I.1.2- LES DISTORSIONS INTRODUITES PAR LA POLITIQUE
GOUVERNEMENTALE:
Selon cette catégorie de justification, la politique
gouvernementale a un effet sur le comportement bancaire, dans la fonction
d'intermédiation financière. Cette politique, bien que
Croissance et mutations du système financier
au Cameroun. IRIC/BMFI
menant pour des raisons politiques à une gestion
hasardeuse des établissements bancaires, peut aussi introduire une
répression financière, ou introduire un dualisme financier.
a) La théorie de la répression
financière:
La répression financière désigne les
obstructions réglementaires de toute nature qui contrarient les
activités des intermédiaires financiers et entravent le
développement de l'épargne (McKinnon, 1970 ;
Shaw, 1973). Elle consiste à fixer des taux
d'intérêt en dessous de leur valeur d'équilibre, à
orienter administrativement le crédit, à fixer les
réserves obligatoires à un niveau élevé, et
à limiter la concurrence au sein du système bancaire.
Cette théorie découle de l'approche
néo-classique du financement du développement qui suppose
l'épargne préalable à l'investissement. Celle-ci est une
fonction croissante au taux d'intérêt réel. Selon les
conclusions de McKinnon, la répression
financière empêche l'économie d'atteindre son taux de
croissance optimal.
A la suite de McKinnon, des travaux plus
récents, réalisés par Éboue C.
(1990) intègrent le taux d'intérêt informel comme variable
déterminante de la répartition du portefeuille des agents
économiques en économie réprimée. Dans un tel
contexte, la politique monétaire a un effet sur le comportement des
banques en les obligeant à revoir leur fonction d'intermédiation
financière.
Ainsi, pour stimuler l'investissement, il faut
décourager la détention de la monnaie. De cette mécanique,
découle une politique monétaire qui conduit à un certain
nombre de restrictions que McKinnon (1991)26
appelle « instruments de répression financière
».Ces instruments sont :
? La rétention importante des réserves obligatoire
sur les dépôts pour lutter contre l'inflation ; ? Les restrictions
sur les taux d'intérêt : administration des taux (plafonnement,
pratique des taux préférentiels ou de faveur pour certains
secteurs).
Pour des taux fixés à des niveaux faibles, le
plafonnement a conduit à des taux d'intérêts réels
négatifs sur les dépôts, si l'on tient compte du niveau du
taux d'inflation et des taux d'intérêt rémunérateurs
sur les crédits27.
26 McKinnon (1991) cité par Isaac Tamba et
al(1994).
27 Déjà en 1985, (BEAC, Études
et statistiques n° 122 Avril 1985 p122) Andely relève parmi les
contraintes s'opposant à l'exercice de l'activité bancaire, le
bas niveau des taux d'intérêt servis aux banques à la
souscription des bons d'équipement (4.5%) alors que le coût moyen
des ressources des banques était de 9.5%.
MEFO'O NGO'O Yves Lionel ~ 38 ~
Croissance et mutations du système financier
au Cameroun. IRIC/BMFI
MEFO'O NGO'O Yves Lionel ~ 39 ~
En définitive, l'utilisation des instruments de la
répression financière conduit à réduire
l'attraction de détenir des créances sur le système
bancaire.
Par ailleurs, les institutions financières sont
obligées de pratiquer une politique de rationnement de crédit, ce
qui prive l'accès d'une bonne partie de la population au marché
des fonds prêtables et se traduit par la segmentation des marchés
des capitaux domestiques. Ainsi, il résulte de la répression
financière, une réduction du flux des fonds prêtables dans
le système financier, obligeant d'une part, les banques à
rationner le crédit et d'autre part, les emprunteurs potentiels à
s'appuyer davantage sur l'autofinancement ou sur les circuits financiers
parallèles.
En cela la répression financière
génère un dualisme financier dans l'économie.
b) Le dualisme financier
Les économies africaines sont
caractérisées par l'existence d'un dualisme financier qui
constitue théoriquement un obstacle au développement financier
(Hugon, 2001). Dans l'optique néoclassique, le
développement financier est préalable à l'investissement,
puisque le dualisme financier contribue à évincer le
système financier formel des circuits de collecte d'épargne. Dans
l'optique de Shaw (1973), le circuit formel de financement est
le meilleur. Les intermédiaires financiers permettent en effet de mieux
orienter l'épargne car, recevant plusieurs demandes de financement, ils
peuvent opérer un choix sur une gamme de projets assez large. Cette
possibilité est réduite pour «
l'épargnant-investisseur » qui n'a
généralement qu'une opération unique et propre à
financer.
Deux théories s'opposent sur l'origine du dualisme
financier. La première considère que la présence du
dualisme financier s'explique par les carences du système financier
formel, lesquelles résulte de la répression financière. A
ce propos, Éboue C (1990) recense trois propositions
permettant de formuler la répression financière comme cause du
dualisme financier.
- Insuffisante intermédiation du côté des
marchés de capitaux officiels et inexistence des marchés de fonds
prêtables. Désarticulation et segmentation du processus de
collecte de l'épargne du côté des «marchés
souterrains ».
- Bas niveau des taux d'intérêt sur le
marché officiel qui entraîne la baisse de l'incitation au
placement bancaire en causant le renforcement du rationnement de l'offre de
crédit.
Croissance et mutations du système financier
au Cameroun. IRIC/BMFI
- Niveau élevé des taux d'intérêt sur
le plan informel.
En définitive, les agents dont le niveau d'accumulation
est contraint sur le plan formel se reportent sur le marché informel.
La seconde thèse considère que le dualisme
financier s'explique par l'hétérogénéité
intrinsèque des structures économiques et sociales des pays en
développement et par l'attachement des individus à leurs valeurs
et coutumes traditionnelles. Cette approche structurelle intègre des
normes sociales et complémentaires justifiant par exemple l'existence du
financement informel au sein des groupes immigrés dans les pays
développés. Il peut dès lors être
présenté les caractéristiques de la crise de
l'intermédiation financière.
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