée d'indemniser les déposants. Pour ce, la SRC
bénéficie du privilège du trésor. La nouvelle
composition du bilan doit permettre d'assurer la stabilité
financière de la banque. Pour cet objectif, les actions ont porté
sur le passif et sur l'actif du bilan des banques ; toutefois, ces actions
diffèrent selon que les banques sont dissoutes ou liquidées, ou
que les banques sont réhabilitées.
Tableau 3: Créances
transférées à la SRC (en millions de FCFA)
Banques Montants Dates
BCCC 8 145 Juin 1992
CAMBANK 31 030 Juin 1992
FONADER 16 400 Décembre 1992
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PARIBAS 18 000 Juin 1992
SCB 164 000 Juin 1990
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Transfert d'actifs compromis des banques en activité
(SGBC, BICIC)
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76 900 Date non précisée
|
Total 443 175 Date non précisée
|
Source: Rapport d'activité
1993/1994 de la COBAC.
31Ces chiffres, issus des réévaluations
des bilans, diffèrent des chiffres de la BEAC présentés en
annexe. 32Cette banque a été scindée en deux et
la partie saine a été reprise par le Crédit Lyonnais.
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Croissance et mutations du système financier
au Cameroun. IRIC/BMFI
a) Action sur le passif
Dans le cas des banques dissoutes, il était question
d'épurer les engagements desdites institutions par l'indemnisation
progressive des déposants. Cette indemnisation a été
financée par trois mécanismes :
- L'abandon des dépôts et des créances du
gouvernement et de certaines entreprises publiques33 ;
- De nouveaux prêts à l'image du
prêt-relais du Crédit Lyonnais au gouvernement : 16 milliards de
FCFA ;
- Le rééchelonnement de tous les engagements des
banques dissoutes vis-à-vis de l'institut d'émission et des
prêts garantis par l'État en faveur de la Société
Camerounaise de Banque (SCB) et de la Banque de Paris et des Pays-Bas
(Paribas).
Dans le cas des banques à réhabiliter, il a
été question d'accroître des fonds propres, de stimuler les
dépôts et de refinancer les dettes existantes. L'augmentation des
fonds propres s'effectue suivant trois modalités :
- La capitalisation des bénéfices normaux
pendant une période donnée (cas de la BICIC en 1988) ;
- L'accroissement du capital par souscription à
l'émission obligatoire des nouvelles actions ;
- L'abandon des fonds propres et des créances publiques
dont le montant est aujourd'hui estimé à 186 milliards de
FCFA.
Pour stimuler les dépôts, les autorités
monétaires ont opté pour une libéralisation des taux
d'intérêt créditeurs à partir d'un certain seuil de
3 millions de FCFA. Il fallait également éviter les retraits
massifs. L'État a contraint certains organismes parapublics à
stabiliser leurs dépôts dans les établissements de
crédit (Joseph A., 2000).
Concernant le refinancement des dettes existantes, il a
été conseillé de procéder à leur
allègement au moyen des concessions sur le taux d'intérêt
ou de l'allongement des échéances. C'est en ce sens que la BEAC a
rééchelonné ses créances sur une période de
quinze ans avec un différé de
33Selon Tamba et al. Art .cit p825, 76 milliards de
FCFA de dépôts divers aux banques liquides ont été
abandonnés par la Société Nationale des Hydrocarbures
(SNH) et la Société Nationale de Raffinage (SONARA).
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Croissance et mutations du système financier
au Cameroun. IRIC/BMFI
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trois ans au taux de 3%. De même les créances en
souffrance essentiellement des crédits de campagne de la BEAC ont
été consolidées sur l'État à 3% sur quinze
ans.
b) Action sur l'actif
Une banque en difficulté peut améliorer son
portefeuille d'actif soit directement en échangeant ou en passant par
pertes et profits des créances douteuses ou recouvrables, soit
indirectement en aidant par exemple les entreprises débitrices à
restructurer. Au Cameroun, l'amélioration du portefeuille d'actifs n'a
pas été laissée à la seule initiative de la banque.
En fait, l'État à travers la Société de
Recouvrement des Créances (SRC) a repris le portefeuille non productif
des banques sinistrées.
Les créances douteuses contentieuses et impayées
(CDCI), reprises ainsi par la SRC sur l'ensemble des établissements
financiers ont été importantes à tel point qu'en
Décembre 1996, la SRC était devenue le premier
établissement de crédit du pays avec 700 milliards de
créances douteuses à recouvrir.
Vu l'ampleur de la crise financière observée au
Cameroun, la restructuration des banques n'a été qu'un des
éléments du programme de redressement qui devait comprendre
également des mesures visant une mobilisation et une allocation efficace
des ressources ; d'où les mesures sur les plans monétaire et
juridico-institutionnel.
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