Coopération transfrontalière en Afrique de l'ouest: Enjeux et perceptions des populations burkinabè( Télécharger le fichier original )par Monique Bassénewindé OUEDRAOGO Université de Ouagadougou - Master 2 de recherche en Sociologie 2012 |
CHAPITRE I : CADRE THEORIQUEI. Etat de la question1.1. Justification de la rechercheEn plus de la dualité sus-évoquée, plusieurs raisons nous confortent dans le choix de ce thème, au nombre desquelles, trois nous semblent pertinentes. La première raison est d'ordre économique : le contexte actuel de la mondialisation nécessite que les pays de l'Afrique de l'Ouest oeuvrent en synergie pour en tirer le maximum d'avantages ; l'un des gains pouvant être leur grande insertion dans le système économique mondial. C'est l'avis d'Alpha Omar Konaré, ancien président de la Commission de l'Union africaine, cité par Enda Diapol & al. (2007 : 9), « Un environnement économique mondial en rapide évolution exige que nous avancions à grands pas et de façon rationnelle pour parvenir à l'intégration régionale. Nos anciens engagements en faveur de la coopération transfrontalière nous y incitent. Et les besoins et les aspirations de nos peuples nous y obligent ». Par ailleurs, en prenant l'exemple du Burkina Faso, l'étude diagnostique du Schéma national d'aménagement du territoire (SNAT), phase 1, volume 1, (2009 : 302) a montré que la longueur du réseau routier goudronnée a connu un taux de croissance de 2,5 % par an de 1990 à 2005. C'est dire qu'en quinze ans, l'on est passé de 1 883 à 2 642 km de longueur du réseau routier goudronnée. A ce rythme-là, prévient cette étude, il faudrait plus de 60 ans pour assurer une desserte correcte du territoire, pour créer les conditions de base du développement agricole. Qu'en serait-il alors des autres priorités que sont l'éducation, la santé, l'eau potable et l'assainissement... ? A l'échelle micro, les Etats n'ayant pas suffisamment de ressources, l'intégration qui sous-entend une mutualisation des efforts et des apports, permettrait de réaliser des économies d'échelle nécessaires à l'accroissement de la compétitivité des économies des pays ouest-africains. La deuxième raison est en rapport avec la littérature disponible sur le sujet. En effet, la coopération transfrontalière a fait l'objet de nombreuses recherches à travers le monde. Toutefois, la majorité de ces recherches ont concerné les questions de développement, de paix, de sécurité, d'infrastructures. En Afrique de l'Ouest et en Afrique du Centre par exemple, la majorité des études a porté sur les ressources économiques (ARFE, 2012), forestières (Jean Félix Yekoka, 2011 ; Yves Paul Mandjem & al. 2011), les ressources halieutiques (Cyrille Serge Atonfack Guemo, 2011), pétrolières (Philippe Biyoya Makutu Kahandja, 2011 ; Marc-Louis Ropivia, 2011), les ressources hydriques (Tchago Bouimon, 2011 ; Etanislas Ngodi, 2011 ; CEDEAO-CESAO/OCDE, 2006), routières (ARFE, 2012). En Asie, les recherches ont porté sur le rôle des infrastructures transfrontalières dans le processus d'intégration régionale de l'Asie en développement (Kuroda Haruhiko & al. 2007). Certes, le volet enjeux apparaît souvent, mais il est moins documenté et se retrouve de façon éparse dans les travaux de John O. Igué6(*) & al. (2010) ; de Ram Christophe Sawadogo (2008) ; de Michel Cahen (1999). Comme on le constate, les aspects enjeux et perceptions des populations bénéficiaires semblent quasi inexplorés. C'est pourquoi, la présente étude compte s'y pencher. La troisième raison est à la fois d'ordre personnel et d'ordre sociologique. A l'origine, nous souhaitions mener une recherche sur un exemple de coopération sanitaire transfrontalière entre le Burkina Faso et le Mali, dans la zone de Ouarokuy-Wanian. Cette initiative est née, suite à un conflit foncier en 2006 entre les populations de Ouarokuy (Burkina Faso) et de Wanian (Mali) qui a conduit à des pertes en vies humaines et à des dégâts matériels importants. Les entretiens exploratoires ont permis de nous rendre compte que nombreuses sont les personnes interviewées à Ouagadougou qui ignorent l'existence de cette coopération sanitaire transfrontalière, contrairement à la commune de Djibasso où l'information est plus connue7(*). Cette méconnaissance peut certes s'expliquer par la nouveauté du Centre de santé transfrontalier (CST) de Ouarokuy-Wanian, dont la signature de convention ne date que de 2011. Mais en réalité, nous nous sommes demandé si bien de coopérations transfrontalières ne sont pas méconnues des populations burkinabè, alors que les écrits scientifiques et les manchettes des journaux en ressassent. C'est le cas de la zone SKBo (Sikasso- Korhogo- Bobo-Dioulasso), dont le Burkina Faso est partie prenante. Il nous est donc apparu impérieux de commencer notre recherche par savoir si les populations connaissent les formes de coopération existantes, leurs enjeux, si elles y sont associées et si elles adhèrent a priori au concept de coopération transfrontalière. De plus, en tant que sociologue, si la coopération transfrontalière peut constituer un outil de développement endogène viable et durable qui renforce la démocratie participative et la gouvernance locale, elle constitue alors une préoccupation, un fait social à explorer et à comprendre. Pour paraphraser Jean Claude Thoenig (2005 : 24), les sciences sociales savent identifier des opportunités pour des interventions qui produisent du changement en analysant le contexte, les niveaux multiples qui le composent, les jeux stratégiques qui s'y déploient. Elles évaluent l'efficacité des instruments de politique, adoptent le point de vue d'un acteur impliqué dans le co-pilotage et qui a la volonté de faire évoluer quelque chose et enfin, elles repèrent les lieux et moments favorables à une action permettant de faire une différence en termes d'innovation. * 6 Lire aussi « L'intégration nationale : préalable et vectrice de l'intégration régionale ou interrogation superfétatoire ? », Ram Christophe Sawadogo, pp.51-72 in Les Etats-nations face à l'intégration régionale en Afrique de l'ouest : Le cas du Burkina Faso, Seydou Oumar Kane (2008), Paris, Editions Karthala, 228p. Lire également Michel Cahen, « L'Etat ne crée pas la nation : la nationalisation du monde », in Autrepart (10), 1999, pp.151-170 * 7 Les entretiens exploratoires ont concernés 10 personnes : 5 à Ouagadougou et 5 à Djibasso. Tous les 5 enquêtés à Ouagadougou ne connaissent pas l'existence du CST, tandis que 4 à Djibasso connaissent son existence. |
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